vendredi 8 avril 2011

Tous militants ? Tous intendants ? non ! tous GO


Chers amis, Chers camarades,

l’UMP tente maladroitement d’attaquer les primaires dans leur « légalité ». Il semble pourtant que le parti socialiste ait étroitement travaillé avec la CNIL sur les différents aspects juridiques liés à la conversation et l’utilisation de données personnelles sous forme de fichiers ou de listes électorales. Les procédures de contrôle, très lourdes, permettront ainsi la destruction des recueils de coordonnées volontairement transmis par les électeurs des primaires et centralisés par Solférino, et ce devant un huissier dûment assermenté.

Alors, beaucoup de bruit pour rien ?

Peut être pas. Par la grâce de cette micro polémique politique soulevée par nos adversaires de droite en perdition, on voit s’exprimer une tendance de fond au niveau de l’organisation de notre parti et du rôle dévolu aux militants :

Les taches organisationnelles confiées aux sections et aux fédérations vont gagner en importance dans les mois à venir et l’organisation des primaires devrait voir s’affermir la « transformation du monde militant » déjà en marche depuis quelques années.
Peu nombreux, sociologiquement homogènes, formés sur les bancs de Sc Po et « déformés » dans les rangs des MJS , ayant souvent reçu le socialisme en héritage de papa maman, les militants modernes du PS sont avant tout des « professionnels » de la chose politique vue comme la gestion technique de désignations et comme l’organisation la plus apaisée possible des processus de sélections internes :

gestionnaires efficaces d’une machine à désignation et d’une école des cadres, promoteur du technocratisme politique le plus assumé, assistants rémunérés des élus, ces militants d’un genre nouveau sont en train d’imposer le mot d’ordre, « tous intendants » en lieu et place de l’’habituel slogan de rassemblement « « tous militants ».

A un parti voulant se donner l’ambition d’être « populaire », « ouvert » et « démocratique », on ne peut qu’opposer la réalité sociologique d’un PS devenu le représentant des intérêts des classes moyennes et supérieures, d’une machine solférinienne restant centralisée dans ses modes de fonctionnement, et parfois même tenté, hélas, de passer outre le plus pur exercice de la Démocratie :

Ainsi, le congrès de Reims de décembre 2008 avait permis de désigner à chaque niveau du parti (sections, fédérations, national), « nos » représentants, et ce pour une durée de trois ans.

Il semblerait que le prochain congrès, qui aurait dû se tenir donc en décembre 2011…soit en passe d’être reporté à l’après élection en 2012…sans tambour ni trompette.

Les principes de la démocratie représentative s’effacent donc ainsi devant les principes de la démocratie à la mode « primaire » : une « démocratie » à la mode médiatique, dans laquelle les candidats potentiels se jaugent à la lumière des sondages, organisent des pactes et des alliances en coulisse sur le mode du « si t’y vas, j’y vais pas, si t’y vas pas, j’y vais peut être, mais si j’y vais c’est pour gagner à coup sur », et tentent de « vendre »le principe des primaires comme un grand moment de rassemblement populaire alors que ces primaires risquent de se limiter à un vote plebiscitaire en faveur du candidat des sondages. Un vote qui, n’en doutons pas, ne rassemblera pas beaucoup de votants au-delà du spectre de nos actuels adhérents.

Les primaires, un vote pour rien ? peut être. Un vote pourri ? pas de populisme, de grâce. Mais enfin, un vote, pour quoi ? certainement pas pour la rénovation espérée de nos pratiques.

Les militants ont déjà largement perdu plusieurs « privilèges » politiques : Celui de désigner souverainement tous leurs représentants, puisque désormais c’est tout le peuple de gauche qui participera à la désignation du candidat à la présidentielle. Celui de participer à la rédaction des textes d’orientation, puisque la fonction « idéologique » semble avoir été largement délégué à des « experts », ou supposés tels, extérieurs au parti. Le principe des primaires n’a-t-il pas été lui-même conçu par Olivier Ferrand et la fondation terra nova et « vendu » ensuite à nos représentants ?

Il faut donc aujourd’hui faire le deuil définitif d’un « parti de masse » qui relève plus de la mythologie de la gauche que d’une réalité (le PS au plus fort de ses effectifs en 1981 n’a jamais eu plus de 200 000 adhérents environ). Et donc se résigner à devenir des professionnels de l’animation politique et de l’organisation du « jeu »démocratique interne, fusse t il largement pipé dans un parti social démocrate en crise permanente. Se résigner ou s’en aller. Triste choix.

« Un ministre cela ferme sa gueule ou cela s’en va ». Et un militant ? cela ferme généralement sa gueule et ça reste. Par atavisme. Ou au nom de la loyauté du petit soldat qui y croit encore comme on croit à la beauté du dernier carré de la garde au combat alors que la défaite est certaine et qu’il ne reste que le panache et la défense de l’honneur à sauver.

Finalement, le PS est en train aujourd’hui de nous vendre des jobs de « GO ». Alors, Trigano, premier secrétaire ? cela aurait au moins le mérite de la cohérence politique !

Amitiés socialistes
Boris Faure
Varsovie

mardi 29 mars 2011

Faire Front ou Faire Face ? regarder le FN dans les yeux


Chers amis, Chers camarades,

Un des enseignements principaux du scrutin de dimanche aura été l’installation du Front National comme troisième force politique française.

Certes, si l’on cherchait à se rassurer, on pourrait toujours gloser sur les deux élus cantonaux du Front qui forment sur un plan comptable un résultat pitoyable, sur les 900 000 voix obtenues qui ne représentent qu’un vingtième du corps électoral français, sur la médiocrité de nombre des candidats frontistes ignorant des compétences même des Conseils généraux, ou sur l’inanité des propositions du Front national quand elles flattent les instincts les plus bas de l’Homme et du citoyen.
Mais à trop vouloir minimiser ou dédramatiser, comme s’y est employé d’ailleurs largement Jean François Copé depuis dimanche soir sur le mode « ce n’est qu’une élection locale il n’y a pas péril en la demeure », on passerait cependant à côté de l’essentiel :

Marine Le Pen semble en train de réussir son « pari marketing » : Pourquoi préférer l’ersatz de FN qu’est en train de devenir l’UMP alors que le produit « original » est plus efficace pour défendre des thèses extrêmes ? Le matraquage sur le mode « UMPS », est en train de fonctionner, Marine Le Pen et le FN se placent délibérément en position de recours comme force d’alternance au lieu d’occuper seulement la traditionnelle fonction tribunicienne de parti défouloir de colère et de frustration.

De vote « Contre », le vote FN est en train de se transformer en vote Pour. Le vote FN n’est donc plus seulement un vote sanction ou protestataire, mais est (hélas) en train de devenir un vote d’adhésion :

Le FN progresse sociologiquement partout : dans les classes populaires, où il représente 40% des votes des ouvriers et employés, dans l’Ouest de la France, terre pourtant traditionnellement de gauche, et désormais dans les classes moyennes qui semblent désormais devoir porter un intérêt au discours frontiste et à ses thèmes même si cela ne se traduit pas encore systématiquement par un vote majoritaire en faveur de ce parti.

