mardi 14 décembre 2010

Compte rendu éclair de la convention égalité réelle


Chers amis,

La convention de samedi a marqué un vrai moment d’unité parmi les socialistes. C’est surement une belle manière de conclure une année 2010 qui, telle les quatre saisons de Vivaldi, a vu notre parti jouer une partition politique collective sur un rythme enlevé :

Si les taux de participation à l’exercice des conventions n’ont pas toujours été à la hauteur des enjeux, on ne peut nier cependant que le parti a été au travail durant toute une année, se coltinant à l’exercice collectif de production d’idées, avec l’aspect parfois aride ou laborieux que celui-ci a pu revêtir parfois .

Les militants de notre fédération ont joué le jeu dans leur ensemble pour se pencher sur le texte du « nouveau modèle de développement » au printemps, pour définir les contours de la rénovation au début de l’été, pour s’interroger sur les questions européennes et internationales cet automne, alors que l’hiver nous apportait le texte sur l’égalité réelle et ses diverses déclinaisons programmatiques. Chacun des votes a conclu majoritairement à l’adoption démocratique des textes proposés.

Ce samedi, lors de la convention, le texte sur l’ égalité réelle a été voté a la quasi unanimité des délégués présents après avoir été adopté il y a une semaine par 80 pourcent des militants des différentes fédérations de l’hexagone.

C’est une victoire collective que d’avoir montré que les socialistes savaient se rassembler sans reprendre les vaines polémiques qui avaient émaillé le début du mois de novembre : uni, notre parti est plus fort, en interne, pour pouvoir travailler avec efficacité sur le projet socialiste à proposer en 2012, en externe, pour offrir le visage uni d’une opposition déterminée aux choix contestables du gouvernement.

Du cote de nos amendements fédéraux, deux amendements ont été finalement retenus dans le texte final : on peut certes regretter que davantage d’amendements n’aient été repris sur la quinzaine que notre conseil fédéral avait transmis au national. Cependant, les deux amendements retenus possèdent une charge politique forte, puisqu’ils touchent aux questions essentielles de l’accès à l’éducation à l’étranger et aux questions touchant le service public consulaire.

Sur ces deux thèmes de campagne, ne doutons pas que les candidat(e)s du PS dans les circonscriptions de l’étranger pourront ainsi se voir soutenus particulièrement par le parti pour porter des réformes qui préoccupent nos compatriotes résidents hors de l’hexagone.

En début d’année 2011, nous devrons continuer à travailler sur le projet fédéral et faire en sorte que notre travail collectif infuse largement dans le projet des socialistes qui devrait être adopté par le parti en avril/mai. Ce sera un des éléments clés de la victoire en 2012.

Amitiés socialistes

Boris Compagnon

PS : ci-joint les deux amendements fédéraux repris dans le texte « égalité réelle »

Rétablir plus de justice sociale dans l’accès à l’éducation à l’étranger.

« Nous supprimerons la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger instaurée par Nicolas Sarkozy en 2007. Cette mesure inéquitable et injuste n’a pas lieu d’être. La véritable équité, porteuse d’une réelle égalité des chances pour chacun des élèves français établis à l’étranger, ne peut résider que dans un retour à une aide à la scolarité fondée uniquement sur des critères sociaux et exclusivement sur ceux-ci. Nous substituerons donc à la prise en charge des frais de scolarité un renforcement du système des bourses attribuées sur critères sociaux »


Amendement sur les questions consulaires :
"L'universalité des services publics passe par un service consulaire adapté aux besoins des françaises et français dont le nombre est en progression constante hors de l’hexagone. L'action extérieure de l'Etat dans ce domaine devra être dotée de moyens prioritaires pour améliorer le service public rendu aux compatriotes demeurant en résidence à l’étranger. 1,5 millions de compatriotes sont enregistrés sur les listes consulaires en 2010, et 2.5 millions de françaises et français vivent aujourd’hui à l’international"

Choses vues au conseil PSE


Chers camarades,

sur le conseil de Varsovie qui s'est terminé vendredi 3 décembre, une rapide analyse politique et des impressions assumant leur subjectivité :

D'abord, et au risque de décevoir, le grand front populaire européenne de gauche que certains appellent de leurs voeux, et qui fait rêver nombre d'entre nous certainement sur ce forum, je ne l'ai pas vu poindre à Varsovie...

J'ai vu certes quelques prémices politiques heureux d'un changement de ton des partis sociaux démocrates :

J'ai trouvé les différents partis d'accord globalement sur l'objectif (changer de politique, faire reculer les populismes, développer une Europe plus sociale, combattre les dérèglements financiers par plus d'interventionnisme et par l'introduction d'une taxation financière), et sur l'analyse de la responsabilité de la crise, essentiellement financière et basée sur le dérèglement et la dérégulation mondiale...

J'ai en revanche constaté peu de convergence politique réelle sur sur les moyens politiques de parvenir à sortir de la crise et à s'unir politiquement :

Il me semblait y avoir une coupure, ou du moins un écart, entre une sorte de pragmatisme social démocrate développé par un Poul Rasmussen, sur la base du "soyons modestes, proches des gens, répondons à leurs préoccupations quotidiennes par des politiques économiques basées sur l'emploi et la protection sociale", en fait une social démocratie à la Scandinave (une sorte de 3eme voix comme tu l'indiques, Yves), et l'aspiration à un changement plus profond, qui toucherait bien sur à l'économique mais aussi aux conditions d'organisation de toute la civilisation occidentale et européenne, réformant l'éducation, la culture, les conditions d'échange entre nations, changeant de structure économique pour intégrer la dimension écologique pleinement, afin de provoquer un changement politique global...

Cette deuxième vision, plus ambitieuse, "la notre", me semble encore malheureusement isolée aujourd'hui au sein du PSE... ou du moins de ses leaders

Les activistes étaient plus audacieux et ouverts aux différentes formes d'expérimentations politiques y compris les plus réformatrices.

La présence d'Henri Weber dans la délégation française, et les développements sur le Juste échange que Weber a pu proposer avec bonheur lors de la dernier convention internationale, donnait le cadre d'un projet possiblement plus ambitieux, où l'Europe accepterait d'être plus protectrice à l'égard des peuples et de l'économie européenne, sans pour autant sombrer dans le protectionnisme le plus égoiste (Cf les paragraphes de la convention international du PS sur les écluses tarifaires temporaires et la relance d'une politique de coopération et d'aide au développement avec les pays les moins avancés qui ne doivent pas payer le prix de notre protection)...

J'ai eu plus de mal à situer les positionnements politiques des Allemands et des Britanniques :

du côté Allemand j'ai dit mon scepticisme face aux foucades de tribune d'un Martin Schultz, sans m'imaginer cependant qu'il représente réellement le coeur du parti SPD allemand...Il faudra regarder comment évolue le parti sous la direction de Sigmar Gabriel...Je me retourne d'ailleurs ici vers mes camarades d'Allemagne qui observent surement avec acuité la situation du pays et du parti social démocrate allemand.

Les britanniques sont encore sous le choc de leur perte de pouvoir et de repères, après les années Blair qui ont désorientées le parti travailliste, et l'intermède Brown qui en était une sorte d'épilogue...C'est du moins mon sentiment.

Parmi les autres grandes nations européennes, les espagnols pansent leurs plaies économiques (Valérie pourrait en parler beaucoup mieux que moi) et j'imagine que Zapatéro et les socialistes d'Espagne n'ont que peu le loisir de penser à l'Europe et à sa relance quand 20% de la population souffre de chomage ou de mal emploi et que le pays vacille...L'espagne est contrainte de rester "le nez dans le guidon" pour employer la métaphore cycliste au pays de Pedro Delgado et de Miguel Indurain.


Nos amis polonais, qui étaient les hôtes du conseil, avaient du mal à développer un discours d'envergure, dans un pays livré à un libéralisme sans grand contrôle où le SLD, le parti de gauche ex communiste, ne pèse que 15% des voix et est distancé par les deux partis dominants, le PIS du frère Kaszynski survivant du binôme (droite conservatrice) et PO (plateforme civique, centre libéral, au pouvoir) : le parti de Donald Tusk occupe aujourd'hui la présidence de la République, le poste de premier ministre et dispose aussi d'une bonne partie du pouvoir local...dans un pays qui est passé au travers de la crise économique en 2010 (pas de récession en Pologne) cela conforte ce pouvoir de centre droit libéral en place qui a gagné récemment sa 6eme ou 7eme élection d'affilée, et dont il ne faut rien attendre en matière idéologique (ce parti est caractérisé par son vide profond d'idéologie à mon sens...). La presse française se trompe d'ailleurs profondément quand elle qualifie PO de parti de centre gauche...ce qui supposerait tout de même un semblant de social démocratisme réformiste qui n'est pas présent dans ce parti.

En conclusion, j'ai eu le sentiment global qu'un grand évènement historique (la crise financière et écologique mondiale) n'arrivait pas à accoucher d'un grand évènement politique...

même si les intentions de changement existent et devraient éviter que les partis politiques européens ne s'enferment dans les impasses des gouvernements de centre gauche molassons et donc dans les pièges d'une troisième voix en forme d'impasse (Cf Blair encore ou l'expérience de retour au pouvoir de Prodi en 2006 qui chute après 20 mois d'une gouvernance de centre gauche hésitante qui remet sur pied Berlusconi), nous demeurons dans le brouillard, comme Fabrice à la bataille de Waterloo, conscient qu'un grand évènement se déroulait autour de lui, mais trop désorienté par la fumée des canons pour discerner une réelle signification à la bataille en cours...

Autant dire que, dans la bataille en cours contre le capitalisme financier sauvage, et contre son allié objectif, le conservatisme de droite, nous n' avons certainement pas encore pris toute la mesure politique de l'évènement au niveau des partis politiques européens dans leur ensemble, bien que le PS ne soit pas le plus mal engagé de tous dans la réfléxion collective pour arriver à guerroyer et gagner la bataille pour l'emploi et pour la relance économique.

Amitiés socialistes

Boris Compagnon

jeudi 9 décembre 2010

Primaires législatives 7eme Circo. = Mon soutien à Pierre Yves et Pascale


Chers amis et camarades,



Un deuxième tour très serré s’annonce sur notre circonscription ce jeudi soir. Chaque voix comptera.

Je voterai pour l’équipe constituée par Pierre Yves et Pascale, alliage politique réussi entre capacités, compétences, et convictions profondes en socialisme.

Cet alliage solide sera la garantie de résister aux coups portés par une Droite toujours plus populiste et odieuse, et qui se montrera féroce pendant la future campagne politique des législatives ; Ce sera aussi le plus sur moyen de faire valoir largement nos idées et thématiques de gauche auprès des français de l’étranger.

- Pierre Yves a pu développer longuement tout au long de l’année 2010 des thèmes et interventions pertinentes sur le forum FFE, lors des débats organisés dans les sections et pendant tout le temps de la campagne :

Les sujets consulaires, les questions sociales, la coopération éducative et culturelle ou les problématiques environnementales, tous thèmes qui sont chers à nombre d’entre nous à la FFE, sont portés avec efficacité dans le projet de Pierre Yves qui saura donner l’écho nécessaire à nos revendications auprès des français de cette circonscription.

