mercredi 27 octobre 2010

Georges Frêche, le dernier des mohicans territoriaux ?


Chers amis,
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> George Frêche est décédé en fin de journée d'une crise cardiaque.
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> La première émotion qui me vient à cette heure, est de penser à l'élu du Languedoc, que le Gardois de naissance que je suis, a toujours regardé comme une personnalité politique particulièrement forte et paradoxale :
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> Homme de grande culture, spécialiste du droit Romain, George Frêche avait mené pendant ses études de droit à Paris le combat anticolonialiste, au moment où la guerre d'Algérie divisait les français, il faisait volontiers le coup de poing contre les étudiants des corpos de droit qui comptaient en leurs seins des sympathisants de l'OAS. Il se rangeait volontiers alors aux côtés des défenseurs du droit des algériens à disposer de leur destin.
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> Le paradoxe politique est venu d'un parcours qui a fait de cet amoureux de la liberté, de ce défenseur de la dignité des peuples, un symbole de nombre de déviances des "barons territoriaux" qui basent leurs excessives longévités politiques sur la concentration des pouvoirs et les petites ou grandes atteintes aux principes de la démocratie locale.
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> Devenu Maire de Montpellier en 1977, Georges Frêche n'a plus laché le pouvoir jusqu'à ce jour, où il est "mort en fonction" près de 33 ans après sa première élection réussie à la tête de la ville, puis au conseil régional du Languedoc.
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> J'ai une pensée pour les languedociens qui affectionnaient le côté anti-conformiste fort en gueule et en tempérament de leur élu.
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> J'ai aussi une pensée pour les personnes qui ont pu, pendant le vivant de Frêche, souffrir de ses foucades verbales, de ses sorties intempestives de toutes sortes, de ses liens incestueux avec les communautés pieds noires, ou de son communautarisme électoral assumé, qui lui faisait flatter les bas instincts électoraux en le faisant pratiquer un clientélisme non dissimulé et basé parfois sur l'intimidation pure et simple de ses adversaires, ou de celles et ceux qui tentaient de jouer la critique interne et qu'il avait tendance à museler ou faire taire.
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> Je me rappelle encore de la polémique qui a enflammé notre forum FFE, voilà plusieurs mois déja, autour des propos de Frêche, puis de la seconde polémique ayant entouré son exclusion du PS. Je ne veux pas ce soir y revenir, étant de l'ancienne école qui laisse les morts reposer en paix.
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> Je veux donc penser ce soir que nous avons perdu un homme qui a pu incarner la gauche dans le Sud de la France, une gauche hélas souvent perdue ou cynique.
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> Si j'étais candide, je penserais qu'avec ce dernier des mohicans égotiste sudiste s'éteint aussi une conception datée du pouvoir, machiste et sans contre pouvoir.
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> Mais j'ai trop fréquenté la classe politique dans le Sud, pour savoir malheureusement, que Georges Frêche n'est qu'un exemple des déviances d'un parti qui en garde d'autres en son sein. Et que s'il avait incarné à lui seul parfois les tares socialistes d'une fédération en perdition, il demeure ailleurs, d'autres Frêche moins médiatisés, mais tout aussi cyniques.
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> Paix à ton âme George, gardons de ton souvenir le meilleur de tes instants politiques, et que tes pires moments nous servent de ligne rouge à ne pas franchir.
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> Amitiés Socialistes
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> Boris Compagnon
> Varsovie

vendredi 1 octobre 2010

Lutter contre le monstre doux : De la culture de masse aux populismes européens


Une convergence des populismes européens semble se dessiner sous nos yeux à l’occasion de la triste affaire de la stigmatisation des communautés Roms, et des parallèles troublants avec des évènements du passé font craindre que des temps sombres se préparent pour l’Europe.

Le débat sur la qualification historique des phénomènes de stigmatisation des Roms a enflammé les passions. Néo-fascisme, phénomène populiste, signe d’une République en danger, d’un Etat de droit en recul, d’une banalisation de la haine ordinaire, rappel du passé douloureux de l’Europe pendant la seconde guerre mondiale ? S’il faut certainement se garder de toute tentation anachronique et refuser les raccourcis historiques, il semble cependant que peu importe véritablement la qualification historique de ce qui se passe, quand tout le monde s’accorde à dire qu’il se passe quelque chose d’inquiétant politiquement…

Mais que se passe t il exactement ?