Les thématiques du FN ont largement infusé dans le champ des idées, et Nicolas Sarkozy et ses principaux conseillers politiques (Hortefeux, Guéant) portent une responsabilité majeure sur l’installation politique d’une « arithmétique de l’absurde » liant Immigration et Déclin français, Immigration et Insécurité, Islam et Intolérance.

S’indigner, sur les brisées de Stéphane Hessel, ne suffira pas. Cela fait 30 ans désormais que l’on s’indigne en France face à la montée du Front, un parti qui a fait sa première percée électorale en 1984, avec la même inefficacité :
En effet, les années 90 ont été celles du développement du combat du FN sur le mode de l’anti racisme et du cordon sanitaire : on a considéré ce parti comme anti-républicain et la question « ontologique » était de savoir s’il était un parti fasciste ou non : « F comme fasciste N comme Nazi », le slogan est beau, il rappelle les combats républicains d’Espagne, il fait vibrer le cœur de révolte, mais il faut savoir parfois sortir de la légende et de la mythologie propre à la Gauche et revenir sur terre :

force est de constater que cette stratégie n’a jamais fait reculer d’un iota le FN dans les urnes. Le seul recul enregistré, avec l’arrivée de Sarkozy, a été du à la reprise des thèmes frontistes dans le discours de l’UMP (débat sur l’identité nationale, sur l’islam, répression des mouvements des banlieues…)

Si le FN était d’ailleurs un parti anti –républicain il aurait été placé au pilori juridique par les juges français : or, il ne l’a jamais été, même si ses dirigeants, à commencer par Jean marie Le Pen, ont été à plusieurs reprises condamnés pour des propos incitant à la haine et au racisme. Mais Aucun juge ni aucune autorité politique n’a jamais intenté de procédure de dissolution de ce parti ou ne l’a jamais mené à son terme.

Il faut désormais débattre pied à pied avec le FN, démonter ses argumentations fallacieuses et cesser la diabolisation des électeurs tout en maintenant nos soupçons sur les arrières pensées des dirigeants FN : mener donc le combat des idées, face au populisme et à la xénophobie que ce parti défend. « Plutôt Faire face que Faire front ».

N’oublions pas que les électeurs du FN viennent souvent de « nos » rangs : ouvriers et employés votant jadis pour le PC ou pour le PS, déçus du « système des partis », touchés de plein fouet par la crise et qui ne se sentent plus « protégés » par l’Etat.

Il faut donc comprendre ce qui « parle » aux électeurs FN dans le discours et les thèmes du FN et fournir une réponse de gauche à ses problématiques :

Quand je lis « préférence nationale pour l’attribution des allocations familiales » « fin du regroupement familial » « promotion d’un Etat protecteur » et défiance face à l’Europe actuelle avec promotion de la sortie de l’Euro, tous thèmes défendus par le FN, je me dis que nous avons le devoir, en tant que parti appelé à gouverner en 2012, à fournir un programme pour « retrouver langue » avec les ouvriers et employés que nous avons perdu :

Un Etat qui protège dans une Europe qui protège devrait par exemple permettre de « parler » à ces électeurs.

Un Etat plus juste dans une République modèle devrait participer de la réconciliation des électeurs du FN avec les valeurs traditionnelles de la République française. Un Etat capable de relancer une politique industrielle digne de ce nom, innovatrice en matière de recherche, serait aussi vecteur d’emplois et ferait reculer la pauvreté et la précarité en France.

Enfin, une classe politique exemplaire, dans le non cumul des mandats, dans la transparence des rapports entre les champs politiques et économiques, devrait résoudre en partie la crise du Politique qui fait progresser l’abstention à des niveaux vertigineux.

Le PS a une responsabilité majeure dans les mois qui viennent. Il doit se réinstaller au sein du champ politique comme le parti de la Justice, de la Morale, comme le parti d’une République et d’un Etat qui protègent.

Démonter les sentiments xénophobes sera surement plus difficile car nous sommes là dans « l’irrationnel ». Nous pouvons cependant continuer à montrer les avantages et apports de l’immigration. Ce n’est pas une simple question politique, c’est là une question essentielle de morale.

A ces conditions, nous ferons reculer le FN et nous ne gagnerons pas seulement par défaut en 2012 lors d’un 21 avril inversé qu'on voit poindre comme une hypothèse de plus en plus crédible.

Amitiés socialistes
Boris

mardi 15 mars 2011

nucléaire le débat interdit ? Pour une montée en puissance des énergies alternatives


Chers amis,

Que l’on soit une nation nucléaire de premier plan (nous « pesons »10% de la production nucléaire mondiale pour seulement 1% de la population mondiale) ne doit pas nous interdire de raisonner sur ce sujet de première importance puisqu’il relève plus globalement du débat sur la production d’énergie dans le cadre d’une stratégie de développement durable pour la planète. Il me semble cependant que ce type de débat ne doit pas se faire dans l’urgence ou la précipitation ni sous le coup d’une émotion collective comme celle qui frappe aujourd’hui en voyant les risques entourant les réacteurs nucléaires japonais javascript:void(0)fragilisés par le séisme récent. Le débat sur la sortie du nucléaire n’est donc pas un débat interdit, bien heureusement, et si l'on prend quelques précautions sur l'argumentaire, en évitant les envolées lyriques sur "l'abandon du nucléaire" ou le "tout nucléaire - pas touch' à mon industrie performante", on peut même éviter de piéger le débat.

Dans le domaine politique, la notion la plus importante me semble être celle de « progressivité »des changements de stratégie énergétique, seule capable d’infléchir notre politique énergétique à l’échelle hexagonale, européenne et Mondiale à moyen ou long terme.

La progressivité suppose des politiques inscrites dans le temps long, pour permettre notamment des avancées technologiques et le développement économique de projets à forts enjeux financiers et économiques :

Sur le plan de la comparaison des puissances, il faudrait ainsi 1300 éoliennes tournant à plein régime pour fournir l’énergie d’un seul réacteur nucléaire. http://www.econologie.com/la-puissance-d-un-reacteur-nucleaire-articles-3229.html. Il y ava 58 réacteurs nucléaires en fonctionnement en France.

Cependant des éoliennes de nouvelle génération arrivent déjà sur le marché et devraient permettre d’enregistrer une amélioration de 40 à 50% de la puissance produite aujourd’hui.

