lundi 25 janvier 2010

pour une approche moderne et pacifiée de la laicité






« Religions », « laïcité » « musulmans », « Burka » autant de mots qui font réagir vivement les camarades et stimulent leur plume et leur pensée sur ce forum.



Je voudrais donc aujourd’hui préciser la vision de la laïcité moderne et pacifiée que j’appelle de mes vœux, en faisant un rappel historique sur la naissance de la laïcité en France, en précisant le terme de laicard que j’ai utilisé dans un de mes messages précédents, en montrant pourquoi Sarkozy a échoué dans sa récupération politique des religions, et, enfin, en faisant une proposition politique que je proposerai au Bureau fédéral.



*La laicité, un combat nécessaire contre l’Eglise Catholique au 19ème siècle qui ne doit pas se transformer en combat laicard contre l’islam au 21ème siècle



La laïcité a été pensée intellectuellement dans une France christianisée, où, à la fin du 19ème siècle, comme au début du 20ème, il était question d’ancrer la République à une France encore profondément sous la coupe des congrégations religieuses qui avaient la main mise sur l’école et sur une grande partie de la société. La République s’est construite contre l’Eglise catholique qui, au nom de son rôle de direction des consciences, exerçait, de fait, un rôle politique de première importance, en choisissant quasi systématiquement le camp du conservatisme contre celui du progrès dans une alliance classique « du trône et du goupillon », « de la calotte à la couronne ».



Ce combat passait par une segmentation nette des domaines religieux et politiques, ce combat imposait une rupture, franche. L’école a été le lieu d’affrontement prioritaire de ce combat nécessaire, l’expulsion des congrégations religieuses, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat ont permis une première clarification nécessaire sur les bases de laquelle nous vivons encore aujourd’hui.

Or, ce que je dénonce dans le terme de « laicard », c’est la tentation de « repartir à la guerre », en ce début du 21ème siècle contre l’islam assimilé à l’islamisme au nom d’une analyse orientée de la religion d’Allah qui voudrait que la séparation entre le religieux et le politique n’ait pas été pensée par les docteurs de la foi islamique ; Un « laicard » est pour moi quelqu’un qui oublie que l’islamisme, d’après la définition donnée par Bruno Etienne, est « l’utilisation politique de l’islam par les acteurs d’une protestation antimoderne perçue comme portant atteinte à leur identité à la fois nationale et religieuse. ». En ce sens l’islamisme est donc une déviance, une lecture partiale de la religion de Mahomet. Le « laicard » est donc avant tout la personne « qui amalgame » islam et islamisme, et la personne « qui tronque » le combat laïc en oubliant le respect de la liberté de conscience qui en est son fondement.

*Pourquoi me paraît-il vain de repartir à la guerre dans la France du 21 ème siècle alors que l’engagement laïc me semble pour autant nécessaire ?

Parce que la France est profondément laïcisée, que la pratique religieuse y est profondément en recul, y compris au niveau de l’islam, pourtant présentée comme une religion « qui recrute » et qui serait donc de nature à menacer les fondements laïcs de notre société. En France, l’islam est en train de s’aligner sur la laïcité, et c’est Olivier Roy, un des meilleurs spécialistes de l’islam en France qui l’explique le mieux : « En Europe, la question de l'islam est perçue comme culturelle, à travers une langue et une culture d'origine. Alors qu'il s'agit d'une reformulation du religieux en dehors du champ traditionnel, sur des bases modernes. On observe une rupture des générations, une individualisation des prises de positions. Porter le voile relève ainsi d'une affirmation individuelle et non plus collective ». « S'interroger sur la possibilité de cohabitation entre l'islam et la laïcité en France est une fausse question, dit Olivier Roy. C'est la pratique politique et l'histoire qui ont toujours rendu les religions compatibles avec l'organisation politique et sociale des sociétés occidentales », explique t-il. « En Europe, l'islam va s'aligner sur des courants de pensée qui existent déjà »