-Pascale est une militante de grande valeur, elle possède une capacité de travail rare qu’elle a mise aux services de tous dans le cadre de ses fonctions au Bureau Fédéral pendant plus de deux années où elle n’a pas ménagé sa peine ; Ces valeurs de travail et d’endurance seront un carburant politique utile pour voyager loin pendant la longue campagne des législatives qui s’annonce.

Militant de gauche depuis mes 20 ans, en 1993, je suis entré en politique dans une période de défaite consécutive à des législatives qui avaient tourné à la déroute pour notre parti : cette année là était une année noire pour le Parti et pour la gauche en général. Prêt de 20 ans plus tard nous sommes en capacité de faire changer la donne politique qui nous a éloigné des responsabilités depuis trop longtemps :

Je sais que l’année 2012, avec Pierre Yves, Pascale et l’équipe de militants qui animeront notre campagne des législatives, avec les autres candidates et candidats de notre parti à l’étranger, sera une année heureuse pour nous tous, car nous irons vers la victoire et assurerons à la gauche le gain de sièges de députés, sur notre circonscription et dans les autres circonscriptions qui sont toutes par principe gagnables dès lors que l’unité et les capacités de rassemblement joueront à plein autour des candidat(e)s et des équipes de militant(e)s qui les accompagneront.

Une victoire éclatante de la gauche en 2012 permettra à nos idées de s’imposer pour « faire changer l’ordre des choses » dans une société française de plus en plus inégalitaire, dans un monde toujours plus fracturé, pour une société française plus apaisée, réformée de manière juste, où les inégalités seront réduites et où la France saura assumer un destin international et européen pour retrouver sa voix écoutée et respectée dans le concert des nations mondiales.

Je sais que Pierre Yves sera immédiatement opérationnel pour assurer un travail de fond au sein du palais Bourbon auprès des autres camarades députés, son expérience de militant, sa force de travail et sa maitrise technique des dossiers y seront un précieux viatique pour aller de l’avant politiquement et faire gagner nos idées.

J’appelle donc à voter et faire voter Pierre Yves et Pascale ce jeudi en section, avec toute ma conviction.

La campagne de Pierre Yves a été intitulée, « l’avenir est à écrire » : je ne doute pas que nous l’écrirons tous ensemble avec lui dès ce jeudi.

Amitiés Socialistes

Boris Compagnon
Varsovie

Mélenchon, ce populiste qui nous est cher


Chers amis et camarades,


La sympathie que l’on peut ressentir pour Jean Luc Mélenchon, pour son positionnement politique et sa verve tribunicienne, ne doivent pas nous faire oublier que les 7 ou 8% dont le candidat Mélenchon est aujourd’hui crédité pourraient nous faire défaut lors de la présidentielle de 2012 et donc conduire à un deuxième tour sans candidat de gauche si la configuration de 2002 devaient se reproduire (Programme socialiste déliquescent, division de la gauche en de nombreuses candidatures, présence d’une extrême droite requinquée)

Bien sur, cette hypothèse politique ne doit pas nous conduire, à mon sens, à notre tour, à tomber à bras raccourci sur le Front de gauche, comme à vouloir rendre coup pour coup, même si le Front de gauche veut aujourd’hui clairement siphonner les voix du PS (il n’est qu’à aller sur les forums où s’expriment les militants FdG pour s’en persuader, nous sommes le nouvel ennemi de classe)…Inutile cependant de tendre l’autre joue également…

1/ D’abord le front de Gauche n’est pas l’ennemi, ni l’adversaire mais un partenaire naturel de travail et de lutte. Nous devons bel et bien essayer de trouver des revendications communes, et le Parti devrait s’’inspirer du langage direct, de la multiplication des réunions publiques de terrain, de la proximité politique de JL Mélenchon avec les classes populaires. Assumons donc notre proximité d’idées socialistes avec le FdG…

2/ En restant réaliste cependant, je crains fort que le front de gauche, à l’image du Mouvement des citoyens de Chevènement, ne soit en grande partie que le parti d’un seul homme, et que son avenir soit donc très conditionné à l’évolution personnelle de ce dernier. Ainsi, si JL Mélenchon devait accepter de siéger un jour dans un gouvernement socialiste, nul doute qu’une grande partie de ses fidèles refuseraient cette entrée (ou plutôt ce retour) dans le « Système »politique pourtant dénoncé avec force, et que le Front perdrait largement audience et électeurs. Rester à l’écart du système condamne aussi à toujours plus de radicalité au risque d’un destin à la NPA, érodé par ses incantations révolutionnaires sous forme d’un grand soir qui n’advient pas.

3/ Il nous faut aussi défendre la boutique : les socialistes ne me semblent pas, selon la critique mélenchonienne classique (c’est aussi celle de la Droite ne nous le cachons pas), « en manque de leaders et en manque d’idées » :
La convention de ce samedi prouve justement que c’est plutôt l’excès d’idées, et leur non priorisation, qui peut nous être reproché. L’aspect « catalogue » souvent évoqué pour qualifier nos projets (pas seulement celui sur l’égalité réelle), me semble le propre d’un parti qui se creuse la tête, fait de sa diversité de courants une diversité de propositions, propose et tente de construire mais manque de colonne vertébrale idéologique pour cimenter le tout : nous avons donc les matériaux pour construire la maison, mais les fondations ne sont pas solides, ou la charpente à du jeu…

Il faut dire que la bourrasque financière vient de durablement ébranler l’édifice tout entier : La crise a abouti à ce que Slavoj Zizek appelle la « Farce » après la tragédie : soit le renforcement des pouvoirs conservateurs en place et le renversement idéologique porté par la Droite d’une crise dont les Etats seraient à l’origine (on s’étrangle au passage…)

La critique des médias et en particulier de la télévision, portée par Jean Luc Mélenchon me semble en grande partie valide, bien que pas nouvelle : Bourdieu dans un de ses derniers ouvrages sur le pouvoir télévisuel, avait pu démontrer clairement les limites d’un système médiatique où la fonction critique est réduite, les informations non hiérarchisées, la culture de décodage de l’image des spectateurs absente…Le temps d’exposition télévisuel est par ailleurs une grande constante dans les pratiques culturelles des français, qui ne varient que peu sur le long terme…Passer 4 heures par jour en moyenne devant le robinet à image ne rend pas forcément plus éclairé…Quant à la vieille connivence entre journalistes et classe politique…elle semble aussi une constante indiscutable…
Les médias et les journalistes politiques ont une responsabilité importante dans l’excès de personnalisation du débat politique, sa mise en spectacle induite en conséquence :

Ils participent largement de la « présidentialisation des esprits et du jeu politique» dont Jean Luc Mélenchon est d’ailleurs lui aussi également responsable, puisque c’est cette formidable tribune offerte par la présidentielle à toutes les personnalités fortes qu’il occupe en ce moment avec une belle vigueur.
Cette présidentialisation est nuisible à la construction d’un programme d’idées qui prend du temps, et qui oblige, dès lors qu’on ne veut pas faire comme Moscovici et les droitiers du parti, c’est-à-dire rendre une copie technocratique écrite à trois ou quatre autour d’une table, ou rendre une copie certes brillante mais trop personnelle comme Arnaud Montebourg, à continuer à plancher en collectif avec l’aspect laborieux que cela induit…

Amitiés socialistes

Boris Compagnon


PS : Je vous transmets cette chronique de l’édition électronique du journal « Le Monde » du 8/12/10

Analyse
Le "mélenchonisme" et le bon usage du populisme


"Je suis le bruit et la fureur." Reprenant William Faulkner, Jean-Luc Mélenchon ne cache pas qu'il veut déranger. Depuis deux mois, le président du Parti de gauche (PG) attaque au lance-flammes le Parti socialiste, développe un discours radicalement antisystème et multiplie les piques contre les médias. Ses anciens camarades le taxent de populisme, l'assimilent même à l'extrême droite. Et pourtant ce nouveau ton, faisant vibrer les souvenirs de la fierté de la classe ouvrière et de ses luttes, attaquant l'"oligarchie" et ses "laquais", porté dans cette posture de tribun façon IIIe République, ça marche. Le "mélenchonisme" a trouvé son public.
Porté par son envie présidentielle, le député européen est parti en campagne. Un jour contre les "patrons hors de prix", le suivant à l'assaut de la "caste médiatico-politique", fulminant encore contre les socialistes "politiquement stériles"... c'est un vrai festival. On l'a vu partout sur les plateaux de télévision, entendu à presque tout ce que le PAF (paysage audiovisuel français) compte d'émissions importantes et aperçu dans tous les défilés contre la réforme des retraites. Il frappe, il cogne et tape souvent juste. Tout en répétant : "Populiste ? J'assume." "Mélenchon" est presque devenu une marque.
Ce profil dérangeant commence à payer. Dans le dernier sondage TNS-Sofres pour Le Nouvel Observateur du 25 novembre, il obtient entre 6 % et 7 %, selon le candidat socialiste en lice. Pour Paris Match, IFOP le donne entre 6 % et 7,5 %. Soit un score égal ou supérieur à celui d'Olivier Besancenot. La campagne n'a pas encore démarré, le candidat du Front de gauche - l'alliance entre le Parti communiste, le Parti de gauche et la Gauche unitaire - n'a même pas été désigné. Mais on sent poindre un réel engouement à la gauche de la gauche.
Le député attire un public nouveau dans ses meetings. Le blog qu'il anime est l'un des plus visités dans la blogosphère radicale. Son livre, Qu'ils s'en aillent tous ! (Flammarion, 142 p., 10 euros), est devenu un best-seller politique. Et son passage à l'émission "Vivement dimanche" a attiré 3,7 millions de téléspectateurs, frôlant l'audience d'une Ségolène Royal. "C'est les petits miracles de la vie", se félicite l'ancien socialiste, qui préfère les "dialogues fracassants" parce que "le consensus c'est la mort".
Après le mouvement sur les retraites, la séquence politique semble propice aux discours radicaux assumés. Le PS prend son temps pour affiner son programme et se querelle sur ses primaires. Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), en perte de vitesse depuis un an, n'est plus le seul sur les créneaux de la gauche radicale. Et le PCF tente de donner le change avec André Chassaigne, mais il ne convainc pas.
"Le discours tranchant et singulier de Mélenchon sort des codes et sa voix dissonante est clairement identifiée", remarque Jérôme Fourquet, directeur de l'IFOP. "Son écho est lié au creux du PS, sans leadership fort ni projet crédible", renchérit Stéphane Rozes, président de Conseil analyses et perspective. M. Mélenchon profite du vide à gauche et séduit à la fois les militants en quête d'une alternative au PS et ceux qui veulent le réveiller, le jugeant trop mou.
Et puis, son refrain antimédias rencontre un écho certain. On savait que chez les militants la méfiance vis-à-vis de la presse écrite et audiovisuelle était prégnante. Depuis le référendum de mai 2005, sur le projet de traité constitutionnel européen, où la majorité des médias ont suivi, voire relayé le discours favorable au oui, la défiance est palpable. Avec la crise, elle s'est élargie à des franges moins politisées. "Sa critique des médias est bien fichue. Les attaques contre son populisme ont donné une image d'une corporation qui ne sait pas se remettre en cause", souligne Vincent Tiberj, chercheur au Centre d'études européennes de Sciences Po. M. Mélenchon avait prévenu dès la Fête de L'Humanité, à la mi-septembre : "Ça va secouer !" Il voulait élargir son public. Atteindre les abstentionnistes et ne pas laisser les couches populaires, revenues de tout, au Front national. Mais le président du PG joue gros.
A force d'accentuer les divisions à gauche, de taper comme un sourd sur ses anciens camarades, il s'est attiré des critiques parmi ses alliés. "On ne peut mener une campagne sur le populisme", a prévenu Pierre Laurent, numéro un du PCF. M. Mélenchon risque de brouiller son image alors que l'aspiration à battre la droite est très forte dans l'électorat de gauche. Pour durer, il va falloir sortir d'un positionnement tourné contre le PS, parler à toute la gauche. Et convaincre que, avec lui, le Front de gauche a des solutions.
L'aspirant candidat semble l'avoir entendu. En marge du congrès de son parti le 19 novembre, il a remisé son slogan "Qu'ils s'en aillent tous !", préférant un "je ne suis pas avec le peuple, je suis du peuple". Sa cible au PS s'est recentrée sur le seul Dominique Strauss-Kahn, "bête noire" de la gauche radicale. Mais il prévient : "La violence des réactions me prouve que j'ai tapé juste. Ma manière d'être n'a pas fini de vous dérouter." Pour l'instant, ça marche. Mais il ne devrait pas oublier que le roman de Faulkner se termine mal.
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jeudi 2 décembre 2010