L’Europe s’est par ailleurs engagée à produire 20% d’énergie alternative en 2020 et a choisi une stratégie d’exemplarité dans le cadre des négociations sur le changement climatique, stratégie qui pour l’heure ne s’est pas encore avérée payante si l’on regarde les résultats de la conférence de Copenhague, même si là encore c’est le temps et le recul qui donneront une appréciation plus juste des résultats réels de cette stratégie qui semble avoir l’aval d’un grand nombre de citoyens européens qui placent la dimension écologique et durable du développement au centre de leurs priorités /

En Europe, les choix énergétiques des 27 sont cependant dissemblables et la réconciliation des différents projets nationaux de production d’énergie n’est pas chose aisée : ainsi, pour reprendre l’exemple des énergies éoliennes, l’Allemagne a le premier parc d’éolienne en Europe et produit 7 fois plus de puissance globale que les éoliennes françaises. La France se classe seulement 7eme à l’échelle des nations européennes dans ce domaine.

L’année 2009 a cependant été une année de développement record de ces énergies en Europe et en France en particulier. La France a le deuxième potentiel éolien d’Europe et devrait « rattraper » une partie de son retard progressivement en terme de production pour se situer dans le peleton de tête des nations européennes en terme de puissance éolienne à échéance de 20 ans : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_%C3%A9olienne. On peut donc raisonnablement considérer qu’une convergence des économies européennes existe dans le domaine de l’énergie éolienne.

Le développement de l’énergie solaire a également un fort potentiel en France et l’on peut penser que la stratégie de diversification de la production d’énergie est déjà largement en place en France qui ne reste pas « rivée » sur la seule production nucléaire qui est cependant un de ses piliers industriels majeurs.

En France aujourd’hui, 120 000 emplois directs et indirects concernent la filière électro-nucléaire. Il faut noter cependant qu’au plus fort du développement de cette filière, en 1987, il y avait 160 000 emplois concernés, et que nous avons assisté en un peu plus de 20 ans à une diminution importante des effectifs globaux signe d’une diversification progressive du secteur énergétique.

http://www.nuclerys.com/carriere.htm


Le débat dès lors à mener en France semble être celui d’une accélération de la transformation de la politique énergétique française vers davantage de diversification, plutôt qu’une transformation radicale avec un abandon de la filière nucléaire qui semble, du fait du poids hexagonal de cette filière économique et de l’indépendance énergétique qu’elle fournit aujourd’hui, assez largement utopique à court terme.

Au niveau européen, une politique de grand emprunt, si elle devait être mise en œuvre pour mobiliser les capacités d’épargne importantes des européens (trait distinctif possible de nos économies européennes par rapport à l’économie d’endettement américaine), aurait surement des chances de réussir en cas de proposition d’un projet européen de développement d’énergies alternatives de grande ampleur.

Le programme énergétique européen pour la relance, adopté en 2009, et qui concerne le développement éolien, celui des infrastructures électriques ou gazières ou des projets de captation de carbone fournit une bonne base de ce qu’il est possible de faire au niveau européen pour accélérer le mouvement de diversification des sources d’énergie. Aller plus loin et plus rapidement est surement souhaitable pour que l’Europe se dote de capacités de production d’énergies alternatives puissantes et s’impose comme un « leader mondial » dans ce domaine.

http://europa.eu/legislation_summaries/energy/european_energy_policy/en0012_fr.htm

Nul doute que l'accident nucléaire majeur qui se déroule aujourd'hui au Japon incitera les opinions publiques à réclamer des solutions novatrices en terme de production d'énergie, renforcera le souci de protection environnementale et introduira certainement un renforcement des normes de protection nucléaire dans le même temps.

Amitiés
Boris

FUKUSHIMA - TCHERNOBYL LES LIMITES D UNE COMPARAISON


Chers amis,

si la catastrophe de Tchernobyl est dans toutes les mémoires chaque fois que l'on parle d'incidents ou d'accidents nucléaires, il faut surement garder à l'esprit quelques éléments rationnels dans nos comparaisons avec les évènements actuels à Fukushima pour "raison garder" malgré l'inquiétude qui entoure la gestion des réacteurs qui pourraient rentrer en fusion nucléaire non contrôlée.

Sans être un spécialiste des questions nucléaires, mais pour m'être intéressé à l'époque à la catastrophe de Tchernobyl et m'être documenté sur les conditions de son déroulement, voici ce qu'on peut établir comme différences précises entre les faits survenus en Ukraine et ceux survenus ces derniers jours au Japon :


- Les causes de la catastrophes : dans le cas de Tchernobyl elles sont largement endogènes, puisque c'est une série d'erreurs des techniciens en charge de la centrale ukrainienne qui ont provoqué l'accident. Dans le cas de l'accident en cours au Japon, c'est une cause exogène (le séisme) qui a conduit à l'accident actuel.

- la gestion de la catastrophe : dans le cas de Tchernobyl, la gestion a elle même était catastrophique : d'abord pour tous ceux qui sont intervenus sur le site : on se rappelle des pompiers s'attaquant à l'incendie du réacteur avec des lances à eau et sans protection, ou d'ouvriers ramassant les débris radioactifs sans protections particulières.

Les "liquidateurs", ces ouvriers rappelés en renfort à la suite de la catastrophe et qui ont recueilli les déchets et débris radioactifs et qui étaient plus de 600 000 à passer sur le site nucléaire radioactif, ont été les premiers irradiés.

La lenteur de la prise de conscience de la gravité de l'accident a aussi conduit à la lenteur de l'évacuation des populations aux alentours de la centrale et a donc également accru le nombre de personnes irradiées. Par ailleurs, en 86, l'information était contrôlée et il existait sans doute une volonté politique de minorer les conséquences de la catastrophe dans une période où le bloc soviétique s'éffritait et les économies du bloc menaçaient ruine.

Dans le cas de Fukushima, la gestion de l'accident ne semble rien laisser au hasard, l'évacuation de 180 000 personnes vivant dans le voisinage a été rapide, au bout de quelques heures seulement,à Tchernobyl, il avait fallu deux jours pour évacuer 90 000 personnes et les capsules d'iode n'avaient pas été distribuées (alors qu'elles auraient permis de prévenir le risque de cancer de la Thyroide).

On a certes peu de détails dans la presse sur la manière dont travaille les techniciens sur le site endommagé pour essayer de maitriser le risque de fusion des réacteurs, mais on suppose qu'ils ne le font pas à main nu et sans protection...l'information qui circule autour de l'accident semble claire bien qu'on imagine qu'il y a une volonté certaine de ne pas effrayer les populations et de succomber à la panique et que les premières critiques contre la communication officielle semblent ce faire jour en ce dimanche.

Les risques de fusion n'ont cependant pas été cachés et existent; On assiste à une application certaine d'une forme de principe de précaution visant à ne pas dissimuler les conséquences potentiellement le plus graves que pourraient revétir cet accident même si les autorités cherchent également à rassurer et peuvent être tentées de minorer certains risques.