A trop vouloir faire de la Burka un problème politique majeur, à voir dans le millier de femmes portant le voile intégral en France une atteinte contre la laïcité, un regroupement collectif menaçant la République sur des bases communautaires, ou un envahissement du champ politique par le religieux, on fait d’un épiphénomène une tendance lourde, on oublie donc que pour l’essentiel l’islam est une religion polymorphe (au sens où elle n’a pas une doctrine mais des doctrines car pas « d’Eglise »unique et que l’interprétation des textes fondateurs comme le Coran y est diversifié) et ductile (c'est-à-dire adaptable à chaque société donnée). Que si les partisans d’un islam militant existent en France (ils se reconnaissent dans l’islam des Frères musulmans, notamment, dont l’UOIF est le principal mouvement en France, ou dans le Tabligh), ils restent minoritaires au regard des millions de musulmans qui vivent leur foi de manière privée, s’ouvrent au mariage mixte hors de leur communauté religieuse d’appartenance, et ne font donc pas de l’Islam un combat mais une spiritualité ou un ancrage culturel à leurs racines d’origine.

C’est ce que rappelle le chercheur et écrivain Abdelwahab Meddeb dans tous ses livres, et qu’il essaie d’expliquer à la radio en étant animant une émission à vocation pédagogique « pour expliquer l’islam de France » aux français, sur France culture.



**La tentative sarkoziste de faire assumer aux religions un rôle politique a échoué :



Fabien Pierre cite avec justesse les termes de la motion un monde d’avance qui assume « le combat laïc avec fierté et détermination, a l’heure de l’offensive de Nicolas Sarkozy pour reconnaitre un rôle politique aux religions et enfermer chaque citoyen dans une appartenance religieuse ou ethnique"



En bon lecteur d’Emmanuel Todd (dans « Après la démocratie »), crois que la tentative sarkoziste a dors et déjà échouée puisque Todd a remarquablement montré que l’alignement de classe joue toujours dans le vote, et que les tentatives d’ethnicisation ou d’essentialisation religieuse à finalité électoralisme de telle ou telle catégorie de français est condamnée à se diluer dans des votes qui restent profondément inspirés par des données sociales ou économiques dans une société française qui reste très attachée à l’égalité républicaine et refuse donc le communautarisme à base religieuse et politique.



Pour refuser la thèse du choc des civilisations, pour continuer à s’engager dans le combat laïc sans prendre les armes, pour « assumer le combat laïc avec fierté et détermination » il me semble nécessaire aujourd’hui d’introduire l’enseignement des religions à l’école, comme le proposait dans un rapport au ministre de l’éducation en 2002 (sous un gouvernement de gauche) Régis Debray, plutôt que de d’embrayer le pas à la droite pour demander une loi contre la burka.

*** Une proposition politique : l’enseignement de l’histoire des religions à l’école :

Enseigner les religions a l’école c’est envisager les religions dans leur dimension historique, les rendre intelligible par l’enseignement assuré par des professeurs laïcs, qui défendront, dans l’espace neutre de l’école de la République, un enseignement laïc du fait religieux.

On voit là se dégager une notion moderne et pacifiée de la laïcité. Régis Debray dans le rapport que vous pourrez trouver ici en téléchargement (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/024000544/index.shtml) formule des recommandations pour l'enseignement du fait religieux à l'école. « Une évaluation des programmes d'histoire, de géographie et de lettres, un renforcement des cohérences entre ces programmes, la mise en place d' "itinéraires de découvertes" au collège et de "travaux personnels encadrés" au lycée sur ce sujet. Il s'attache ensuite à la formation des enseignants en recommandant notamment la création d'un module "Philosophie de la laïcité et histoire des religions" et l'instauration de stages de formation continue sur la laïcité et l'histoire des religions »

****Et pour finir, un peu de Jaurès, un mot sur la révolution religieuse que serait le socialisme :

On peut donc être marxiste et penser que la religion reste une aliénation, et pour autant penser qu’il est nécessaire de connaître les religions dans leur histoire et leur diversité, pour apprendre à mieux comprendre et respecter ceux qui croient. Pour redécouvrir, comme le disait Jaurès dans « la question religieuse »(1891) que le socialisme vise également l’infini en tant qu’une utopie nécessaire qui vise également l’aboutissement d’un monde meilleur…