En direct de Varsovie : compte rendu subjectif du conseil PSE

Chers amis,

le conseil PSE a commencé ce matin. Il se déroule dans une atmosphère particulière, la neige tombant abondamment sur la capitale polonaise, certains leaders ou délégations ont du renoncer à leur voyage.

Pour la délégation française, Henri Weber, Catherine Trautman, ou Pouria Amirshahi sont bien présents. Martine Aubry n'a pas fait le déplacement.

Ce matin nous avons eu droit aux inévitables discours d'ouverture :

Les plus remarqués ont été ceux de Martin Schultz, président du groupe au Parlement et de Poul Rasmussen ;

Martin Schulz se montre égal à lui même, révolutionnaire de tribune, il a surement eu les mots les plus durs pour regretter que les leaders sociaux démocrates ne soient pas suffisamment présents à ce conseil, appelant à plus d'offensive et d'unité, stigmatisant le système financier et ses dérives : quel dommage que sa pratique du compromis parlementaire à Bruxelles le rende si peu crédible...Comme le disait avec ironie un de nos camarades de la FFE, c'est bien là le Guy Mollet allemand.

Poul Rasumussen a eu un discours plus équilibré, moins enflammé, mais avec plus de sincérité : il a par exemple martellé l'idée de la responsabilité de la finance dans le déclenchement de la crise, indiquant que la tendance actuelle au renversement fallacieux des responsabilités devait être dénoncée : Aujourd'hui, le discours politique dominant voudrait faire des Etats, désormais endettés, les responsables du déclenchement de la crise...

La crise est bel et bien en train d'aboutir au resserement du champ d'action public, fruit des restrictions budgétaires, tout comme au réveil des populismes : Poul a stigmatisé le racisme ou la xénophobie de certains gouvernements européens de droite actuels ou de leurs alliés parlementaires : l'Italie avec la Ligue du Nord, la Roumanie de Basescu, certains partis flamands de Belgique, et la France...bien que sur ce point Poul ait préféré cité le front national plutôt que Sarkozy (différence de degré ou de nature dans la xénophobie ?)...

Rasmusen a indiqué que les périls pour l'Europe étaient bien réels face aux extrèmismes, et que le "retour en arrière" est toujours possible, alors qu'on croyait le temps des périls pour l'Europe révolu depuis la guerre et l'installation de la paix durable en Europe.

Avoir plus de gouvernements sociaux démocrates est la condition d'un changement de politique européenne à Bruxelles, le programme du PSE étant désormais clair (manifesto) et formant une bonne plateforme de revendications : la taxe financière est la mesure phare de ce programme et le PSE continue à en faire abondamment la promotion.

En coulisse, les camarades permanents au PSE à Bruxelles ont décrit un Poul Rasmussen ayant retrouvé de l'énergie depuis une année, ayant multiplié les déplacements et les rencontres, après une année 2009 où la défaite aux européennes l'avait affecté.

Par contre, nul ne sait aujourd'hui s'il souhaitera être en lice en cas de primaires organisées au niveau des partis du PSE pour la désignation d'un candidat commun pour la présidence de la commission :

La grande affaire de ce conseil est d'arriver à voter le principe de primaires au niveau du PSE et de mettre en place un groupe de travail dès la fin du conseil pour en préciser les contours.

Visiblement tous les partis européens ne sont pas d'accord sur le principe et le contenu des primaires...Le suspense sur ce point est donc entier...

Amitiés socialistes

BorisCompagnon

Willy Brandt intime




Hier sur Arte a été diffusé le documentaire "les deux vies de Willy Brandt", insistant sur la personnalité extrêmement secrète de cet homme politique allemand, le premier chancelier à diriger un gouvernement Social démocrate en Allemagnedepuis la guerre (1969-1974).

Son parcours personnel est celui d'un être solitaire, à l'enfance douloureuse, s’étant construit dans une forme de lutte contre l’adversité permanente...un homme aussi dont l'engagement social-démocrate a commencé très tôt avec son adhésion chez les jeunesses ouvrières socialistes. Willy Brandt est un pseudonyme, adopté quand, résistant, il avait dû quitter l'Allemagne nazie, cet homme traqué ayant eu à s'inventer "une nouvelle identité" pour fuir à la fois les soldats nazis et également son enfance tourmentée. Son parcours a inspiré nombre de ses grands choix de politique intérieure et internationale.

L’ostpolitik a vraiment débuté avec la génuflexion de Varsovie le 7 décembre 1970, le jour où Brandt s’est agenouillé devant le monument aux morts du ghetto, donnant là un signal symbolique fort d’une Allemagne prête à regarder son passé en face, et tendant la main aux pays de l’Est, agissant ainsi pour l'unité de l'Europe. Cette politique internationale lui permis d'avoir le prix Nobel de la paix en 1971.

le documentaire montre aussi comme Brejnev et les soviétiques ont agi, y compris en mandatant des espions en Allemagne de l’Ouest, pour soutenir Brandt dans chacune des crises politiques qu’il a enduré.

Sa démission du poste de Chancelier en 1974, liée à la révélation qu’un de ses plus proches collaborateurs était un espion est allemand, révèle à la fois tout le sens de l’honneur de cet homme, mais aussi la complexité de son rapport avec la réalité :

En démissionnant, Brandt évitait que ses « secrets » privés soient révélés sur la place publique, préférant donc renoncer au pouvoir alors que son action gouvernementale était appréciée, plutôt que d’être confronté à sa part d’ombre.

Ses dernières paroles sur son lit de mort furent pour déshériter ses enfants…comme si la solitude de son destin devait définitivement être scellée aux portes de la mort

Amitiés

Boris Compagnon

lundi 29 novembre 2010

réponse politique à un camarade appelant au boycott du texte égaltié réelle


Chers amis et camarades,

Pour répondre à Joseph Kuzli qui attend un « discours acceptable » du PS sur 3 questions de fond : l’écologie, le remboursement de la dette et le financement de nos propositions, je rappellerais simplement les éléments suivants :

- Les éléments sur « la croissance verte » sont à retrouver dans le texte de la convention « nouveau modèle de développement » : partie 2 C/ intitulée « produire différemment pour répondre au défi écologique ». Ce texte a été adopté par le PS au printemps dernier et constitue donc déjà notre feuille de route sur ces questions.


- La position du PS sur le remboursement de la dette ou sur les financements consiste à mettre l’accent sur la réforme fiscale, et donc sur la partie recette du budget de l’Etat, qui a été dépouillée par les cadeaux fiscaux de la droite de gouvernement (bouclier fiscal, niches fiscales) et le sera encore davantage avec l’annonce de la suppression de l’ISF par Nicolas Sarkozy : le texte nouveau modèle de développement évoque également ces éléments dans la partie 3/ A/ une révolution fiscale et notamment, par la promotion d’un « grand impôt citoyen ».

Le texte égalité réelle n’a pas vocation à revenir sur des éléments déjà adoptés en avril et mai dernier. La méthodologie de travail du PS a été de prévoir un calendrier de travail pour 2010 avec 3 conventions thématiques de fond, et une plus formelle sur la rénovation, afin de partager le travail et les efforts de notre parti sur toute une année. Je rappelle également que la motion « un monde d’avance (motion C) avait appelé à voter le texte de la convention « nouveau modèle » présidée par Pierre Moscovici.



Commentaire politique général :

Nous devons prendre garde à ne pas promouvoir collectivement le stéréotype inventé par la droite d’une gauche imprévoyante et dépensière, ce qui est particulièrement faux au regard de nos expériences de gouvernement passées : il suffit de rappeler le bilan budgétaire des années de gouvernement Jospin qui était plus qu’honorable malgré une tendance à la privatisation des entreprises d’Etat plutôt surprenante, ou se remémorer notre conversion en 1983 à la « rigueur » (sic) autre nom du réalisme économique et budgétaire, pour penser que ce débat sur la « mauvaise gestion » du PS aux affaires appartient à un passé révolu.

Je crois que nous n’avons aucun intérêt politique à agiter le foulard rouge de la mauvaise gestion ou de l’imprévoyance dans et au dehors du PS. C’est faire le jeu de la Droite tout simplement.

Par ailleurs, je ne crois pas que la situation économique générale de la France et de l’Europe appelle un nouveau tour de vis supplémentaire et toujours plus de malthusianisme budgétaire. Il nous faut assumer un nouveau keynésianisme de relance, ce qui ne signifie pas non plus creuser la dette dès lors que l’on fera rentrer plus de recettes fiscales. Il n’y a pas céder au chant des sirènes libérales qui font peur aux français en parlant de la dette pour mieux limiter le champ d’action public par la RGPP et son cortège de coupes budgétaires.

Conclusion par rapport au vote du deux décembre :

Je ne doute pas que les membres de la section de Suisse du PS soient soucieux, comme nous le sommes à Varsovie, que le programme des socialistes qui sera adopté en 2011 soit à la fois audacieux en terme de recherche de plus de justice et d’égalité, et réaliste en terme de financement.