- les conséquences de la catastrophe : sur l'échelle des accidents nucléaires, la catastrophe de Tchernobyl a été classée au rang 7, comme catastrophe majeure, elle avait donné lieu à une fusion nucléaire non maitrisée pendant de longues semaines déclenchant un nuage radioactif pathogène ; pour l'instant l'explosion de Fukushima n'a pas entrainé de "fusion nucléaire" dans les réacteurs, et si des débris radioactifs ont été projetés autour de la centrale, aucun nuage n'existe pour l'heure car précisément il n'y a pas d'incendie comme à Tchernobyl.

Bien sur; en cas de fusion du réacteur, les risques encourus augmenteraient considérablement.

On ne peut donc comparer à ce stade les deux accidents, qui ne sont donc pas de la meme nature et n'ont donc pas les memes conséquences même si à Fukushima la situation pourrait évoluer et prendre un tour dramatique sur un plan humain nous n'en sommes pas encore là. Bien entendu, l'environnement du site de Fukujima a dors et déja subi des dégats et l'on sait la difficulté de la décontamination généralement longue et couteuse...

Dans le cas de Tchernobyl, les prévisions les plus pessimistes parlent de plus de 100 000 à 600 000 personnes touchés par la radioactivité et ayant eu à en souffrir de maladie en liens avec la catastrophe. Officiellement, on parle de 4000 décés en lien avec la catastrophe.

Je trouve en conclusion un peu prématurées les déclarations de certains leaders politiques qui semblent jouer les prophètes de malheur en demandant un référendum de sortie du nucléaire en jouant justement des peurs et des angoisses à base plus ou moins rationnelles qui se font jour suite au séisme et au tsunami Japonais. Les victimes actuelles du séisme ont surement plus besoin d'aides matérielles et de réconfort moral que d'un grand débat sur la sortie du nucléaire.

Il n'en demeure pas moins que la France sera sans doute incitée à revoir complètement son plan de sécurité nucléaire et à surement le renforcer encore à la lumière des données de la crise japonaise. le rééquilibrage de la politique énergétique française en faveur d'énergies alternatives et non nucléaires reste aussi un défi entier même si la filière nucléaire française reste un des fleurons industriels nationaux.


Amitiés socialistes
Boris


un lien complémentaire



http://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Tchernobyl

jeudi 24 février 2011

des révolutions arabes au réveil du maxisme et du socialisme ?



On a jamais autant parlé de « Révolution » depuis le déclenchement des révoltes populaires en Tunisie, Egypte et plus généralement dans le monde Arabe, et jamais apparemment si peu parlé de Marx, penseur de la révolution.

Pourtant il faut rappeler ici que « marxisme » « marxistes », « Marx » ne sont pas des mots sales, ni des mots venus d’une autre planète qui serait la planète rouge des « marxiens », mais appartiennent bel et bien à notre histoire, celle du socialisme… Le parti socialiste français a pourtant semble il abandonné toutes références explicites au marxisme, à ses outils et à son vocabulaire, depuis la déclaration de principe de 2008.

Tout le monde s’accordera à dire que nous avons été officiellement marxistes à nos origines et pendant une longue partie de notre histoire.

Les 5 déclarations de principe qui ont jalonné notre histoire (1905,1946,1969,1990,2008) et qui constituent notre mémoire politique commune et les marqueurs de notre identité collective montrent l’évolution des références au marxisme :

Pour résumer, disons que, La déclaration de principe de 1969 est encore pleinement marxiste : Elle indique encore qu’il n’y a « pas de liberté possible dans une société capitaliste », parle des « aliénations » existant au sein du système capitaliste et incite à « l’appropriation des moyens de production », à « l’émancipation des travailleurs », et à la substitution de la propriété sociale en place de la propriété capitaliste. Dès 1969 cependant, l’équilibre entre socialisme et démocratie est respecté, cette formule le rappelle : «L ’objectif des luttes ne concerne pas seulement une appropriation des moyens de production, mais aussi les pouvoirs démocratiques de gestion, de contrôle et de décision ».

Les déclaration de 1990 et celle de 2008 marqueront un tournant : le vocabulaire et les outils marxistes sont encore présents mais plus à l’état de références implicites qu’explicites. On est plus dans le « surmoi » marxiste ou même peut être finalement dans une forme de gène à utiliser clairement le vocabulaire et les objectifs marxistes.

l’article 1 portant objectif du parti socialiste évoque ainsi « le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine » et les références du préambule de 2008 se réfèrent à la tradition de l’humanisme et de la philosophie des lumières ainsi que les valeurs républicaines issues de la Révolution…ce préambule fait référence à toutes les pages d’histoire du socialisme français (1848, Commune, front populaire, libération, mai 68, mai 81 notamment)…on sait que la Commune a été une des références historiques majeures de l’œuvre de Marx…

Marx est donc davantage rangé au rayon des références du passé dans cette déclaration de 2008, comme si en lieu et place du dépassement du capitalisme, les socialistes avaient dépassé le marxisme !

Le parti socialiste français n’assume plus clairement la pensée marxiste en 2011 et préfère parler « d’émancipation de la personne humaine » quand on parlait encore jadis « d’exploitation des travailleurs ». La trop vague utilisation de l’humanisme à toutes les sauces et la référence aux droits de l’homme sert de paravent à un certain vide conceptuel de notre pensée, certainement parce que les socialistes sont génés dans leur rapport au capitalisme :

Depuis Lionel Jospin nous assumons « l’économie de marché » même si nous critiquons, certes, « la société de marché », et depuis 2008 c’est plus la réforme (interne) du capitalisme qui est à l’honneur plutôt que son dépassement

« Les socialistes portent une critique historique du capitalisme créateur d’inégalités, facteur de crises, et de dégradations des équilibres écologiques, qui demeure d’actualité à l’âge d’une mondialisation dominée par le capitalisme financier. Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique… » (article 6 de la déclaration de principe)

Il faut cependant rester optimiste sur l’actualité du marxisme ou des outils du marxisme :

un réveil de la pensée critique est largement évoqué dans la presse comme si le réveil de la pensée française de gauche puisait sa source dans des penseurs marxistes (avec Alain Badiou en porte étendart), la crise du capitalisme financier, depuis 2008, marque aussi un point de non retour comme si le cycle capitaliste était en voie d’épuisement et demandait donc, à nouveau, un dépassement…l’aliénation et l’exploitation des travailleurs, qu’ils soient ouvriers, employés, salariés ou chefs d’entreprise soumis aux affres du capitalisme financier dérégulée, est une réalité qu’on ne peut nier…Quant aux chômeurs et travailleurs pauvres, ils forment toujours hélas « une armée de réserve » dont on ne voit pas les effectifs diminuer avec l’installation dans le phénomène du chômage de masse et de la précarité sociale.