« le positivisme a répudié ce qu’il y avait de meilleur dans le christianisme, ce qu’il y a de plus profond dans l’âme humaine, le sentiment de l’infini (…) Si la bourgeoisie est platement spiritualiste ou niaisement positiviste, si le prolétariat est partagé entre la superstition servile ou un matérialisme farouche, c’est parce que le régime social actuel est un régime d’abrutissement et de haine, c'est-à-dire un régime irréligieux. (…) Entre la provocation de la faim et la surexcitation de la haine, l’humanité ne peut pas penser à l’infini. L’humanité est comme un grand arbre, tout bruissant de mouches irritées sous un ciel d’orage, et dans ce bourdonnement de haine, la voix profonde et divine de l’univers n’est plus entendue. Voilà en quel sens nous avons pu dire que le socialisme en même temps qu’il serait une révolution matérielle et morale, serait une révolution religieuse… »

« Même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice, étincelle divine, qui suffira à rallumer tous les soleils dans toutes les hauteurs de l’espace »

Je crois qu’il faut croire Jean Jaurès…et qu’il faut réfléchir dans le silence de son cœur à ces sages paroles sur un socialisme en quête d’infini…

Amitiés fraternelles

Boris

échange en mano à mano avec un camarade qui ne partage pas ma vision de la laicité

Chers camarades, Cher Marceau,

Je suis honoré de pouvoir débattre de ce sujet complexe de la laicité ici. Je ne souhaite pas, par conviction personnelle liée au respect des autres, tomber généralement dans la polémique en « mano à mano », et préfère me situer sur le terrain de l’échange d’idées, au risque d’avoir une parole parfois désincarnée.



Ton message d’aujourd’hui m’interpelle, Marceau, d’autant qu’il succède à un message que tu as adressé hier à Will et qui m’avait ému, car tu es de ceux qui parlent avec le cœur, au risque parfois de prendre des positions contestables, et si ton regard porté sur le monde musulman en France ne rejoint pas le mien, on ne peut le taxer toutefois d’insincérité.



Je te répondrai donc sur le mode de la sincérité, sur ton mode préférentiel si j’ose dire, car je ne me pose pas en « politicien » adepte d’une parole millimétrée et froide ou d’une parole surplombante et plombée, mais en citoyen capable de parler à égalité à un de ses camarades, dont il ne partage pas la conviction sur le thème du jour, mais qu’il sait appartenir à la même famille, celle des socialistes frères.



Je suis un enfant de l’école laïque, en effet, et j’ai pu y côtoyer nombre d’enfants issus de l’immigration, jeunes musulmans, garçons et filles, de la deuxième génération à l’histoire différente de la mienne. Natif du Gard, une terre d’immigration où se sont retrouvés côte à côte, pieds noirs déracinés, Harkis encasernés dans des foyers de travailleurs ou des cités dortoirs, algériens immigrés économiques devenus ouvriers agricoles, je sais ce que l’histoire française comporte de blessures et de plaies mal refermées. L’Algérie française en est une. Si je t’apprenais que mon arrière grand père y a travaillé comme fonctionnaire des eaux et forêts, que mon arrière grand-mère a gardé longtemps une pointe d’accent de Tiziouzou, que des oncles y ont servi les armes à la main pour une guerre honteuse qui n’osait même pas en porter le nom, est ce que ton regard changerait sur l’appréciation de mes propos ?



Le Gard, c’est des communautés parfois chauffées à blancs où la tentation de la ratonade anti musulmane existe, comme existe aussi la coexistence pacifique, le respect de l’autre dans sa différence dans le Gard des usines Rhodaniennes, comme dans le Gard Cévenol paysan.



Ouvrier qui sue dans la crasse des aciéries de la bordure du Rhône, Ouvrier agricole qui ploie l’échine pour ôter de la vigne son raisin, quelle est donc ta religion ou ta couleur de peau sinon celle, commune et universelle, de ceux qui partagent la même condition fraternelle d’homme exploité ? Est il important d’être chrétien ou musulman à l’heure du casse croute, quand l’ombre d’un arbre offre sa commune protection à Alli ou à Jean qui partagent des gamelles au contenu semblable ?