Laissons nous donc le temps de terminer l’exercice des conventions en 2010 avant d’appeler au boycott ou de crier au loup. Ne soyons pas nous-mêmes prophètes du malheur que la Droite nous souhaite allègrement en 2012.

Le texte convention égalité réelle est un bon texte. Si certaines des parties du texte sont perfectibles, c’est par l’exercice des amendements que nous enrichirons le texte et non par d’illusoires boycott.

Une vingtaine d’amendements ont été produits par différentes sections de la fédération. C’est ce travail responsable et réaliste d’enrichissement et de correction du texte qui me semble le plus à même de donner du sens à notre engagement militant en nous faisant entendre du National.

J’appelle donc mes camarades de la fédération à voter pour les amendements fédéraux ainsi que pour le texte « égalité réelle ».

Amitiés socialistes

Boris Compagnon

mercredi 10 novembre 2010

La réponse d'un camarade sur la question Turque

Cher Boris et chers camarades,

Je suis également favorable à une entrée de la Turquie dans l'Union. Le débat élargissement versus approfondissement a déjà eu lieu, et il a été tranché. L'Union a été élargie avant d'avoir approfondi ses dimensions politiques et démocratiques. Sincèrement, je ne sais pas si ce choix aurait été le mien, mais il se défend. L'intégration de nouveaux États dans une Europe politique plus profonde aurait certainement été bien délicate et aurait soulevé bien des problèmes.

Il faut regarder en face le caractère politique et volontaire de la construction européenne, ce qui permet de désamorcer la question de savoir si la Turquie est européenne ou non. C'est une question qui n'a pas de réponse, et c'est une question dangereuse, car elle conduit à penser l'Europe comme l'émanation d'une essence, d'une nature quelconque. La Turquie est européenne si nous le voulons. Les constructions politiques n'ont pas pour vocation de s'appuyer sur la tectonique des plaques.

Mais je ne crois pas que la Turquie kémaliste soit un atout pour l'Europe, et pour le progressisme en Europe. Si c'est la troisième république qui revient par l'Anatolie, non merci. Un des chantiers de la gauche est je crois de se débarrasser du jacobinisme qui paralyse beaucoup l'imagination politique en France. Y compris à gauche, et peut-être même surtout à gauche, dés que l'on parle d'autonomie, de subsidiarité, de droit à l'expérimentation, on se fait taxer de nationalisme. Il existe un nationalisme français hérité de la troisième qui se diffuse encore à gauche aujourd'hui. C'est un nationalisme intégrateur et non-ethniciste, sans doute, mais un nationalisme tout de même.

Par ailleurs les kémalistes sont très loin d'être europhiles, et probalement l'AKP est bien plus motivé pour faire rentrer la Turquie dans l'Union. Comme ressource pour faire progresser la gauche en Europe, et comme partenaire potentiel de gouvernement, on a vu mieux qu'un parti au mieux eurosceptique, au pire europhobe. Deniz Baykal, son président pendant 20 ans, juqu'à il y a quelques mois encore, a clairement tenu des propos anti-adhésion. Et cela se comprend dans le cadre que défend le parti, héritier du nationalisme kémaliste.

Le problème de la Turquie n'est pas de faire son aggiornamento laïque. La Turquie est laïque, profondément et probablement plus que bien des États d'Europe de l'est. Il faut se garder je crois de se jeter dans les bras "laïcards" et nationalistes du CHP parce que nous avons l'impression qu'il y a un danger islamiste et religieux en Turquie. Je ne le crois pas, et rien ne l'indique.

La Turquie est, certainement, une démocratie qui fonctionne de mieux en mieux. Nous n'avons pas de leçon à lui donner, mais pour qu'elle continue sur cette voie, elle doit poursuivre le détachement des institutions politiques et judiciaires de l'armée. Or le CHP n'a pas fait son aggiornamento sur cette question.

C'est certainement paradoxal vu d'ici, mais de l'AKP et du CHP, le parti qui mène la modernisation et la démocratisation du pays, ce n'est probablement pas le CHP.

On aimerait voir des forces progressistes modernes à l'œuvre en Turquie, des partis de gauche qui prônent la non-intervention de l'armée dans la vie politique, des partis qui mènent des combats plus nobles que les tentatives de dissolution de leurs adversaires. Il en existe certainement, et j'espère qu'à gauche les rapports de force vont changer, mais le système politique Turque favorise aussi l'inertie par la masse critique élevée que doit atteindre un parti pour commencer à être représenté dans les institutions.

Amitiés socialistes.

Thomas Favre-Bulle

dimanche 7 novembre 2010

Chat avec Benoit Hamon


Chers amis,

Benoit Hamon a participé jeudi dernier au chat "agir pour l'égalité réelle"

vous pourrez retrouver ses réponses et les questions des internautes sous ce lien "http://www.parti-socialiste.fr/chat/agir-pour-l-egalite-des-conditions/

Voici sa réponse au sujet du "précariat européen" et sur la remise en cause du statut de salarié au niveau européen, sur lequel je l'avais interrogé.

Bonne lecture

Boris

"Cher Benoit,
Secrétaire de section à Varsovie, je constate en Europe centrale une multiplication des contrats "d'auto-entrepreneurs" qui viennent en substitution des contrats de salariés, y compris sur des secteurs économiques qui ne sont pas soumis aux "variations d'activités". En Pologne, des professeurs sont embauchés comme prestataires, payés à la tache et à l'heure, sans congés payés et sans réelle protection sociale. En France, la création par Nicolas Sarkozy du statut d'auto-entrepreneur semble nous amener vers la même tendance de mise en cause du statut de salarié. Que propose le parti pour contrecarrer cette tendance générale d'un nouveau "précariat européen" ?"

Réponse Benoit Hamon "En Europe se développent depuis plusieurs années des statuts concurrents à celui de salarié qui visent ni plus ni moins à abattre les garanties collectives qui entouraient jusqu'ici le salariat.
La forme la plus emblématique de remise en cause de ces protections est ce que les Anglais ont baptisé l'opt-out, qui inaugure une nouvelle forme de contrat de travail dans laquelle le salarié à la signature de son contrat renonce formellement au droit que lui garantit la loi.
Ce nivellement par le bas des droits sociaux et des garanties collectives en Europe est la conséquence directe de la concurrence sociale dans le marché intérieur. Cette concurrence entre les systèmes sociaux exerce une pression néfaste à la baisse du coût du travail et au démantèlement des protections des salariés.
Le texte de la convention égalité n'élude pas cette question, et s'inscrit dans le sillage de la convention sur l'Europe présidée par Laurent Fabius qui milite pour l'harmonisation sociale et fiscale dans l'Union européenne".

vendredi 5 novembre 2010

Houellebecq , un prophète en lice pour le Goncourt ?


Chers amis,

l’aspect prophétique du dernier roman de Michel Houellebecq "la carte et le terrotoire" n'aura échappé à personne : Houellebecq nous livre le portrait d’une France muséifiée, qui n’aura pas pu délocaliser la seule industrie qui ne soit pas délocalisable hors de France : l’industrie touristique française d’un pays de carte postale « des petits villages, des chateaux et des abbayes », une nation définitivement vitrifiée dans le passé.

Il est arrivé la même chose à Paris depuis 30 ans si on lit « beautiful people" que je recommande, un livre sur Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld en forme de portrait général des "people", Paris étant d'après Alicia Drake, l'auteur du livre, déjà à son déclin dans les années 70 comme capitale créative.

La force romanesque de Houellebecq est de systématiser l’analyse du déclin créatif français et de la pousser à son paroxysme : c’est le seul écrivain à développer une analyse du monde et de la France, même si ce monde est désenchanté et que ce n’est pas le monde de gauche dont on rêve... qui peut prétendre comme lui porter en soit un univers romanesque aussi cohérent aujourd'hui dans notre paysage littéraire si excessivement nombriliste et maniériste ?

Après « extension du domaine de la lutte» et l'approche quasi sociologique sur les dégâts que provoque l’entreprise libérale déshumanisée sur ses employés, après « Les particules élémentaires» et les éclairs de génie sur les manipulations génétiques, après « Plateforme » et ses attentats terroristes d’un monde livré à la violence ordinaire, après « la possibilité d’une ile » et l’anticipation d’une humanité vivant sur le mode de la fusion des genres masculins féminins dans un monde post apocalyptique, je trouve que ce cher « mimi » a bien mérité son Goncourt, être prophète tous les 3 ou 4 ans dès qu’on publie un livre, cela doit être épuisant à la fin... Qu’on lui donne la force de continuer…...vers le Nobel de littérature...

On me répondra qu'il n'est pas gauche ? et alors ? nous parlons de littérature...Céline était un vieux collabo faisandé, cela ne l'a pas empêché d'écrire "le Voyage"...

En cadeau, une photo souvenir de ma rencontre avec ce cher Michel qui a toujours sur lui le même parka usé depuis environ 10 ans…

Amitiés

Boris

Pour une Turquie européenne




La réunion en Autriche de cinq partis extrémistes et populistes en ce début de mois de novembre pose plus que jamais la question de l’intégration de la Turquie au sein de l’UE. Le parti socialiste ne peut abandonner la question turque aux seuls extrémistes qui jouent avec la xénophobie et la peur de l’islam pour tenter de transformer l’Europe en une citadelle d’égoïsmes nationaux et faire progresser l’intolérance.

Il semble plus que jamais nécessaire de mettre l’accent sur les raisons politiques pouvant justifier une entrée de la Turquie dans l’Europe, qui serait envisagée à terme et sous conditions :

Si une entrée de la Turquie dans l’UE aujourd’hui ne semble pas envisageable à une majorité de citoyens européens, il est nécessaire de militer politiquement à l’échelle des différents partis sociaux démocrates d’Europe pour unir à terme notre destin avec ce pays, sous conditions politiques de changement : Les efforts que nous demandons à la Turquie pour changer et aller vers plus de transparence, de démocratie et de respect du droit des minorités, nous devons nous les imposer aussi à nous même, en changeant de regard politique collectivement : en cessant de traiter la Turquie en cas particulier, en cessant la valse hésitation que l’on impose aux turcs depuis trop longtemps, et en abandonnant toute vision irrationnelle liée à la peur de l’islam.

Une Turquie dans l’UE = une Turquie plus démocratique :

Une entrée de la Turquie dans l’Europe provoquerait des changements politiques importants, dès lors que les conditionnalités dites de Copenhague, qui obligent tout nouvel entrant à favoriser la mise en place d’ « institutions stables garantissant l'état de droit, la démocratie, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection » joueraient à plein : ne doutons pas d’ailleurs du chemin parcouru depuis la signature des accords d’association avec la Turquie en 1963, la Turquie d’aujourd’hui est certainement beaucoup plus européenne qu’elle ne l’était jadis, et si les atteintes aux droits de l’homme y continuent, il semble cependant que les progrès vers un rapprochement des « standards politiques européens » soit en cours. l’UE doit donc se montrer résolument interventionniste et volontariste dans l’application de « l’acquis communautaire démocratique » aux nouveaux entrants. Il ne semble pas que la Serbie soit en ce sens dans une situation démocratique pire que celle de la Turquie aujourd’hui. L’entrée de la Serbie dans l’UE à terme ne semble pas constituer un obstacle insurmontable, envisager dans quelques années une adhésion turque ne doit pas constituer davantage un « Everest diplomatique ».