Quand aux révolutions « arabes », à commencer par la révolution tunisienne, même si elles se font au nom de la liberté et de la démocratie plus qu’au nom de l’égalité et de la lutte contre le capitalisme, elles se prêtent néanmoins cependant pleinement encore à une « analyse marxiste », Marx n’étant pas seulement l’auteur du « Capital » mais aussi un des penseurs de la révolution et de l’union internationale des socialistes dans la lutte…

Si l’internationale socialiste a abrité dans son sein des partis peu fréquentables (celui de Ben Ali mais aussi encore tant d’autres qu’on a parfois du mal à considérer en frères car dirigés par des dictateurs), c’est plus un appel à une réforme des structures de l’IS qu’à la déconsidération de l’outil internationaliste qui reste une nécessité dès lors qu’on veut peser sur l’ordre libéral et inégalitaire d’une société mondialisée.

Les e-révolutions des révolutions marxistes ? après tout, pourquoi pas !
Alors Marx est mort ? non, le « cadavre » bouge encore et est en pleine forme !

Hugo Compagnon

Alain Bergougnoux fait un commentaire passionnant des cinq déclarations de principe que vous retrouverez sous ce lien :

http://www.lours.org/default.asp?pid=103

mercredi 23 février 2011

un lecteur nous écrit / Les deux Europe et DSK.


A propos du projet évoqué de constitutionnaliser l'équilibre budgétaire et donc d'empêcher tout déficit budgétaire au niveau des Etats membres, un lecteur assidu de ce blog nous écrit sur son appréhension de l'Europe actuelle qu'il critique fortement à l'occasion de la tenue d'un G20 où l'Europe et les dirigeants européens n'ont pas été des plus inspirés...

l'occasion pour notre lecteur d'évoquer avec pertinence les 2 projets européens antagonistes, ceux traditionnellement incarnés par Jean Monnet ou Robert Schumann et de traiter, dans un message distinct des effets à attendre d'une candidature DSK en terme de changement de politique en France...une candidature dont notre lecteur annonce qu'elle serait le plus sur moyen de voir s'affronter sur un deuxième tour de Présidentielle, Jean Luc Mélenchon et Marine le Pen...



Sur ce débat je renvoie aussi à un récent débat au Sénat sur les enjeux d'une coordination des politiques économiques en Europe

http://www.senat.fr/cra/s20110217/s20110217_1.html

Ci après l'intervention de notre lecteur, Franck :

Comme il n'y a vraiment rien à dire d'important du G20 qui vient de se tenir à Paris (d'ailleurs même DSK n'en a pas parlé sur France 2 hier soir...), tant chacun des sujets inscrits à l'ordre du jour a buté sur le refus des Américains de remettre en cause le statut privilégié du dollar (les mauvaises langues - dont j'étais - disaient cela depuis longtemps, mais on leur rétorquait qu'il fallait garder espoir. Il me semble pourtant que devant les évidences factuelles, ce n'est plus de l'espoir qu'il faut, mais une foi inaltérable) ! Devant ce grand rendez-vous manqué donc, où Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale de Chine (et oui, il reste des pays qui disposent d'une banque centrale ; voilà qui doit faire trembler d'effroi Jean-Claude Trichet, lui qui - à l'instar de l'héritier du trône de Pierre à Rome - n'a de compte à rendre qu'à dieu le Marché) est venu donner une leçon d'économie au Directeur-Général du FMI, je préfère ne faire aucun commentaire (autrement que par prétérition, vous l'avez bien compris).

En revanche, il m'amuse de provoquer le débat en vous transmettant un petit papier qui, j'en suis certain, ne fera pas l'unanimité. Mais comme il est rédigé par un homme du sérail, qui sera sans doute candidat à l'élection présidentielle de 2012, et qui n'a pas encore été traité d'antisémite, tout au moins pouvons-nous le lire ! François Asselineau, en effet, ne parle pas la langue de bois et a le mérite immense de ne pas souscrire à la construction européenne dans sa forme actuelle, propos auxquels j'adhère sans réserve ; et je m'empresse de rappeler que ni lui, ni moi, ne sommes anti-quoi-que-ce-soit ! Seulement, depuis 1950 et la CECA, deux conceptions de l'Europe s'affrontent : celle d'une Europe puissance représentée par Robert Schuman (né à Luxembourg et de nationalité allemande) et celle d'une Europe devant être la tête d'un pont transatlantique tendu entre les deux rives de l'Océan, incarnée par Jean Monnet (né chez le Plantagenêt, à Cognac, et dont il n'est pas inutile de rappeler combien il fut au service des Américains toute sa vie, notamment lorsque Roosevelt lui demanda de réconcilier De Gaulle et Giraud à Alger ; ce à quoi d'ailleurs il échoua, étant bien meilleur vendeur de spiritueux que diplomate)...

Ces formalités étant accomplies, il n'est pas réellement nécessaire d'ajouter que l'auteur défend le projet qui a perdu en 1950, face à celui des "États-Unis de l'Europe des marchands" (désolé, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Si vous avez des idées...), mais qui réapparaîtra sans doute dans les années à venir, devant le caractère désormais insurmontable des contradictions sur lesquelles notre "Union" est bâtie : soit l'Euro disparaîtra (tout au moins dans sa forme actuelle) ; soit il changera de nature. Mais pour que l'Euro change de nature, il faudrait que l'Allemagne elle aussi change de nature... Et là, ça devient beaucoup plus compliqué, même si ceux qui veulent y croire jusqu'au bout me rétorqueront qu'Axel Weber ne prendra finalement pas la tête de la BCE...

Franck.



Je suis d'accord pour dire qu'à terme la constitutionnalisation de l'interdiction des déficits, et les pouvoirs budgétaires élargis que l'on octroierait à une oligarchie Euro-Atlantiste, reviendraient tout simplement à mettre un terme à la démocratie : celle-ci étant née de la capacité des peuples étant assujettis à l'impôt levé par le roi de décider de son montant et de sa destination. Mais la règle n'est que le refuge des économies (et donc des nations) qui, ne pouvant connaître d'évolutions convergentes concrètes, se jurent sur le papier tout ce qu'ils savent impossible de faire dans la réalité. C'est encore une fois le schéma de construction de l'euro qui s'impose, et sous l'égide allemande, naturellement, puisque notre pays semble avoir oublié qu'il fut une grande diplomatie : puisque l'euro est économiquement impossible dans la zone monétaire envisagée, construisons un euro théorique (celui des "critères"). Houra ! Ça a marché dix ans, avec une facture récemment chiffrée par Jacques Sapir à plusieurs centaines de milliards de perte de croissance dans la zone, du fait de la surévaluation de cette monnaie.

Ce que l'on refuse obstinément de voir c'est que la productivité du travail est plus élevée en France qu'en Allemagne par exemple, et que cette dernière ne tient son différentiel de compétitivité qu'à son peuple et non au reste de son appareil de production : le peuple allemand, avec sa fameuse "TVA sociale" notamment, accepte d'être un peu plus spolié que ce qu'il devrait l'être par l'État. Et ceci ne tient à aucune de ses qualités économiques, mais à une différence de nation. Les économies ne sont que le reflet des peuples et il est inepte de croire qu'il soit possible de les faire converger par traités. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui encore, et avec un avenir plus radieux que dans les triomphantes années 90, je soutiens que la diversité des nations européennes doit constituer le socle de toute réflexion en matière d'architecture institutionnelle de notre Europe - une Europe de la coopération naturellement - et qu'une monnaie commune serait largement préférable à une monnaie unique.