Plus tard, loin du Gard, le vie pleine de surprise m’a conduit à une expérience d’expatriation sur les terres multiculturelles de l’ile Maurice, où j’ai pu rencontrer des femmes et des hommes pratiquant leur foi, hindouiste, musulmane, chrétienne, dans une forme de liberté et de respect de l’autre qui cachait certes parfois de l’indifférence à la religion du voisin, mais qui était aussi souvent la marque d’une véritable tolérance à l’égard de son prochain.



Je te pose la question en m’adressant au cœur, mon cher Marceau, comme à la tête du socialiste authentique que tu es :



Est - il utile donc si utile d’être vieux pour comprendre le monde dans sa diversité religieuse ? Le fait d’avoir souffert les armes à la main en Algérie est il un gage de sagesse, donne t il une connaissance plus grande du monde musulman dès lors que l’Algérie française était un système colonial qui maintenait dans la minorité politique les algériens de culture musulmane et ne donnait donc à voir de l’islam que l’image soumise, ou révolté, d’un citoyen de deuxième ordre ? Il est des vieux sages comme des jeunes réfléchis, il est des jeunes cons comme des vieux désagréables…c’est la merveilleuse fraternité humaine que de les soumettre à la même horloge du temps, et au même destin de poussière.



Marceau, crois le ou non, il est des musulmans libres et heureux. Il est des femmes voilées qui choisissent le voile comme un acte de liberté, qui trouvent dans l’affirmation de leur foi, y compris par des interdits alimentaires pratiqués au quotidien ou sous un voile grillagé, une forme d’épanouissement que, nous, laïques, avons du mal à comprendre, mais que nous devons respecter au nom de la liberté de conscience.



Pourquoi toujours se référer à l’islam guerrier, celui du 12ème et 13ème siècle que tu évoques dans ton message, si l’on aime l’Histoire pourquoi ne pas parler ici, aussi, évoquer l’islam éclairé des Omeyyades de Cordoue, l’islam poétique et philosophique D’Averroès , ou tout simplement, et sans chercher plus loin que le coin de la rue de nos bonnes villes de France, l’islam « des bons pères de famille », celui des musulmans qui, ici dans l’hexagone, ne font de mal à personne, vivent paisiblement leur foi dans le silence de leur coeur, ces hommes musulmans qui ne voilent pas leur fille ni leur femme, ces femmes musulmanes qui choisissent « le mariage mixte » avec des « bons français de culture chrétienne » comme toi ou moi, Marceau, ces musulmans qui respectent le ramadan comme une pratique culturelle plus que cultuelle et ne font donc pas de la religion de l’Islam un acte guerrier contre la France mais simplement entretienne ainsi le souvenir de leurs racines et de leur histoire familiale…



En politique, je crois qu’on peut puiser en soi la vérité et la force de convaincre, en faisant de l’ histoire personnelle que l’on a vécu une lumière capable d’inspirer chacun de nos actes …mais quand « les blessures de la vérité » qu’on porte en soi nous emmènent sur la pente dangereuse de l’opprobre, de la peur, ou de la condamnation de l’autre, on prend alors le risque de ne plus être entendu. Mais les blessures de la vérité portent aussi en elle une sincérité et un pouvoir, celui « des feux mal éteints » de Guillaume Apollinaire, propre à faire vaciller les certitudes politiques les plus farouches.


Puissent donc nos deux vérités contraires se réconcilier dans l’échange démocratique sur ce forum où la parole est libre. Puissent nos deux lumières personnelles nous éclairer mutuellement.

Amitiés fraternelles

Boris

Varsovie



Cher Boris,


Tu donnes l'impression de vouloir museler le forum. Il ne s'agit pas d'échanges intempestifs mais d'échanges d'opinions qui me semblent non seulement louables

dans un système démocratique mais aussi indispensables pour mieux comprendre un sujet. Il ne s'agit pas non plus de religion comme tu veux le faire croire. C'est une fausse interprétation et la seule problématique qui est soulevées pour moi est celle de la sécurité et de l'application de la législation déjà en vigueur.
La manière politicienne dont tu décris la situation est très inquiétante car tu laisses entendre que certains, dont le polytraumatisé de l'Algérie et de la deuxième guerre mondiale sont des éradicateurs de l'Islam.

