
Chers tous,
j'ai lu attentivement la tribune d'Emmanuel Todd et je dois dire que je ne suis absolument pas d'accord avec sa qualification du sarkozysme comme connaissant une dérive fasciste.
Ne refaisons pas les erreurs des années 90, celles qui ont vu toutes les questions touchant à l'immigration diabolisées et qualifiées de fascistes. L'anti-racisme a pu nous conduire (je dis nous car j'ai régulièrement manifesté dans les bouches du rhone contre le racisme) à des excès, à ne pas considérer les angoisses de la population, et notamment de l'électorat populaire, face à une France mosaique et multi culturelle. La gauche a pu apparaitre, dans ces années là, comme génée par la question de l'immigration et de l'intégration, sujets devenus tabous, voire nauséabonds.
Ne nous empèchons pas aujourd'hui de penser la laicité et la politique migratoire selon nos concepts de gauche, mais sans diaboliser ces thèmes. C'est pour ces raisons que j'ai toujours pensé qu'il fallait débattre de l'identité nationale, en réclamant l'aboutissement d'une identité plurielle et généreuse comme constitutive de l'identité française mais sans faire de ce sujet un débat interdit.
Le sarkozysme est un hyper pragmatisme, un populisme dans le sens où les soubresauts de l'opinion fondent le discours politique du président et qu'il est capable de changer de politique, ou tout du moins de discours, dès lors que les circonstances politiques et économiques évoluent :
Sarkozy gagne la présidentielle en analysant la "crispation hexagonale" des années 2000 (cf mon article sur ce sujet) en parlant d'immigration choisie et de refondation Républicaine y compris en appelant à sa rescousse des figures tutélaires de la Gauche comme Jaurès, il laboure l'électorat de droite et d'extrème droite sur les bases sécuritaires de 2002, mais dépasse son électorat traditionnel en parlant de pouvoir d'achat et de travail, thèmes traditionnellement de gauche ou keynésiens.
Il met en oeuvre une politique ultra libérale batie sur le moins d'Etat et la réduction des effectifs de fonctionnaires (encouragée par une majorité de français), en s'inspirant de son fondement idéologique des années 80 (celui de Tatcher et Reagan) mais est capable, également, pendant la crise économique, de développer, lors du discours de Toulon, un quasi discours social démocrate sur l'Etat protecteur. Il fonde, avec le RSA, une rénovation du RMI que n'aurait pas désavoué une partie de notre électorat.
Ce sont donc les caractéristiques d'un populiste qui n'hésite pas à instrumentaliser le débat sur l'identité nationale, à jouer de la peur de l'étranger ou de l'immigré, à jouer sur la politique du chiffre pour médiatiser les expulsions de sans papier, mais sans mettre en oeuvre, à grande échelle, de politique xénophobe ou fasciste qui priverait de droits certaines franges entières de la population. Le délit de faciès semble en vigueur dans les rangs de certains policiers, mais qui pourrait dire que tous les policiers sont devenus fascistes en France ? Ce serait une grave erreur et un non sens quand on regarde les scores des élections syndicales au niveau de la police qui contiennent les organisations syndicales proches de l'extrème droite dans les marges.
Le Sarkozysme joue des non dits, des angoisses enfouies, mais c'est aussi le même sarkozy qui met en place le conseil du culte musulman en 2004 pour tenter un dialogue avec les institutions représentatives de l'islam en France...sans grand succès il est vrai.
Soyons justes dans nos analyses et surtout dans nos réponses politiques car qualifier de fasciste le candidat sarkozyste de 2012 ne nous fera pas gagner
Si par paresse intellectuelle ou par facilité politique nous cherchons à disqualifier le Sarkozysme en fascisme potentiel, hors de toute mesure et en oubliant le vote démocratique de 53% d'électeurs de 2007, nous perdrons à coup sur l'élection de 2012.
Nous devons battre le sarkozysme sur la base d'un projet de gauche, en choisissant une union large de l'opposition, sans exclusive, et en trouvant un leader pour porter un discours rénové qui parlera également de sécurité, d'immigration, et de modèle laic d'intégration, thèmes dont la droite ne doit pas avoir le monopole.
Amitiés