Une Turquie au « kémalisme mis à jour » dans l’UE = une UE renforcée dans sa dimension laïque

Les atermoiements du CHP (parti social démocrate turc) sur la question du voile, ne semblent pas si différents des atermoiements de la classe politique française à ce sujet, et la ligne de partage entre les partisans d’un renforcement d’une laïcité militante, et les tenants d’un respect d’une société « multiculturelle », le voile étant un signe d’appartenance autant culturel que cultuel à l’islam comme religion et culture, dépassent ainsi largement le traditionnel clivage droite/gauche. Si le kémalisme peut se définir comme un « laïcisme combattant », assis sur le pouvoir fort de l’armée comme gardien de l’unité nationale et de la tradition laïque, gardons nous bien d’y voir un particularisme turc dans une Europe qui accueille déjà en son sein une tradition laïque profonde. Mustapha Kemal ne prenait il pas en son temps la France de la 3eme République comme son modèle laïc de référence ? Un « Kémalisme désarmé », avec une armée qui rentrerait dans le rang et normaliserait ses rapports avec l’Etat et avec la société civile turque, serait tout à fait européo-compatible. Si l’héritage laïc en Europe coexiste avec l’héritage des religions chrétiennes ou juives aujourd’hui, on ne voit pas ce qui empêcherait une Turquie ayant réussi son aggiornamento laïc à prendre toute sa place dans notre communauté européenne.

Pour un islam modéré dans l’UE : la voie turque, un laboratoire ?

Avec la Turquie, rentre toujours une part d’irrationnel autour de la question de l’islam.

Irrationnel car les partis extrêmes, réunis hier en Autriche et demandant un référendum pour interdire l’entrée de la Turquie dans l’Europe, jouent évidemment sur la peur de l’autre, jouent de la confusion entre islam et islamisme et militent activement pour une Europe fermée aux « envahisseurs turcs » réveillant par là la vieille peur d’un empire ottoman conquérant et dévastateur.

Pourtant la tradition de l’islam est présente dans de nombreux pays européens depuis plusieurs siècles : qu’on songe ici seulement à l’islam Andalous, à l’islam balkanique. L’islam composite porté par les populations ayant immigré en Europe pendant tout le 20ème siècle est présent désormais en Europe de façon très large à l’exception peut être de pays de l’est comme la Pologne, la république Tchèque ou les pays baltes qui n’ont pas eu recours à l’immigration économique issue du Maghreb et ne possèdent pas de liens historiques particuliers avec l’Islam. Il reste cependant une majorité de pays parmi les 27 qui accueillent de large communauté de citoyens pratiquant l’islam comme religion, parfois depuis plusieurs siècles déjà.

La Turquie d’aujourd’hui est un vrai laboratoire de la coexistence entre une tradition laïque forte, et une tradition islamique profonde. Qu’on le veuille ou non, l’Europe devra donner à l’islam européen sa juste place et faire tomber les tabous autour de cette religion qui est celle de millions de citoyens européens. La voie turque doit donc être observée de prêt et si l’AKP aujourd’hui semble encore très partagé entre islamistes revanchards et tenants d’un islam assagi et modéré, ne doutons pas que la laicisation de la société turque soit à l’œuvre en profondeur/

Si l’écrivain nobélisé Orhan Pamuk a pu souffrir en 2005 d’une campagne politique délétère dans son pays, liée à la liberté de ses propos sur la question arménienne notamment, et à sa critique générale de la classe politique du pays et de l’armée (Cf « Neige » comme métaphore romanesque du rôle oppressif de l’armée sur la société civile ), ne doutons pas que les turcs qui, comme lui, souhaitent voir une normalisation démocratique aboutir et une entrée dans l’UE rendue possible à terme, formeront bientôt une majorité politique importante.

La Turquie peut jouer dans les années à venir ce rôle de « pont entre deux rives » dont parle Orhan Pamuk, afin de nourrir le dialogue des civilisations entre l’Europe et l’Asie et susciter la coexistence pacifique et la bonne entente mutuelle entre les peuples. La Turquie occuperait certes une place particulière dans l’UE par sa géographie, mais si certains ont pu rêver d’une Europe s’étendant de l’Atlantique à l’Oural, étendre le rêve vers le Mont Ararat ne semble pas si insensé. Pour faire taire au passage les extrémistes de tout bord.

Amitiés socialistes

Boris Compagnon



« J'ai passé ma vie à Istanbul, sur la rive européenne, dans les maisons donnant sur l'autre rive, l'Asie. Demeurer auprès de l'eau, en regardant la rive d'en face, l'autre continent, me rappelait sans cesse ma place dans le monde, et c'était bien. Et puis un jour, ils ont construit un pont qui joignait les deux rives du Bosphore. Lorsque je suis monté sur ce pont et que j'ai regardé le paysage, j'ai compris que c'était encore mieux, encore plus beau de voir les deux rives en même temps. J'ai saisi que le mieux était d'être un pont entre deux rives. S'adresser aux deux rives sans appartenir totalement à l'une ni à l'autre dévoilait le plus beau des paysages. » Orhan Pamuk

mercredi 27 octobre 2010

Georges Frêche, le dernier des mohicans territoriaux ?


Chers amis,
>
> George Frêche est décédé en fin de journée d'une crise cardiaque.
>
> La première émotion qui me vient à cette heure, est de penser à l'élu du Languedoc, que le Gardois de naissance que je suis, a toujours regardé comme une personnalité politique particulièrement forte et paradoxale :
>
> Homme de grande culture, spécialiste du droit Romain, George Frêche avait mené pendant ses études de droit à Paris le combat anticolonialiste, au moment où la guerre d'Algérie divisait les français, il faisait volontiers le coup de poing contre les étudiants des corpos de droit qui comptaient en leurs seins des sympathisants de l'OAS. Il se rangeait volontiers alors aux côtés des défenseurs du droit des algériens à disposer de leur destin.
>
> Le paradoxe politique est venu d'un parcours qui a fait de cet amoureux de la liberté, de ce défenseur de la dignité des peuples, un symbole de nombre de déviances des "barons territoriaux" qui basent leurs excessives longévités politiques sur la concentration des pouvoirs et les petites ou grandes atteintes aux principes de la démocratie locale.
>
> Devenu Maire de Montpellier en 1977, Georges Frêche n'a plus laché le pouvoir jusqu'à ce jour, où il est "mort en fonction" près de 33 ans après sa première élection réussie à la tête de la ville, puis au conseil régional du Languedoc.
>
> J'ai une pensée pour les languedociens qui affectionnaient le côté anti-conformiste fort en gueule et en tempérament de leur élu.
>
> J'ai aussi une pensée pour les personnes qui ont pu, pendant le vivant de Frêche, souffrir de ses foucades verbales, de ses sorties intempestives de toutes sortes, de ses liens incestueux avec les communautés pieds noires, ou de son communautarisme électoral assumé, qui lui faisait flatter les bas instincts électoraux en le faisant pratiquer un clientélisme non dissimulé et basé parfois sur l'intimidation pure et simple de ses adversaires, ou de celles et ceux qui tentaient de jouer la critique interne et qu'il avait tendance à museler ou faire taire.
>
> Je me rappelle encore de la polémique qui a enflammé notre forum FFE, voilà plusieurs mois déja, autour des propos de Frêche, puis de la seconde polémique ayant entouré son exclusion du PS. Je ne veux pas ce soir y revenir, étant de l'ancienne école qui laisse les morts reposer en paix.
>
> Je veux donc penser ce soir que nous avons perdu un homme qui a pu incarner la gauche dans le Sud de la France, une gauche hélas souvent perdue ou cynique.
>
> Si j'étais candide, je penserais qu'avec ce dernier des mohicans égotiste sudiste s'éteint aussi une conception datée du pouvoir, machiste et sans contre pouvoir.
>
> Mais j'ai trop fréquenté la classe politique dans le Sud, pour savoir malheureusement, que Georges Frêche n'est qu'un exemple des déviances d'un parti qui en garde d'autres en son sein. Et que s'il avait incarné à lui seul parfois les tares socialistes d'une fédération en perdition, il demeure ailleurs, d'autres Frêche moins médiatisés, mais tout aussi cyniques.
>
> Paix à ton âme George, gardons de ton souvenir le meilleur de tes instants politiques, et que tes pires moments nous servent de ligne rouge à ne pas franchir.
>
> Amitiés Socialistes
>
> Boris Compagnon
> Varsovie

vendredi 1 octobre 2010

Lutter contre le monstre doux : De la culture de masse aux populismes européens


Une convergence des populismes européens semble se dessiner sous nos yeux à l’occasion de la triste affaire de la stigmatisation des communautés Roms, et des parallèles troublants avec des évènements du passé font craindre que des temps sombres se préparent pour l’Europe.

Le débat sur la qualification historique des phénomènes de stigmatisation des Roms a enflammé les passions. Néo-fascisme, phénomène populiste, signe d’une République en danger, d’un Etat de droit en recul, d’une banalisation de la haine ordinaire, rappel du passé douloureux de l’Europe pendant la seconde guerre mondiale ? S’il faut certainement se garder de toute tentation anachronique et refuser les raccourcis historiques, il semble cependant que peu importe véritablement la qualification historique de ce qui se passe, quand tout le monde s’accorde à dire qu’il se passe quelque chose d’inquiétant politiquement…

Mais que se passe t il exactement ?

Aux sources de l’inquiétude : Les rapports dangereux entre Culture de masse et Populisme de masse :
Un ouvrage récent du linguiste italien Raffaele Simone, « le monstre doux », analyse les dérives populistes européennes comme un phénomène plus global lié à « l’air du temps », à l’apparition d’une « culture de masse », «d’un « paradigme culturel attirant et affable » dont « la survalorisation du fun, la recherche effrénée de consommation, la carnavalisation de la vie », « le processus continu de substitution du vrai par le faux, l’infantilisation générale », seraient les éléments saillants…l’attraction très large pour ce nouveau « despotisme culturel » exacerberait les impulsions égocentriques, le refus de trop penser, conduirait à une indifférence envers l’intérêt général, le bien collectif, les comportements vertueux…autant d’indices qui seraient le signe « d’une désorientation de l’homme de gauche » , provoquant une apathie généralisée, une absence de réaction sur la xénophobie ou la stigmatisation de l’autre…

Cette analyse rappelle les propos de Gilles Lipovestski qui écrit depuis 20 ans sur le recul des vertus publiques, l’exacerbation de la sphère privée et de l’individualisme lié à de nouveaux modes de consommation économiques et culturels…

La nouveauté du propos est de relier cette culture de masse triomphante aux populismes droitiers modernes…de considérer donc que la culture de masse, loin de seulement modifier les comportements individuels, trouve une traduction politique populiste.