Je te renvoies à ton texte dans le deuxième paragraphe où tu cites: "ne demandant qu'à vivre paisiblement, et de manière privée, leur foi". Qui a attaqué leur foi et qui parle de vie privée? Ces femmes soumises à des machos remplis de complexes et pour certains inquiets de leur virilité, peuvent ajouter à la burka des draps, des sacs de couchage si ça leur fait plaisir. Elles sont comme tu le dis dans le privé et il n'est dans le sujet que question de lieux publics. La différence est essentielle.

Il n'y a d'anti-islamisme laïc que celui que tu attises mais tu es trop jeune pour comprendre. La logique du Cheval de Troie n'est pas une vue de l'esprit, c'est celle

de toute intention de gagner du terrain comme l'histoire le démontre et pas seulement chez les islamiques mais dans toutes les sectes dont nous sommes biens pourvus en occident. Il ne s'agit pas pas de victimiser, de rejetter, ni les musulmans, ni les autres.

Pourquoi ne pas être être honnète et sortir des phrases de leur contexte? Il faut 'admettre que chacun peut avoir son opinion même si c'est un polytraumatisé, ce que tu as eu de la chance de ne pas être, grace aux générations précédentes qui te permettent aujourd'hui de juger à l'emporte pièce et d'être dans une attitude de mépris.

Qui parle de mythe du complot islamiste généralisé et régénéré, de manière surprenante, dans nos rangs de militants a priori éclairés par les lumières de l'internationalisme, sinon toi... Pourquoi compares-tu ce qui n'est pas comparable. Est-ce qu'un Sikh ou un moine boudhiste se promènent dans la rue recouvert de la tête au pieds d'un voile impénétrable? Tu es sans doute un bon débatteur politique mais avec moi tu auras aussi un bon contradicteur sans que j'aie besoin de sortir des rails.

L'offense à la liberté est l'usage abusif des travestissements, de la volonté d'amener la pensée unique à son paroxisme et on sait où cela à conduit.
Je suppose que tu as eu une éducation laïc et c'est aussi grace à elle que tu n'es pas sous un régime totalitaire. Comment peux-tu agiter l'image de l'étoile jaune dans une comparaison avec une question de sécurité? L'attitude d'Israël vis-à-vis des territoires occupés t'inspire-t-elle? Peux-tu citer une phrase qui mette en cause le monde musulman que je suis certain de connaitre mieux que toi?

Si toi tu pardonnes, je ne suis pas de la même trempe. je ne pardonne pas ta manière politicienne et orientée de déformer mes propos et tu ferais d'appliquer à toi même les citations des Evangiles.

Tu as sans doute beaucoup à apprendre et c'est la seule excuse que je te trouve.

Marceau

lundi 18 janvier 2010

les musulmans, nouveaux "métèques" de la gauche laicarde ?




Chers camarades,

Avec nos échanges intempestifs et guerriers autour du port du voile intégral nous donnons raison, certainement à notre corps défendant, aux islamistes, en médiatisant et débattant d'une question qui devrait appartenir au registre privé des convictions religieuse. Doit on débattre de questions religieuses dans le champ politique public ? Absolument pas si l'on est un authentique militant laic, qui réprouve l'envahissement du politique par le religieux.

Avec la réprobation du port de la Burka, nous victimisons potentiellement une petite poignée de femmes qui ont fait du voile intégrale un choix (subi ou libre, la question a t elle un sens en matière de conviction religieuse ?), et nous stigmatisons, au passage, une communauté entière de musulmans, qui, en France, ne demandent qu'à vivre paisiblement, et de manière privée, leur foi.

L'anti islamisme laic utilise alors des arguments proche de ceux utilisés par l'extrème droite en voyant derrière toute femme voilée une potentielle menace terroriste, derrière tout musulman un guerrier conquérant parti à l'assaut de l'Europe (la logique fantasmée du cheval de Troie évoquée par un de nos camarades sur ce forum...). autrement dit, le mythe du complot islamiste généralisé et régénéré, de manière surprenante, dans nos rangs de militants a priori éclairés par les lumières de l'internationalisme... ce qui devrait imposer, a priori, le respect de l'autre comme base philosophique incontournable.