Aux sources de l’inquiétude : Les rapports dangereux entre Culture de masse et Populisme de masse :
Un ouvrage récent du linguiste italien Raffaele Simone, « le monstre doux », analyse les dérives populistes européennes comme un phénomène plus global lié à « l’air du temps », à l’apparition d’une « culture de masse », «d’un « paradigme culturel attirant et affable » dont « la survalorisation du fun, la recherche effrénée de consommation, la carnavalisation de la vie », « le processus continu de substitution du vrai par le faux, l’infantilisation générale », seraient les éléments saillants…l’attraction très large pour ce nouveau « despotisme culturel » exacerberait les impulsions égocentriques, le refus de trop penser, conduirait à une indifférence envers l’intérêt général, le bien collectif, les comportements vertueux…autant d’indices qui seraient le signe « d’une désorientation de l’homme de gauche » , provoquant une apathie généralisée, une absence de réaction sur la xénophobie ou la stigmatisation de l’autre…

Cette analyse rappelle les propos de Gilles Lipovestski qui écrit depuis 20 ans sur le recul des vertus publiques, l’exacerbation de la sphère privée et de l’individualisme lié à de nouveaux modes de consommation économiques et culturels…

La nouveauté du propos est de relier cette culture de masse triomphante aux populismes droitiers modernes…de considérer donc que la culture de masse, loin de seulement modifier les comportements individuels, trouve une traduction politique populiste.

Quand on regarde le profil personnel d’un Silvio Berlusconi, homme de la vulgarité télévisuelle incarnée, quand on s’intéresse aux préférences culturelles affichées par l’homme Nicolas Sarkozy, sa fascination pour Johnny Halliday, pour les vedettes de variété, ses réticences face à une œuvre littéraire comme « la princesse de Clèves », on se dit que la thèse du despotisme culturel peut surement trouver des incarnations possibles dans certains leaders politiques européens adeptes de la culture de masse…Comme si un populisme de masse ne pouvait fleurir que sur le terrain fertile d’une sorte de nouvel opium…

Mais le pessimisme foncier d’un Lipovetsky ou d’un Simone, qui peut faire écho à la traditionnelle critique marxiste de la Culture comme instrument de l’asservissement des masses, est à relativiser au regard des réactions des citoyens européens qui se mobilisent pour dire leur inquiétude et leur refus des stigmatisations ces derniers jours.

Un pessimisme culturel à relativiser, des indignations nécessaires aux actions politiques à mener pour faire reculer les stéréotypes :
La très large médiatisation des stigmatisations des Roms, à l’échelle française ou européenne, semble provoquer des réactions salutaires : d’abord des indignations légitimes venues de la gauche républicaine ou de la Commission européenne, réactions nécessaires mais pas suffisantes.

La gauche a toujours été « indignolatre » sans forcément être efficace sur les débouchés politiques naturels de cette indignation :

c’est tout l’échec politique de l’anti racisme en France face au Front National, qui n’a pas empêché le coup de tonnerre de 2002, avec la présence d’un candidat d’extrême droite au deuxième tour de l’élection présidentielle, malgré prêt de 20 ans de mobilisation sur le mode du « F comme Fasciste, N comme Nazi »…

La commission européenne, gardienne traditionnelle des traités, a gagné une dimension de gardienne européenne d’une forme de moralité publique…Mais au-delà de la crispation actuelle, comment agir efficacement, au-delà des indignations légitimes pour trouver des moyens d’actions politiques concrets et durables ?