Quant à l'imam caché auquel tu fais allusion Boris, même si j'aime la formule, je crois que chiites et soufistes rentreront bientôt dans les rangs éparpillés de l'islam, car il n'y a plus grand mystère. Il apparaîtra bientôt, pour le plus grands bonheur des chiites du PS, ce dernier voyant sa base sociologique glisser à droite depuis trente années désormais, et où les sunnites fondamentalistes (si j'ose dire, pour filer la métaphore) n'y pèsent guère que 18% quand tout va bien. Cependant, l'immense avantage d'une candidature PS de DSK au premier tour de la présidentielle serait de révéler - enfin ! - que le PS (hormis sa tendance sunnite à laquelle je faisais justement allusion) et le reste de la droite sont en phase sur tous les fondamentaux politiques, économiques et sociaux, et qu'il n'y a que sur la gestion des conséquences sociales de leurs désastres politiques qu'ils diffèrent plus ou moins légèrement (RMI plutôt RSA, et cætera)... Je verrais aussi un autre bénéfice à une candidature PS incarnée par DSK : elle menacerait le parti d'exploser en cours d'élection, et ce n'est pas pour rien que les entretiens entre Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon se sont multipliés ces derniers jours (j'ai cependant de la difficulté à penser que la fille du père de l'euro trouvera le courage de défaire le grand oeuvre de papa en se repositionnant à gauche, mais c'est une éventualité). Enfin, à mes yeux, le plus grand des bonheurs d'une candidature DSK au premier tour de l'élection présidentielle qui se profile déjà, serait assurément de n'avoir pas à supporter sa catéchèse libéralo-mondialiste durant les quinze jours qui séparent le premier du second tour ! Un peu comme pour un certain Jospin à l'époque, qui n'avait pas jugé utile de déclarer sa candidature au peuple, l'AFP suffisait, mais qui avait cru bon revanche de souligner (pour rassurer qui ? Le Marché ?) : " Mon programme n'est pas de gauche "...

Donc vive DSK ! Ce serait pour moi la possibilité d'avoir un second tour Mélenchon - Le Pen dans ce pays.

Franck

devoir de réserve et fonctionnaire citoyen





Chers amis,

Le débat initié autour de l’enseignant ayant manifesté en Egypte avec une pancarte « casse toi pauv’con », et qui s’est retrouvé « exfiltré » de ce pays par le MAEE qui a invoqué alors le souci de le protéger d’éventuelles représailles du régime, touche à une notion complexe du droit de la fonction publique qui est le devoir de réserve.

Pour m’être intéressé à cette question dans un cadre syndical force est de constater qu’il n’y a pas de définition définitive et précise de cette obligation supposée applicable à tous les agents publics, et qu’elle s’apprécie en fonction de la position administrative de l’agent, de son niveau réel de responsabilité, et des circonstances :

Tout le monde s’accordera sur le fait qu’un enseignant de l’AEFE n’a pas le rôle ou les responsabilités dans le dispositif diplomatique français d’un Ambassadeur ou d’un diplomate de Chancellerie.

On pourrait s’attendre donc à ce que le devoir de réserve soit dans ce cas allégé : Bon nombre de contrats signés par les personnels en détachement auprès du MAEE mentionnent d’ailleurs une simple clause sur l’obligation de « discrétion professionnelle » mais ne comportent pas de clause générale de réserve professionnelle : la discrétion professionnelle est dans ce cas là une forme atténuée du devoir de réserve, elle s’applique avant toute chose aux données et informations détenues par l’agent dans le cadre de ses fonctions /

Il serait a priori donc surprenant qu’un enseignant puisse être sanctionné pour avoir fait usage de son simple droit à manifester et d’avoir exprimé ses opinions politiques publiquement.
Bien sur, tout ce préambule est valable dans une situation administrative « ordinaire » :

En Egypte, alors qu’une révolution semblait en marche, que la sécurité des ressortissants français dans le pays était en question (instructions et messages du MAEE appelant à une forme de prudence et de circonspection au niveau de nos compatriotes), décider d’aller manifester aux côtés des Egyptiens pour faire pression sur le pouvoir en place, relève d’un choix politique déjà plus audacieux : Sans nul doute, l’enseignant a-t-il donc considéré qu’il était de son devoir politique et citoyen d’aller se joindre aux manifestants et que ce choix ne relevait pas d’une dimension administrative. L’enseignant s’est peut être senti, légitimement ou pas, momentanément délié de toute obligation de discrétion ou de réserve, comme aussi de toute obligation plus générale de prudence.

Ce qui ajoute a la complexité de cette affaire est que le slogan « casse toi pauv’ con », désormais fameux, et mentionné sur la pancarte du professeur manifestant, est une référence non dissimulée au chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy qui a pu, en France, faire valoir devant la justice « l’atteinte au Chef de l’Etat » que ce slogan constituerait.

L’écho médiatique donné à cette affaire a rajouté également une couche supplémentaire de complexité, dans la mesure où la diplomatie française est en ce moment mise en cause assez largement dans la gestion de la crise Tunisienne, et plus globalement, dans la gestion consulaire des communautés françaises des pays confrontés aux mouvements de révolte populaires.

Conclusion possible :

Que le Quai d’Orsay évoque la sécurité d’un enseignant pour l’évacuer du pays, après que la presse française ait fait largement écho à cette affaire et ait publié des photos de l’enseignant dans les manifestations, montre un zèle protecteur que l’on aimerait voir appliquer à toutes les communautés françaises en danger potentiel, partout dans le monde. Espérons que ce zèle fasse école dans d’autres crises internationales de ce type, puisque « la théorie des dominos » ou « l’effet tache d’huile »montre que des révolutions sont en cours dans le monde arabe et au Maghreb.