Quand on regarde le profil personnel d’un Silvio Berlusconi, homme de la vulgarité télévisuelle incarnée, quand on s’intéresse aux préférences culturelles affichées par l’homme Nicolas Sarkozy, sa fascination pour Johnny Halliday, pour les vedettes de variété, ses réticences face à une œuvre littéraire comme « la princesse de Clèves », on se dit que la thèse du despotisme culturel peut surement trouver des incarnations possibles dans certains leaders politiques européens adeptes de la culture de masse…Comme si un populisme de masse ne pouvait fleurir que sur le terrain fertile d’une sorte de nouvel opium…

Mais le pessimisme foncier d’un Lipovetsky ou d’un Simone, qui peut faire écho à la traditionnelle critique marxiste de la Culture comme instrument de l’asservissement des masses, est à relativiser au regard des réactions des citoyens européens qui se mobilisent pour dire leur inquiétude et leur refus des stigmatisations ces derniers jours.

Un pessimisme culturel à relativiser, des indignations nécessaires aux actions politiques à mener pour faire reculer les stéréotypes :
La très large médiatisation des stigmatisations des Roms, à l’échelle française ou européenne, semble provoquer des réactions salutaires : d’abord des indignations légitimes venues de la gauche républicaine ou de la Commission européenne, réactions nécessaires mais pas suffisantes.

La gauche a toujours été « indignolatre » sans forcément être efficace sur les débouchés politiques naturels de cette indignation :

c’est tout l’échec politique de l’anti racisme en France face au Front National, qui n’a pas empêché le coup de tonnerre de 2002, avec la présence d’un candidat d’extrême droite au deuxième tour de l’élection présidentielle, malgré prêt de 20 ans de mobilisation sur le mode du « F comme Fasciste, N comme Nazi »…

La commission européenne, gardienne traditionnelle des traités, a gagné une dimension de gardienne européenne d’une forme de moralité publique…Mais au-delà de la crispation actuelle, comment agir efficacement, au-delà des indignations légitimes pour trouver des moyens d’actions politiques concrets et durables ?

Dans l’immédiat, En France, l’Eglise, la Cimade, des associations culturelles ou citoyennes agissent déjà sur le terrain, pour protéger les communautés de Roms dans l’hexagone. Mais l’on sait que la stigmatisation des Roms ne se limite pas à la frange occidentale de l’Europe, et que les pays d’Europe centrale ont souvent des relations complexes avec les minorités Roms présentes en Roumanie, en Hongrie ou en Slovaquie…

Le réseau des instituts culturels européens à l’étranger, organisé dans le réseau EUNIC (European Union National Institutes of Culture) présent à l’échelle européenne et internationale, aurait surement les moyens d’agir sur la défense des cultures minoritaires, aurait beaucoup à apporter dans l’interrogation des stéréotypes culturels autour des Roms, en brisant les représentations vieilles comme le monde de voleurs de poules et de maraudeurs, en restituant donc au nomadisme, sinon sa noblesse, au moins sa dignité.

La lutte contre le populisme peut donc également être une lutte culturelle, une lutte de fond et de longue haleine, sur les représentations culturelles et les stéréotypes…voilà un moyen de résister au « monstre doux »…c’est un combat difficile, de David contre Goliath, tant les industries culturelles aujourd’hui sont de véritables rouleaux compresseurs aux moyens d’actions gigantesques…tant la xénophobie trouve sa source dans la nuit des temps…

Mais malgré la difficulté de ce combat, nous devons certainement, comme Thomas d’Aquin, continuer à allumer les lumières de la raison dans la nuit des passions…Au risque que l’ombre gagne peu à peu…

Amitiés socialistes

Boris

Lutter contre les populismes - Vincent nous écrit

Cher Boris,



le "populisme" est une entité difficile à définir si l'on est sérieux et tellement agréable à utiliser comme anathème lorsque l'on ne l'est pas (sérieux) .Ou lorsque, en panne d'arguments, on jette cet anathème aux dirigeants que l'on n'apprécie pas, surtout de la presse bien pensante envers les "rebelles".

Il y a quelques années, à Paris si je me souviens bien, des intellectuels, sociologues, politologues s'étaient réunis pour tenter de le définir.

Leurs conclusions après de longues discussions étaient :

- il y a beaucoup moins de populisme que les medias n'en décrivent
- cette désignation est souvent une façon commode de raccourcir la description du phénomène, voire de cacher son incapacité à le décrire.

A ce sujet, les journalistes qui cèdent à cette tentation m'agacent régulièrement, et en général confirment dans la foulée leur légèreté
- une définition assez acceptée par ces intellectuels sus-cités était la volonté des populistes de mettre en avant des questions nationales de portée marginale sinon modeste, mais qui présentent l'intérêt de susciter un certain engouement populaire, tout en ayant par ailleurs la ferme intention de ne pas modifier l'essentiel. "Tout changer pour que rien ne change"

En ce sens, Berlusconi serait pour moi un conservateur typique, ultra-libéral, tout comme Sarkozy. Ce dernier a agité l'épouvantail de l'insécurité et des boucs émissaires, étrangers, mais son côté réactionnaire surpasse nettement celui de la manipulation temporaire. Ultra-libéral et réactionnaire lui-aussi plus que populiste.Tous 2 au service de la haute bourgeoisie. La droite décomplexée, pour laquelle le populisme est une fioriture.

Un modèle de populisme a été incarné par Péron, moderniste, pro-syndicats, laïc, mais dont le modèle était Mussolini. En même temps il emprisonnait les militants de gauche, soutenait la C.I.A. au ppoint de participer à des cours de contr-insurrection. Il a poussé le paradoxe jusqu'à écrire au Che en lui disant qu'au fond ils étaient toue 2 des rebelles... Son utilité sociale et historique a été de faire parvenir la bourgeoisie industrielle au pouvoir, au détriment de la bourgeoisie foncière, semi- féodale, liée au clergé.

En lisant le livre d'Howard Zinn "Histoire populaire des Etats-Unis depuis 1492", que je recommande, on peut être surpris de voir combien de fois de nombreux dirigeants états-uniens ont fait vibrer cette corde, parfois grossièrement.

Chavez, Morales ne sont évidemment pas populistes non plus , vus les changements de fond qu'ils ont provoqué dans leur pays respectif, que l'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette.Ils ont une étiquette "socialiste".

Evidemment, je ne te mets pas au même niveau que ces journalistes qui vulgarisent ce terme. Au contraire

Amicalement

Vincent

mercredi 29 septembre 2010

Resté à Quai - à propos du Quai de Ouistreham de F. Aubenas

Le livre de Florence Aubenas, décrit des situations révoltantes, celle du « précariat » et des fameux travailleurs pauvres, qui tout en possédant un emploi, généralement fragile et mal rémunéré, vivent une situation d’exclusion…

A ce propos, une lectrice du blog m'écrit...


"c’est un livre tragique qui décrit des hommes et des femmes qui se battent au quotidien pour quelques heures de travail pour pouvoir manger des boites de conserve.

C’est la France de Zola, qui sent la pluie, la boue, la sueur, la violence, l’humiliation, et l’espoir perdu.

Mais en Face, il y a aussi ces rires et plaisanteries d’ouvrières, ces volontés absolues de travailler, ces amitiés, ces pudeurs aussi.

Ce livre est une leçon de vie !

Une France d’aujourd’hui qui se heurte à nos peurs… peurs que cela nous touche également… comme si la précarité pouvait être une maladie, une contagion !

Je suis tout simplement effarée et effrayée de voir que nous vivons dans un même pays.

Il y a donc bien la France d’en Haut et celle d’en Bas ! Que d’inégalités !"

amitiés
Boris

vendredi 24 septembre 2010

l'Europe selon ma grand mère - à propos de la convention internationale et Européenne du Parti Socialiste


Chers amis,

Hier ma grand-mère fêtait ses 80 ans en Provence ; Je l’ai appelé pour lui dire toute mon affection…

Une conversation téléphonique s’est engagée, sur la vie, le temps qui passe, sur l’éloignement géographique de l’expatriation, et sur les témoignages d’amour que l’on se porte malgré la distance…

Soudain, alors que je ne m’y attendais pas, la conversation a pris un tour…politique…et européen :

Ma grand-mère sait que je réside le Week-end à Bruxelles et que je milite politiquement avec des camarades de l’Europe toute entière.

Elle m’a donc dit que « j’avais bien de la chance de connaître des gens « importants » à la Commission à Bruxelles ». Elle venait juste d’adresser, la mort dans l’âme, une demande de subvention pour « prime à l’arrachage » des deux hectares de vigne de Côtes du Rhône que nous possédons dans notre famille depuis un bon siècle, et qu’elle n’arrive plus à faire cultiver, faute d’exploitants, l’activité n’étant aujourd’hui plus du tout rentable…

Les « côtes du Rhône village » ont subi, comme d’autres vignobles moins protégés par des AOC de prestige, la concurrence frontale des vins du « nouveau monde » dans une économie mondiale dérégulée…

Ma grand-mère a ainsi pu exprimer dans notre conversation téléphonique une vision d’une grande sagesse politique, que je vous livre avec mes mots :

- l’Europe est perçue très largement comme une bureaucratie, puissante et lointaine.

- Son rôle principal, quasi unique pour ma grand-mère, semble être la délivrance de subventions, notamment dans le domaine agricole.

- L’Europe est une économie ouverte, peu protectrice pour les marchés européens.

A l’heure où nous allons bientôt discuter du texte sur la convention internationale et européenne en section, je défendrai auprès des camarades de la section de Varsovie et du Conseil fédéral, tout amendement capable de proposer une vision plus sociale, plus humaine et plus démocratique de l’Europe. Je dois bien cela à ma grand-mère…

Certes, le texte de la convention marque un retour de la gauche à ses fondamentaux européens : la nécessité d’une directive sur les services publics y est inscrite noir sur blanc. La notion de « juste échange », base d’un protectionnisme européen, y figure en toute lettre, et son application introduirait donc des écluses sociales et environnementales aux frontières de l’Europe sur les produits d’économies peu soucieuses des normes. Ce sont là les deux mesures fortes de ce texte.

Cependant, ce texte ne va pas assez loin. Il pose la question du « pourquoi » (pourquoi le monde ou l’Europe fonctionnent mal), pose la question du « que faire ? » (pour que l’Europe et le Monde fonctionnent plus justement) mais ne se pose pas suffisamment la question du « comment » (comment faire pour politiquement créer les conditions du changement) et du « avec qui » (provoquer le changement)…

La question du rapport de force social européen n’y est pas évoquée, on creuse assez peu la question de la complexité institutionnelle européenne qui rend illisible un système où le PSE et le PPE se partagent le pouvoir en co-gestion parlementaire quel que soit le résultat électoral sorti des urnes…On ne tranche pas non plus la question cruciale de l’élargissement et donc du centre politique et géographique de l’Europe, en évacuant « la question qui fâche » (entre ténors du PS), celle de la Turquie.