Qu'un millier (d'après la plupart des décomptes) de femmes portent la burka en France, cela mérite il une interdiction par la loi ? devra t on prendre une loi contre le millier de Sikhs qui portent turban ? et demain, contre les quelques milliers de Boudhistes dont le crane rasé et le port d'une robe offense les plus laicards d'entre nous ? Et puis, à ce rythme, pourquoi ne pas s'attaquer aussi à ce qui arborent la rose au poing ou le drapeau rouge comme étendart de lutte ? les chemins de la stigmatisation et de l'intolérance nous approche d'abimes dangereux où nous pouvons tous être précipités un jour.

Rappelons nous que l'usage intempestif de la loi est parfois une offense aux libertés, et que tout militant de la laicité qui se respecte doit également promouvoir la défense de la liberté de conscience sans laquelle il n'y a pas de laicité apaisée possible en France.

L'immense majorité des musulmans de France se retrouve derrière un rapport quasi laique à la religion, considérant que la religion est affaire de conviction privée, que l'islam est un héritage culturel comme un autre, comme peut l'être le rapport aux racines catholiques ou protestantes de nombre de nos compatriotes qui gardent dans "le silence de leur coeur" et sans prosélytisme public, leur foi religieuse pour eux.

Je pardonne parfaitement aux polytraumatisés de l'Algérie française, aux ex colons de l'indochine française, très minoritaires dans nos rangs, mais qui s'expriment sur ce forum ou sur celui de l'ADFE, avec des propos outranciers que je réprouve, notamment quand ils expriment une peur de l'autre ou une crainte de la différence culturelle ou religieuse. Je les pardonne et il ne me viendrait jamais à l'idée de les censurer, par la loi ou par conviction morale, car à mon sens, la liberté d'expression et de conscience ne se discutent pas.

Ne commençons donc pas à créer de "nouvelles étoiles jaunes" pour les musulmans qui deviendraient alors les nouveaux métèques de la gauche. Les 6 millions de tenants de la religion d'Allah en France ne méritent pas de subir pareil sort. Nous sommes tous le métèque de quelqu'un, ne l'oublions jamais.

" Que tous soient un, comme toi, Père , tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous". Evangile selon Saint Jean, base de l'oecuménisme religieux.

" Que tous soient un, comme toi, Camarade , tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous" Evangile selon Saint Marx, base de l'oecuménisme politique.

Boris

jeudi 14 janvier 2010

une approche dépassionnée des chiffres des migrations




Pour apporter un complément à l’analyse remarquable de Cédric Fouilland, pour mieux saisir l’enjeu des flux migratoires, en dépassant le cadre de la pensée néo libérale comme nous y incite notre camarade, j’apporte ici une contribution chiffrée sur la mesure des flux migratoires pour poser la première pierre d’une approche raisonnée de l’immigration/

Car développer une politique migratoire apaisée et humaine à gauche, suppose de s’attaquer d’abord à un mythe politique tenace, véhiculé par l’extrême droite : le mythe de « l’invasion » des étrangers en France ou en Europe. La droite de gouvernement aujourd’hui utilise ce mythe, mais de façon détournée, en évoquant, implicitement, un « seuil de tolérance à l'étranger » ou en mettant en regard immigration et « identité nationale » (sic) sur le mode de l’étranger menaçant.

Le premier degré d’analyse distanciée des liens entre « mondialisation et immigration » doit être celui des réalités chiffrées : celle des chiffres des flux migratoires (en dynamique) et du nombre d’étrangers présents dans les sociétés d’accueil du monde entier (approche plus statique au sens économique).

Les flux migratoires se sont certes accélérés ces dernières décennies, ils convergent en partie vers l’Europe, mais une analyse chiffrée montre que les pays du Sud ont une capacité d’accueil supérieure à la notre et accueillent nettement plus d’étrangers sur leur sol. De quoi tordre le cou à une vision frileuse et guerrière de « l’Etranger » comme menace pour l’Europe.

*Immigration au niveau mondial en 2009 : un âge d’or ?

Les chiffres globaux (source : Atlas un monde à l'envers du monde diplomatique s'appuyant sur l'organisation internationale des migrations : www.iom.int) sont de 200 millions de migrants dans le monde environ aujourd'hui contre 120 millions en 1995 et 77 millions en 1965 soit une multiplication par 2.5 en quarante ans.