Que l’enseignant n’ait pas été sanctionné réellement au final, contrairement aux premières informations qui avaient filtré, montre que le Quai d’Orsay possède une forme de discernement et que, sous la pression de l’opinion scandalisée par cette affaire, ou de sa propre initiative, cette administration possède encore un peu de mesure et respecte aussi le « droit à manifester » ou la simple « liberté d’opinion », y compris quand Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak sont visés par la colère d’un manifestant portant une pancarte « casse toi pauv’ con »

Ma conclusion personnelle est que les cas les plus choquants de sanction ou de pressions contre des personnels employés par le MAEE ne sont pas ceux dont on parle largement dans la presse, mais justement ceux dont on ne parle pas :

depuis 2010, le nombre de cas signalés de harcèlement professionnel ou de pression contre des agents employés par le Quai semblent en nette hausse, c’est du moins ce que signale un syndicat comme la CFDT qui s’est largement emparé du sujet ces dernières années ;

Dernièrement, des instructions très claires sur le respect de l’éthique, de la juste mesure dans les relations professionnelles au sein des postes diplomatiques ont été rappelées aux Ambassadeurs : Au-delà du cas de l’enseignant – manifestant en Egypte, il faut souhaiter que le Quai d’Orsay applique mesure et modération dans le rappel du devoir de réserve, arme dégainée de manière souvent trop intempestive pour sanctionner des agents « qui dérangent » ou « posent problème »…

Il n’y a jamais rien de dérangeant à faire valoir ses opinions dans une démocratie. Le « fonctionnaire citoyen » cher à Anicet Le Pors, ancien ministre de la fonction publique de Pierre Mauroy, est libre de ses opinions, cette liberté étant garantie par son statut et l’obligation générale de réserve n’existe pas et ne saurait donc lui être opposée sans discernement.

Amitiés

Boris


Cf : un article d’Anicet Le Pors tiré du journal Le Monde
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article3372

jeudi 20 janvier 2011

réseau culturel, espoir ou désespoir ?


Chers amis,

Le journal "Le Monde" se fait aujourd’hui l’écho d’un nouvel SOS lancé pour sauver le réseau culturel français de l’étranger. Cette fois ci c’est un ancien conseiller culturel qui monte au créneau (Cf l’article ci-dessous).

En 2010, nombreuses avaient été les Tribunes de presse pour dénoncer les coupes budgétaires dans le réseau diplomatique français, en particulier une chronique datée de l’été dernier co-signée par Alain Juppé et Hubert Védrine, et qui mettait l’accent sur les difficultés de fonctionnement de l’outil diplomatique français, et indirectement, l’abandon du réseau culturel, éternelle variable d’ajustement budgétaire du ministère des affaires étrangères.

La réforme Kouchner, accouchée dans la douleur, a abouti à la création d’un Institut français à Paris qui se veut une tête de réseau pour les différents instituts culturels du monde entier. Déjà une douzaine de postes diplomatiques verront dans les semaines à venir leurs établissements culturels rattachés à la nouvelle maison mère parisienne. En clair, cela signifiera que, désormais, moyens et stratégies de ces instituts seront gérés depuis l’Institut français de Paris et ne passeront plus par les fourches caudines de la Direction générale de la Mondialisation du ministère des affaires étrangères qui assure pour l’heure encore la tutelle des instituts culturels du réseau diplomatique.

Faut il se réjouir de cette expérimentation ? oui vraiment, si l’on considère le ministère des affaires étrangères comme « un bien mauvais maitre », et les Ambassadeurs comme des diplomates voyant, au mieux, le réseau culturel comme une belle danseuse qu’on est heureux de donner en spectacle de temps à autres, au pire, comme un réseau peuplé de « saltimbanques » qui vient parasiter de trop longue date la « noble action diplomatique française » (sic), celle mise en œuvre dans les Chancelleries…

Notre parti a fait depuis longtemps de la création d’une agence culturelle autonome, sur le modèle de l’AEFE, une des propositions fortes de son programme pour l’étranger. Cette proposition était contenue dans le programme présidentiel de la candidate Ségolène Royal et elle est portée depuis environ une dizaine d’année par le PS

Au-delà des motifs d’espoirs que peuvent donc susciter cette création de l’institut français à Paris sur les bases de Culture France, des motifs d’inquiétudes demeurent :

l'inquiétude sur les moyens de fonctionnement d’abord : les baisses de crédits et de postes continuent dans le réseau culturel, et l’année 2011 sera encore une fois celle du tribut à payer à Bercy, plus d’une centaine de postes d’agents du réseau devant être sacrifiés, des « missions d’audit » ayant commencé les coupes de postes en 2010 à Prague (une quinzaine d’agents d’instituts licenciés) ainsi qu’en Espagne et en Italie.

En 2011, on annonce de nouveaux « audits » dans les pays d’Europe Centrale (Pologne) ainsi qu’au Mexique ou dans d’autres postes culturels dont les « modèles économiques sont jugés déficiants ». Le langage en vigueur dans le réseau est désormais plus celui des comptables que des animateurs culturels…

Plus grave et au-delà des chiffres et du problème des moyens, le réseau culturel français continue à être divisé dans sa dualité entre des Alliances françaises plus autonomes, du fait de leur statut associatif, mais souvent aussi plus désargentées (parmi le millier d’AF dans le monde, seule une minorité est conventionnée par la Fondation Alliance de Paris et aidée par le ministère), et des instituts français qui sont les opérateurs privilégiés des services d’action culturelle des Ambassades pour agir avec des moyens publics souvent plus conséquents qu’en Alliance.

Cependant, les impératifs d’auto financement s’appliquent également de plus en plus en institut, et quand une structure est jugée insuffisamment rentable, c’est la fermeture qui est rapidement programmée (Cf une actualité récente en Suède que je laisse le soin à notre ami Christophe de développer)

Une autre critique concerne aussi Culture France, celle de la faible ambition de démocratisation culturelle de cette structure qui est le pivot du nouvel institut français à Paris. Trop élististe Culture France ? sans doute. Laissons le bénéfice du doute au nouvel Institut pour travailler sur de nouvelles bases dans les mois à venir…nous jugerons sur pièce.

Enfin, on ne sait pas trop quelle est la feuille de route du réseau culturel :

doit il rester un levier d’action diplomatique ? si oui, où doit s’arrêter l’autonomie de ce réseau et comment articuler son rôle avec l’action diplomatique globale des Ambassades ? S’il n’est plus un levier d’action diplomatique et qu’il devient un opérateur culturel en concurrence directe avec les industries culturelles mondiales, n’y a-t-il pas le risque d’une dilution de notre action et d’une faiblesse de nos moyens face aux mastodontes agissant dans les champs de la culture Mainstream (cinéma, musique) ? doit on dès lors agir dans des « niches culturelles », comme le spectacle vivant (théâtre, cirque etc…), la promotion de l’art contemporain, la promotion des cultures locales, afin de garantir une expression culturelle diversifiée, y compris et surtout quand ces cultures ne sont pas « rentables » ?

Comment continuer à garantir une aide au développement culturel dans les pays les moins avancés si nous nous replions sur une action culturelle privée de moyens publics et visant impérativement l’autofinancement et la rentabilité ?
Autant de questions sans réponse aujourd’hui…le réseau culturel a donc autant besoin « d’états généraux » pour poser et définir un nouveau cap et de nouvelles missions, que de moyens publics pérénisés…

A l’heure où la Tunisie se révolte et fait sa révolution démocratique, rappelons aussi que de nombreux instituts jouent le rôle de vecteur de démocratie, par l’accès à la presse étrangère qu’ils procurent dans leurs bibliothèques, par l’espace de liberté et de débat qu’ils fournissent souvent aux élites locales qui peuvent s’y réunir et s’y frotter au meilleur de la pensée française.