Tous à nos plumes, donc, pour écrire des amendements nombreux sur ces questions, pour aller plus loin vers une Europe sociale et plus humaine, et surtout pour ne plus avancer seuls et de manière isolée au niveau franco-français, sur ces questions…

Un PSE s’assumant pleinement à gauche dans un super programme « manifesto » rénové et beaucoup plus audacieux serait surement une première entrée possible pour répondre aux questions du « comment » et de l’« avec qui »…Désigner politiquement un candidat commun de la gauche européenne pour la présidence de la Commission, en engageant un processus de primaires au sein du PSE, serait également un bon élément de réponse politique. Assumer aussi un rôle d’opposition minoritaire et déterminé au sein du Parlement, ne plus siéger politiquement à la Commission quand on a perdu les élections européennes, serait surement une manière de rendre la vie politique européenne beaucoup plus lisible qu’aujourd’hui. Gouverner à gauche l’Europe quand nous redeviendrons majoritaires serait la garantie d’une réforme sociale des législations européennes appliquées dans nos 27 pays membres...introduire la mobilisation sociale au niveau des syndicats européens, coordonner nos journées d’action et nos revendications sur des problématiques aussi essentielles que les retraites, le salaire minimum européen, les législations du travail protectrice, serait aussi un gage de succès social possible.

Puisse ma grand-mère voir ces changements aboutir de son vivant…


Amitiés socialistes

Boris

dimanche 19 septembre 2010

Ils sont tombés par terre, c'est la faute à...





Une réponse à la sénatrice Claudine Lepage, qui a fait une intervention remarquable au Sénat sur le navrant amendement voté par la majorité de droite, de suspension des allocations familiales aux familles dont les enfants pratiquent l'absentéisme scolaire.

Chère Claudine,

merci réellement pour la transmission de ton intervention au Sénat qui rappelle très pédagogiquement certaines réalités sur l'absentéisme scolaire et le décrochage, sur les stratégies d'évitement des élèves en difficulté face à l'apprentissage, sur les absents cognitifs, pourtant présents en classe, mais fermés au savoir :

Sur ce dernier point, il n'est que se rappeler le dernier plan illustratif du film "entre lesmurs" où une jeune élève vient signifier au professeur de français incarné par François Begaudeau, qu'elle n'a rien appris en classe à l'issue de l'année écoulée. A la réponse du professeur incrédule :"mais tu as bien retenu quelque chose ?" l'élève répond, avec une gène palpable, mais sans détour : "non rien". Etre présent en classe, mais rien en retirer, voilà une image cinématographique symbole d'une école qui reste pour certains un système trop codé et ne permet pas un égal accès au savoir par tous.

Je milite à titre personnel pour une rénovation de la carte des disciplines scolaires pour une simplification qui fasse davantage sens aux yeux d'élèves déroutés par le "morcellement des savoirs", en particulier lors du crucial passage du primaire au collège lors de l'arrivée en sixième où s'expriment souvent lourdement les premiers décrochages majeurs (réforme pour une bidisciplinarité des enseignants autour de 4 ou 5 poles d'enseignements distincts)

En lisant ton intervention, on mesure aussi combien la réponse répressive du gouvernemement sur les questions éducatives est profondément navrante :

Pour avoir assisté en tant que membre d'une direction de collège de Banlieue dans le Val de Marne, à plusieurs "conseils de discipline", je peux témoigner personnellement du désarroi des familles convoquées aux côtés de leurs enfants : l'équation absentéisme scolaire+ difficultés sociales dans les familles = difficultés d'apprentissage est malheureusement souvent la première étape du tristement fameux "décrochage scolaire" qui met des adolescents dans les rues, et les livre donc très jeune à l'échec d'une sortie de l'école sans diplome, et plus grave, sans apprentissage, sans clés de compréhension du monde et de la société, sans savoir pour s'y guider, sans compétence pour s'y insérer.

Il est évident que la "pénalisation des familles" par l'Etat ne sera qu'une stigmatisation sociale supplémentaire qui ne pourra que renforcer le sentiment des adolescents en décrochage de ne plus croire aux capacités de l'institution scolaire, de se défier d'une école pourtant là pour les aider à renouer avec un cursus scolaire apaisé.

"ils sont tombés par terre, ce n'était pas la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, pas même la faute à Rousseau" mais la faute aux inconséquences répressives en matière éducative, véritables "crimes contre la jeunesse" !

Amitiés associatives

Boris




Mme Claudine Lepage : M. Le ministre, les professionnels de l’éducation s’accordent à dire que l’élément déterminant dans la lutte contre l’absentéisme scolaire réside dans la relation avec le professeur. Logique empathique, tutorat, travail en réseau, suivi individuel…voilà ce qui fonctionne pour faire renouer un élève avec l’assiduité scolaire. Et non la stigmatisation et la culpabilisation par l’argent. Jamais vous ne restaurerez l’autorité de parents dépassés ou désemparés, par le biais de la suspension – suppression des allocations familiales. L’autorité parentale ne se monnaie pas. Ni le goût de l’école d’ailleurs ! Vous avez déjà dû faire marche arrière avec la fameuse cagnotte. Après la carotte, vous utilisez maintenant le bâton… qui est tout aussi inefficace ! Nous sommes totalement opposés à cette instrumentalisation de l’argent comme moteur d’une pseudo responsabilisation.
Votre dispositif répressif, qui ne vise que la seule présence en classe, ignore totalement ce qu’on appelle les « absents cognitifs ». La présence physique ne fait pas la présence aux apprentissages. Il ignore tout autant les stratégies d’évitement mises en œuvre par les élèves en souffrance à l’école : être présent physiquement dans l’établissement mais aller le plus souvent possible à l’infirmerie quand on a évidemment la chance de bénéficier de la présence d’une infirmière dans l’établissement. Or ces comportements appellent des interrogations essentielles pour qui veut vraiment lutter contre l’échec scolaire ? Comment redonner envie d’apprendre à des élèves qui ne comprennent pas le sens des apprentissages, le sens de ce qui leur est demandé en classe ? Pour lesquels la relation à la culture scolaire voire à la communauté scolaire même est problématique ?

Avec ces questions nous touchons au cœur de la problématique de l’absentéisme scolaire. Nous ne le réduirons pas si nous n’apportons pas un panel de réponses pragmatiques et diversifiées, centrées sur l’acte pédagogique et sur le suivi par la communauté éducative au sens large, des élèves qui ont le désamour de l’école. L’ennui à l’école, l’impression de ne pas pouvoir y trouver sa place, voilà le point de départ de l’absentéisme scolaire, auquel peut s’ajouter des difficultés familiales de tous ordres.

Vous allez nous répondre, Monsieur le Ministre, par votre nouveauté de la rentrée et une énième annonce : le « programme CLAIR ». Il s’inscrit dans la continuité des états généraux de la sécurité à l’école et a été présenté comme un outil de lutte contre la violence scolaire. Faut-il donc rappeler qu’il s’adresse aux élèves perturbateurs, et non pas aux décrocheurs ? Là encore vous êtes dans la stigmatisation.

Tout comme les internats de réussite, ou la nouvelle organisation des rythmes scolaires, ce programme ne s’adressera qu’à une infime portion d’élèves. Une politique d’expérimentations sur des publics ciblés et très limités ne fait pas une politique éducative d’égalité des chances. Elle accentue même les inégalités car c’est sur les moyens destinés à la masse des établissements extérieurs à toute expérimentation que sont pris ceux destinés aux « happy few ». Sans parler de l’assouplissement de la carte scolaire qui aboutit à la ghettoïsation des établissements les plus fragiles…

Quant à la prévention de l’échec scolaire, vous nous répondrez « plan de prévention de l’illettrisme ». M. Le Ministre, le meilleur plan de prévention de l’illettrisme, et surtout le plus efficace, c’est la préscolarisation à l’école maternelle, tout particulièrement pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire.

L’étendue et la diversité du vocabulaire d’un enfant sont la condition sine qua non d’une bonne entrée dans la lecture. L’école maternelle joue un rôle fondamental dans l’acquisition et la maîtrise de ce vocabulaire.

C’est là que doit se réduire l’écart entre des enfants qui entrent en maternelle avec un nombre de mots acquis déjà important, une maîtrise de la langue orale déjà conséquente et les autres. Après, c’est déjà trop tard.

M. le Ministre, vous faites fausse route. L’objectif de notre école républicaine doit être la réussite de tous. Un objectif de justice sociale, d’émancipation et de promotion collective, qui ne peut être atteint que par une politique éducative de réduction des inégalités ambitieuse. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons la suppression de l'article 2 de cette proposition de loi.

--CLAUDINE LEPAGE

Vichy hier, la République aujourd'hui - sur la qualification politique des dérives du gouvernement





A la suite de la publication de mon message sur les "forces et limites de l'indignation", un camarade de Washington, René, a indiqué que la responsabilité du gouvernement aujourd'hui dans l'évacuation des Roms, et plus importante que celle de Vichy dans la déportation des juifs, Vichy n'ayant pas eu de réelle indépendance souveraine face au diktat Allemand.

Ma réponse pose les limites des comparaisons historiques, et rappelle, que si la République aujourd'hui souffre des incartades du gouvernement, de son populisme, il ne saurait être question de qualifier de fasciste, ou de Vichyste, la politique gouvernementale actuelle, même si cette dernière fait reculer l'état de droit et les libertés publiques.


Cher René, Chers tous,

merci pour ta réaction et précision sur Vichy et la rafle du Vel d'Hiv.

Là encore l'encre historique n'est pas encore sec sur cette question. Le débat est encore souhaitable et possible, et je partage le rappel que tu exprimes, d'un Etat Vichyste ayant agi sous contrainte, mettant en oeuvre par volonté d'indépendance un antisémitisme d'exclusion, même si je crois que je mettrai des responsabilités beaucoup plus accablantes que tu ne le fais sur les épaules des responsables de l'Etat français, et notamment par exemple sur un Pierre Laval capable de distinguer entre les juifs français et les juifs étrangers, pour se "débarasser" clairement de ces derniers :

"Vichy par lacheté et par intérêt s'est rendu complice des Nazis, mais la volonté de tuer n'était pas présente à Vichy. Cela ne veut pas dire qu'il faut exonérer Vichy. Un quart des juifs doivent leur perte au régime de Vichy, et trois quart doivent leur vie à la population française" c''est la conclusion d'une conférence donnée par Serge Klarsfeld le 17 février 2010 à Varsovie.

Klarsfeld a pu préciser que les français se sont réveillés de leur léthargie au moment où l'on a touché aux femmes et aux enfants. Les protestations, les résistances de la population pour empécher les rafles se sont multipliées, ce qui a été déterminant car l'Etat vichyste a senti l'opinion publique vent debout contre les déportations et a du changer d'attitude.