La population mondiale étant en 2009 de 6.7 milliards de personnes, les flux de migrants représentent 2.9% de la population mondiale. Or, si l’on compare cette proportion de migrants avec les chiffres du passé, on relativise très nettement l’impression d’une multiplication importante des flux migratoires qui représentaient déjà 2.3% de la population mondiale, portée à 3.3 milliards de personnes, dans les années 60, et 2.1% en 1995.

Par ailleurs, le chiffre de 200 millions de migrants en 2009 semble être une estimation haute ; Le chiffre de 175 millions est également fréquemment cité par les chercheurs, ce qui ramènerait à 2.6% de la population mondiale ayant migré en 2009.

C’est plus une stabilité des flux migratoires qu’il faut aujourd’hui constater en invalidant ainsi l’impression de désordre mondial ou de menace globale que représenteraient des flux apparemment massifs mais qui révèlent en fait une augmentation très modérée en quarante ans d’évolution.

Ces flux migratoires ne donnent aucun renseignement sur la sédentarisation des immigrants. Une analyse du panorama mondial des flux migratoires (http://www.fidh.org/IMG/pdf/Wihtol_monde_fr.pdf) montre que plus les frontières sont ouvertes moins la sédentarisation des immigrants est importante. Il parait donc en ce sens contre productif de vouloir fermer les frontières pour limiter la sédentarisation des migrants. Par ailleurs, celle-ci ne parait pas, en soi, pénalisante pour des sociétés d’accueil qui, souvent, ont des besoins démographiques nets, en raison du tassement des naissances notamment, ce qui est le cas dans une majorité de pays d’une Europe vieillissante.

* immigration, du Sud vers l’Europe ?

La lecture de cette analyse montre qu’il ne faut pas exagérer l’importance des mouvements migratoires du Sud vers le Nord.
http://questions-contemporaines.histoire-immigration.fr/sommaire/cartes/aujourdhui-un-systeme-migratoire-mondial.html

En effet, l’axe Sud - Sud, avec un important flux de l'Inde vers la péninsule arabique (10 millions d'immigrés attirés par le travail dans les pays producteurs de pétrole selon une chercheuse du cernam), est significatif même si la carte montre que l'essentiel des migrations continue, en valeur absolue, à se faire selon un axe Sud Nord.

Une analyse montre la liste des principaux pays ayant enregistré un solde migratoire positif entre 1990 et 2000. 6 pays sur 7 sont des pays du Nord, l'Europe a gagné 8 millions d'immigrés sur la période http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/13106/telechargement_fichier_fr_publi_pdf1_pes382.pdf

Si l’on prend une mesure en valeur relative, soit le solde migratoire par rapport à l'effectif de population du pays concerné, ce ne sont plus les pays du Nord qui ont le solde migratoire le plus important mais les pays du golfe (cf supra) qui peuvent compter jusqu'à 20% de population immigrée. En comparaison, la France compte 4 millions environ d’étrangers recensés, soit 6% d’étrangers sur son sol.

Voilà donc un argument de poids pour réfuter l’argumentation de droite d’une immigration massive vers l’Europe et la France. Certains pays du Sud ont donc sur leur sol une population étrangère plus de trois fois supérieure à ce qu’elle peut être en France.

Si l’on ne peut nier l’importance du phénomène migratoire, il convient donc de le relativiser en repositionnant l’importance des flux migratoires vers le Sud, en montrant qu’ils sont, en proportion, beaucoup plus massifs pour les pays d’accueil qui montrent là des capacités d’accueil nettement supérieures aux nôtres.

Amitiés socialistes

Boris
Le 13/01/10

Plaidoyer pour une nouvelle politique d'immigration par Cédric Fouilland




Cédric Fouilland (FFE - PS au Salvador) et moi même venons de lancer une initiative militante dans notre fédération socialiste pour rédiger une contribution sur le thème "mondialisation et immigration". Cette contribution collective sera le fruit de la synthèse des analyses et propositions des militants.

Aujourd'hui la ligne rouge publie l'analyse inaugurale de Cédric.