Dans l’immédiat, En France, l’Eglise, la Cimade, des associations culturelles ou citoyennes agissent déjà sur le terrain, pour protéger les communautés de Roms dans l’hexagone. Mais l’on sait que la stigmatisation des Roms ne se limite pas à la frange occidentale de l’Europe, et que les pays d’Europe centrale ont souvent des relations complexes avec les minorités Roms présentes en Roumanie, en Hongrie ou en Slovaquie…

Le réseau des instituts culturels européens à l’étranger, organisé dans le réseau EUNIC (European Union National Institutes of Culture) présent à l’échelle européenne et internationale, aurait surement les moyens d’agir sur la défense des cultures minoritaires, aurait beaucoup à apporter dans l’interrogation des stéréotypes culturels autour des Roms, en brisant les représentations vieilles comme le monde de voleurs de poules et de maraudeurs, en restituant donc au nomadisme, sinon sa noblesse, au moins sa dignité.

La lutte contre le populisme peut donc également être une lutte culturelle, une lutte de fond et de longue haleine, sur les représentations culturelles et les stéréotypes…voilà un moyen de résister au « monstre doux »…c’est un combat difficile, de David contre Goliath, tant les industries culturelles aujourd’hui sont de véritables rouleaux compresseurs aux moyens d’actions gigantesques…tant la xénophobie trouve sa source dans la nuit des temps…

Mais malgré la difficulté de ce combat, nous devons certainement, comme Thomas d’Aquin, continuer à allumer les lumières de la raison dans la nuit des passions…Au risque que l’ombre gagne peu à peu…

Amitiés socialistes

Boris

Lutter contre les populismes - Vincent nous écrit

Cher Boris,



le "populisme" est une entité difficile à définir si l'on est sérieux et tellement agréable à utiliser comme anathème lorsque l'on ne l'est pas (sérieux) .Ou lorsque, en panne d'arguments, on jette cet anathème aux dirigeants que l'on n'apprécie pas, surtout de la presse bien pensante envers les "rebelles".

Il y a quelques années, à Paris si je me souviens bien, des intellectuels, sociologues, politologues s'étaient réunis pour tenter de le définir.

Leurs conclusions après de longues discussions étaient :

- il y a beaucoup moins de populisme que les medias n'en décrivent
- cette désignation est souvent une façon commode de raccourcir la description du phénomène, voire de cacher son incapacité à le décrire.

A ce sujet, les journalistes qui cèdent à cette tentation m'agacent régulièrement, et en général confirment dans la foulée leur légèreté
- une définition assez acceptée par ces intellectuels sus-cités était la volonté des populistes de mettre en avant des questions nationales de portée marginale sinon modeste, mais qui présentent l'intérêt de susciter un certain engouement populaire, tout en ayant par ailleurs la ferme intention de ne pas modifier l'essentiel. "Tout changer pour que rien ne change"

En ce sens, Berlusconi serait pour moi un conservateur typique, ultra-libéral, tout comme Sarkozy. Ce dernier a agité l'épouvantail de l'insécurité et des boucs émissaires, étrangers, mais son côté réactionnaire surpasse nettement celui de la manipulation temporaire. Ultra-libéral et réactionnaire lui-aussi plus que populiste.Tous 2 au service de la haute bourgeoisie. La droite décomplexée, pour laquelle le populisme est une fioriture.

Un modèle de populisme a été incarné par Péron, moderniste, pro-syndicats, laïc, mais dont le modèle était Mussolini. En même temps il emprisonnait les militants de gauche, soutenait la C.I.A. au ppoint de participer à des cours de contr-insurrection. Il a poussé le paradoxe jusqu'à écrire au Che en lui disant qu'au fond ils étaient toue 2 des rebelles... Son utilité sociale et historique a été de faire parvenir la bourgeoisie industrielle au pouvoir, au détriment de la bourgeoisie foncière, semi- féodale, liée au clergé.

En lisant le livre d'Howard Zinn "Histoire populaire des Etats-Unis depuis 1492", que je recommande, on peut être surpris de voir combien de fois de nombreux dirigeants états-uniens ont fait vibrer cette corde, parfois grossièrement.

Chavez, Morales ne sont évidemment pas populistes non plus , vus les changements de fond qu'ils ont provoqué dans leur pays respectif, que l'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette.Ils ont une étiquette "socialiste".

Evidemment, je ne te mets pas au même niveau que ces journalistes qui vulgarisent ce terme. Au contraire

Amicalement

Vincent