J'en viens maintenant au parallèle avec la situation d'aujourd'hui : j'ai eu beaucoup d'échanges avec des camarades sur la question de la qualification de la politique actuelle du gouvernement, et plus largement, sur l'état de la République aujourd'hui en France :

Au risque de me répéter auprès des camarades qui m'ont déja entendu sur cette question, j'indique qu'il n'y a pas d'analogie possible avec le fascisme d'Etat pratiqué en Italie, avec la politique de l'Etat de Vichy agissant sous contrainte allemande et victime de "l'idéologie française" décrite en son temps par bernard Henri Lévy, et donc que la politique française actuelle ne saurait être qualifiée de fasciste, ce qui n'est à mon sens qu'un excès langagier, qu'elle n'a pas réellement de soubassement idéologique fort, et qu'elle est avant tout le signe d'un pouvoir aux accents populiste, qui par opportunisme électoral s'en prend aux "étrangers" en agitant le foulard rouge sécuritaire et qui n'hésite pas non plus, par absence de culture juridique, à faire reculer l'état de droit en piétinant certaines les libertés publiques :

Oui l'Etat de droit a subi de nombreux accrocs ces dernières années, et les libertés publiques me semblent en recul : liberté de la presse, avec une indépendance des journalistes qui subit les lois économiques de groupe de presse aux mains des puissants, liberté d'expression qui chancèle, quand on voit des citoyens inquiétés pour leurs propos quand ils sont relatifs au gouvernement et au président de la République, liberté d'aller et venir, qui est aujourd'hui au coeur de l'affaire des Roms ou les gens du voyage pris pour cible dans leur mode de vie nomade. Les gardes à vue se multiplient, la police est soumise à la loi du chiffre et de la rentabilité, la RGPP, révision des politiques publiques en forme de réduction générale de l'Etat, affaiblit bien des politiques sociales, éducatives et culturelles, sur le mode d'un Etat démissionnaire, un Etat qui n'assure plus que difficilement sa mission élémentaire de protection des plus faibles, de recherche de plus d'égalité pour tous, d'éducation à la citoyenneté.

La justice a été affaiblie également, et son indépendance n'est plus que très relative, tant les pouvoirs des magistrats du parquet ont été augmentés, tant les juges d'instruction ont été privés de la plupart de leurs compétences.

Le parlement est également plus que jamais victime du parlementarisme majoritaire et aux ordres, qui donne à la majorité en place le pouvoir de passer en force sur la plupart des textes de lois.

Tout ces éléments font que nous avons aujourd'hui, surement, une République française très largement affaiblie, un état de droit en recul, une France peu à peu marginalisée à l'échelon international ou européen.

Cependant, qu'on ne me fasse pas croire que nous serions revenus en 1940, et qu'un péril fasciste ou nazi nous menace. Les français ont appris de leur histoire sur les bancs de l'école, ils connaissent les malheurs inouis provoqués par Vichy, ils n'oublient pas aussi les crimes de la République qui, en Algérie, dans les" colonies françaises" a également fait verser le sang et n'a donc pas, elle non plus, les mains propres. Leur vigilance historique est réelle. Il n'y aura pas de retour vers ce passé honteux en France.

Si le pays légal ne correspond plus au pays réel en 2010, il sera temps, en 2012, et par notre vote, de remettre en phase ces deux France.

Et d'ici là, la mobilisation de tous, la mobilisation des esprits, la mobilisation dans la rue aux côtés des syndicats, la vigilance citoyenne au quotidien, nous permettront de nous faire entendre très largement d'un gouvernement qui ne saurait plus longtemps rester aveugle et sourd au malaise des français qui ne se retrouvent plus dans une politique actuelle contraire à nos valeurs républicaines...

la République glorieuse des Jaurès, Gambetta et Mendès, cette République qui nous honore, nous l'avons dans le coeur, et c'est notre plus grande liberté, celle qu'on ne pourra jamais nous ravir.

Amitiés socialistes

Boris


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Boris,



Globalement d’accord avec toi. Juste une petite précision toutefois : cette comparaison entre l’expulsion des Roms et les déportations en France sous l’Occupation est d’autant moins justifiée que d’une certaine façon (je dis bien « d’une certaine façon »), ce qui se passe est actuellement encore plus accablant pour nous. Car nous sommes ici en présence d’un Etat libre et souverain.

On oublie souvent de préciser que la fameuse rafle du Vel d’Hiv en 1942 a été voulue, décidée, et imposée par les Allemands à un Etat fantoche, dans un pays occupé. Les autorités de Vichy furent horrifiées quand les Allemands, sous la direction d’Heydrich, présentèrent leurs exigences. L’antisémitisme d’Etat sous Vichy était un antisémitisme d’exclusion de la communauté nationale, de discrimination, de stigmatisation. Mais en aucun cas il ne visait à déporter, et encore moins à exterminer les Juifs. Par ailleurs, le Gouvernement de Vichy refusa le port de l’étoile jaune pour les Juifs en zone libre (moins par conviction, il est vrai, que par crainte des réactions de l’opinion publique). Certes, parmi les antisémites français sous Vichy, il y avait quelques extrémistes, genre Darquier de Pellepoix ; mais la quasi totalité d’entre eux considéraient les Nazis comme des fous furieux et des malades mentaux.

Le drame du Vel d’Hiv, et de ce qui a suivi, est essentiellement lié à la politique de Collaboration, et non à l’antisémitisme d’Etat de Vichy. Les autorités vichystes, voyant qu’elles ne pouvaient pas éviter cette déportation, ont proposé de faire le travail à la place des Allemands car ils ne voulaient pas que ces derniers s’immiscent dans les affaires de police sur le territoire national. L’immense paradoxe de cette affaire, c’est que c’est la volonté d’indépendance de Vichy par rapport à l’occupant (totalement illusoire bien sûr) qui a amené à faire effectuer la rafle par la police française. C’est malheureux à dire, mais quelqu’un comme Bousquet pensait sincèrement servir son pays en agissant comme il l’a fait. D’où le drame affreux, dont d’ailleurs nous ne nous sommes toujours pas remis, 70 ans après.


René

mercredi 15 septembre 2010

forces et limites de l'indignation : à propos de la stigmatisation des Roms


Chers tous,

La Commission européenne a eu parfaitement raison de tancer sévèrement le gouvernement français au sujet de la circulaire administrative stigmatisant clairement les Roms.

DE LA FORCE DE L INDIGNATION

La force de l’indignation, à l’échelle européenne et hexagonale soulevée par cette malheureuse affaire aura permis aux citoyens européens et français de donner d’ailleurs une réalité morale à la Commission, gardienne des traités et donc pouvant faire appel au juge européen pour la bonne application de leurs principes, loin de l’image systématique d’une super bureaucratie uniquement productrice de normes techniques et obscures. Nous avons là une Europe qui prend ses responsabilités politiques et il faut s’en féliciter.

DES LIMITES DE l’INDIGNATION - ANACHRONIQUE

En revanche, en tant qu’historien de formation, je réfute tout raccourci historique en rapport avec la seconde guerre mondiale ; Je veux donc évoquer ici les limites de l’indignation quand elles aboutissent à l’anachronisme historique ou aux comparaisons erronées ou politiquement trop faciles : une expulsion de Roms, même stigmatisante et abusive, ne peut se comparer ni par nature ni par échelle à l’extermination programmée des Roms pendant la deuxième guerre mondiale.

La commissaire Viviane Reding a commis malheureusement une maladresse historique quand elle affirme « J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un Etat membre juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième guerre mondiale »


Si expulser des Roms sur la seule base de leur appartenance ethnique est un acte moralement et juridiquement inadmissible, politique honteux, ce n’est en rien un acte fasciste ou nazi, comme malheureusement la commissaire Reding peut le laisser supposer dans sa déclaration.

DE l’UTILISATION TROP SYSTEMATIQUE DU REGIME DE VICHY COMME REFERENCE HISTORIQUE UNIQUE

Par ailleurs, à mon sens, la comparaison avec le régime de Vichy ne doit pas constituer la borne unique de référence historique en France chaque fois que l’on s’indigne et recherche des parallèles historiques, comme on a un peu trop tendance à le faire sur certains forums politiques de gauche quand on évoque la stigmatisation des Roms :

La République française sous la 4eme et 5eme République a eu malheureusement beaucoup de chose à se reprocher en s’en prenant en fait ou en droit à des minorités « ethniques » : ainsi les algériens-musulmans sous le régime de l’Algérie française étaient considérés, en droit, comme des citoyens de deuxième ordre. En octobre 1961, la République n’a pas hésité à ordonner à son préfet Maurice Papon, de fait, de réprimer des manifestants pro-algériens dans le sang…On pourrait aussi donner des exemples de ce que la République française a pu faire de mal, dans les DOM-TOM contre les populations locales en matière de répression ou de stigmatisation de l’autre, d’infériorisation de certaines catégories de population…

La stigmatisation de minorités ethniques n’a donc pas subitement cessé après la seconde guerre mondiale par la seule grâce de la construction européenne et elle n’est donc pas, loin s’en faut, une spécialité française. La paix d’une Europe sans guerre, n’a jamais été synonyme parfait de paix des esprits et des cœurs, surtout quand le populisme s’en mêle

Jacques Julliard dans son livre « pour repartir du pied gauche » indique d’ailleurs qu’il n’y a plus de périls nazis ou fascistes dans nos sociétés, très largement éduquées et renseignées sur les horreurs de ces régimes pendant la seconde guerre mondiale, même si des groupes ou groupuscules nazis et facistes (la distinction est importante sur un plan historique) existent ça et là, mais sans possibilité réelle de prise de pouvoir.

UNE UTILISATION POPULISTE DE LA PEUR A STIGMATISER

Il y a par contre clairement une utilisation populiste de la peur de l’autre par certains pouvoirs politiques en Europe, par pur électoralisme opportuniste. En Italie le Berlusconisme nous en donne un aperçu régulier, tout comme certains partis Flamands séparatistes, ou des partis en Europe Centrale qui tels le PIS en Pologne ou certains partis de droite en Hongrie ou Roumanie, ont pu utiliser la peur de l’autre comme une arme politique, sans pouvoir forcément être classés à l’extrême droite de l’échiquier politique, mais en se rendant coupable de dérives par rapport aux principes républicains ou constitutionnels inscrits dans le marbre des lois nationales ou européennes de nos démocraties.

UN AVERTISSEMENT CITOYEN QUI FERA DATE

En conclusion, Il me semble que l’avertissement européen, l’indignation collective suscitée en Europe mais aussi en France bien au-delà du seul peuple de gauche, feront date dans notre histoire, à condition que l’indignation suscitée par cette affaire ne prenne pas la pente de l’anachronisme historique.

Au final, les français montreront à cette occasion qu’ils ne sont pas le peuple xénophobe qu’une caricature facile voudrait voir en eux, et qu’il reste encore beaucoup de Républicains prêts à promouvoir la patrie des droits de l’homme que nous chérissons tous, une terre de France fraternelle et accueillante qui est bien réelle.

Amitiés

Boris