Derrière les questions culturelles se dissimulent donc aussi des enjeux plus globaux, comme celui de l’accès à la liberté, celle de penser et de s’exprimer, que le réseau culturel français est à même de garantir dans des pays dictatoriaux.

Boris



Ci dessous la tribune du journal Le Monde

"Il faut sauver le réseau culturel français à l'étranger"
LEMONDE.FR | 20.01.11 | 09h16

Depuis trois ans on assiste à la liquidation discrète de ce qui faisait depuis plus d'un siècle l'une des spécificités françaises dans le monde : son réseau culturel, composé d'instituts (voués principalement à l'enseignement du français), de centres culturels, d'Alliances françaises (de statut local, mais respectant le cahier des charges de l'Alliance française de Paris), d'instituts de recherche et de "maisons" ou académies (résidences de chercheurs ou d'artistes), tous coordonnés localement par le Service culturel et de coopération (SCAC) des ambassades.

C'était notre image de marque, le fonds de commerce de la France, le réseau le plus dense du monde, facteur d'une soft power sans égale pour employer le jargon à la mode. Ce réseau, qui reste le modèle du genre pour beaucoup de pays, le gouvernement actuel (et M. Kouchner en particulier lorsqu'il était au Quai d'Orsay) est en train de le démanteler en toute discrétion puisque aussi bien l'opinion hexagonale n'en connaît guère l'ampleur ni la réalité : interrogez votre voisin ou vos proches.
Or, un centre culturel n'est pas une danseuse, même si Bercy cible depuis longtemps ces centres de rayonnement de notre pays dont la "rentabilité" est évidemment difficilement chiffrable. Pourtant, ce rayonnement "rapporte" au plan de l'influence et même de la balance des paiements. Croit-on que ce maillage mondial n'était pour rien dans le fait que Paris et la France sont encore la première destination touristique mondiale, en raison bien sûr, et principalement, de leur richesse culturelle et du foyer intellectuel qu'ils sont depuis toujours ? Nos centres en étaient les relais, fréquentés par des dizaines de milliers d'étudiants et de visiteurs.

Preuve de cette efficacité, d'autres pays, imitant notre système, et alors même que la France ferme boutique, se mettent, eux à ouvrir des établissements similaires : la Chine ouvre partout de grands et efficaces "centres Confucius", et l'Espagne se lance, quant à elle, dans un beau projet de développement d'excellents "centres Cervantès", l'une et l'autre pour diffuser leur langue et leur pensée. Bercy n'est pas la seule instance qui avait à l'œil notre réseau : le ministère des affaires étrangère lui-même supportait mal cet archipel où œuvraient des agents pour l'essentiel, de par leurs fonctions, issus de l'éducaton nationale ou de ministères techniques. C'était aussi le cas de beaucoup de conseillers culturels des ambassades (chefs des SCAC), qui font localement fonction d'inspecteurs d'académie et étaient donc eux-mêmes des enseignants à l'origine.

Soucieux de conserver ces postes prestigieux dans son giron, le Quai d'Orsay a progressivement remplacé presque tous ces intrus par des diplomates de carrière, dont ce n'est pas tout-à-fait le métier. Quant aux établissements qu'ils gèrent, on n'y trouve presque plus aucun professeur détaché, sauf en contrat local (et souvent mal payés), même dans le réseau des écoles et lycées français destinés en priorité à nos ressortissants et gérés par une agence distincte.

400 POSTES SUPPRIMÉS

Comme si cette éviction ne suffisait pas, Paris a désormais prévu de supprimer dans les trois ans 400 postes dans les SCAC, que les ambassadeurs vont devoir désigner. Ne subsisteraient, en Asie par exemple, que quelques gros postes dans les pays émergents à la mode (Chine, Inde) alors que notre fierté était de mailler la quasi-totalité des pays, où la France jouissait (jouit encore pour le moment) de relais solides qu'on va sacrifier et qui nous oublieront. Un petit pour cent de ce qui va être, d'un trait de plume, attribué massivement à la Chine ou à tel autre très grand pays suffirait pour laisser allumées des petites loupiotes un peu partout.
Dans les centres, on assiste aussi depuis quelques années à une dérive inquiétante. Partout, on cesse de favoriser l'enseignement du français et on consacre l'essentiel des crédits à l'action artistique, souvent coûteuse. Faire venir une exposition ou une troupe prestigieuse, si on en a les moyens, c'est bien et ça plaît toujours aux ambassadeurs parce que cela se voit et impressionne leurs collègues étrangers. Mais une fois la troupe ou l'orchestre reparti, le public local a vite oublié, tandis que les centaines ou les milliers d'étudiants qui viennent assidûment deux ou trois fois par semaine suivre des cours de français et fréquenter la bibliothèque et la cafétéria du centre constituent une clientèle fidèle qui reste longtemps liée à la France.
Là où elles existent, les Alliances françaises font bien ce travail, mais elles n'existent pas partout et elles ne dépendent pas directement de nos services. Les activités culturelles elles mêmes étant victimes des coupes budgétaires, les directeurs de centres sont de plus en plus obligés de chercher des "sponsors" locaux, mais c'est de plus en plus difficile et cela aliène notre indépendance. Résultat : certains centres prêtent nos locaux à des confrères étrangers, ce qui peut être sympathique (dans le cadre européen) de temps en temps, mais pour le coup, n'est pas défendable devant les contribuables français.
Cerise sur le gâteau, M. Kouchner, qui n'avait aucune expérience en matière d'échanges culturels, a transformé le conseiller culturel de certaines ambassades en "attaché humanitaire" comme si les deux fonctions avaient quelque chose en commun. Bien sûr, dans ces postes, l'essentiel des crédits passe à l'humanitaire, souvent d'ailleurs pour des actions multilatérales, ce qui est défendable mais ne confère aucune visibilité à l'action de notre pays. Un centre culturel français, ce n'est pas Médecins sans frontières.
Tout n'est peut-être pas perdu si Mme Alliot-Marie, plus sensible sans doute que son prédécesseur à la diplomatie culturelle de notre pays, met à profit son arrivée récente au Quai d'Orsay pour redresser immédiatement la barre et remettre les choses d'équerre. Il a fallu parfois des années d'efforts et de négociations pour ouvrir certains centres dans des pays "sensibles" et implanter le français dans certaines régions du monde.
Ne laissons pas s'éteindre ces foyers de présence française qui coûtent très peu et in fine rapportent beaucoup parce qu'ils font que la France est encore, malgré sa démographie, une puissance mondiale, présente partout par l'esprit et la culture. C'est de leur survie aussi, ou de leur disparition, que dépend la réponse à apporter au livre de Jean-Pierre Chevènement : La France est-elle finie ?

Jean Hourcade, ancien conseiller culturel