PLAIDOYER

A l'arbitraire du lieu de naissance, la liberté de déplacement est le naturel recours. Aux impasses vécues de "l'ici", les ouvertures promises "là-bas" peuvent sembler les seules solutions possibles. Malheureusement, force est de constater à quel point les migrations "heureuses" ne sont pas la norme, et la mesure dans laquelle les possibilités de se déplacer constituent aujourd'hui l'une des plus criantes inégalités entre les êtres humains.



La migration ne va en effet pas toujours de soi, que ce soit pour le migrant, pour sa famille, pour la population et le territoire qu'il quitte comme pour la population et le territoire qu'il rejoint. La migration peut être tout autant "subie" que "choisie" par le migrant, avant même que ces termes ne s'appliquent à l'immigration du point de vue de l'Etat de destination. La "fuite des cerveaux", et de manière plus préoccupante encore le départ massif d'hommes et de femmes au fait de leurs capacités économiques, peut mettre en péril le développement même des territoires d'émigration. L'intégration du migrant au sein de la population de destination n'est pas toujours facile, ni pour celui-là ni pour celle-ci.



Et pourtant la migration reste porteuse de promesses et de chances pour tous, notamment parce qu'elle concrétise à sa mesure le partage et l'échange entre les individus, les peuples, les nations.



Par le nombre de personnes qu'elle touche, la migration est véritablement un "sujet public", et doit être traitée comme tel par des politiques publiques appropriées. L'aspiration à un droit humain à se déplacer au sein et entre des pays ne peut raisonnablement se réaliser en dehors de cadres normatifs. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, "c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit" (Henri Lacordaire).



Seulement, un grand nombre de dispositions publiques actuelles visant à "réguler" la migration aboutissent à des monstruosités pour toutes celles et ceux qui se réclament de l'humanisme, et plus particulièrement de la devise de la République française. On se retrouve avec une migration aux multiples vitesses, scandaleusement inégalitaire, et avec un traitement du migrant moins désiré propre à susciter une légitime indignation. Plus grave sans doute, le Nord se mure, physiquement comme culturellement, pendant que le Sud est cantonné, ouvrant la voie au désespoir d'une partie de sa population et, partant, à des extrémismes mortifères. Et pour achever le tableau, sur ce cortège funèbre s'étend de surcroit l'ombre de la xénophobie et du racisme, entretenue par les pompiers-pyromanes de la politique du caniveau.



Il est intéressant de relever ici à quel point la mondialisation néo-libérale échoue idéologiquement à apporter une réponse satisfaisante aux enjeux posés par la migration. En consacrant une inégalité de richesse toujours croissante entre individus et entre territoires, elle est la cause d'une grande part de la pression migratoire qui, par son aspect massif, encourage des mesures démesurément dures à l'égard de certains migrants, mesures dont les néo-libéraux semblent s'accomoder malgré la dérogation qu'elles constituent au principe du libre mouvement des capitaux, des biens et des services, et des personnes. Ce faisant, elle démontre par l'absurde (le refus hétérodoxe de la libre circulation des personnes) l'inanité sociale, environnementale, etc. de la libre circulation des capitaux, des biens et des services.



La social-démocratie européenne ne propose pas encore de réponses satisfaisantes aux défis posés par la migration (en l'occurrence, et de son point de vue, l'immigration "subie"). Elle se retrouve souvent coincée entre ses valeurs internationalistes et humanistes, et les difficultés que présentent, par leur degré et par leur nature, les migrations d'aujourd'hui. Très perméable, jusqu'à un passé récent, aux thèses néo-libérales, elle prend tout juste conscience de l'ampleur du travail et du temps qui seront nécessaires à la fondation de nouveaux modèles économiques et de développement, susceptibles, entre autres, de réduire la pression migratoire, et peine à imaginer les caractéristiques possibles d'une gestion migratoire de transition.



Le Parti Socialiste lui-même (voir Position du BN - immigration et situation des travailleurs sans papiers, 24/11/2009, en pièce jointe), s'il reste ferme sur ses principes, ne convainc qu'imparfaitement sur la pertinence des mesures qu'il propose, qui plus est avec peu d'écho.



L'initiative militante d'élaboration collective d'un texte de propositions politiques sur le thème "mondialisation et migration" se propose de participer à l'émergence d'une politique française et européenne de migration à la fois conforme à nos valeurs et adaptée aux réalités.