mercredi 10 novembre 2010

La réponse d'un camarade sur la question Turque

Cher Boris et chers camarades,

Je suis également favorable à une entrée de la Turquie dans l'Union. Le débat élargissement versus approfondissement a déjà eu lieu, et il a été tranché. L'Union a été élargie avant d'avoir approfondi ses dimensions politiques et démocratiques. Sincèrement, je ne sais pas si ce choix aurait été le mien, mais il se défend. L'intégration de nouveaux États dans une Europe politique plus profonde aurait certainement été bien délicate et aurait soulevé bien des problèmes.

Il faut regarder en face le caractère politique et volontaire de la construction européenne, ce qui permet de désamorcer la question de savoir si la Turquie est européenne ou non. C'est une question qui n'a pas de réponse, et c'est une question dangereuse, car elle conduit à penser l'Europe comme l'émanation d'une essence, d'une nature quelconque. La Turquie est européenne si nous le voulons. Les constructions politiques n'ont pas pour vocation de s'appuyer sur la tectonique des plaques.

Mais je ne crois pas que la Turquie kémaliste soit un atout pour l'Europe, et pour le progressisme en Europe. Si c'est la troisième république qui revient par l'Anatolie, non merci. Un des chantiers de la gauche est je crois de se débarrasser du jacobinisme qui paralyse beaucoup l'imagination politique en France. Y compris à gauche, et peut-être même surtout à gauche, dés que l'on parle d'autonomie, de subsidiarité, de droit à l'expérimentation, on se fait taxer de nationalisme. Il existe un nationalisme français hérité de la troisième qui se diffuse encore à gauche aujourd'hui. C'est un nationalisme intégrateur et non-ethniciste, sans doute, mais un nationalisme tout de même.

Par ailleurs les kémalistes sont très loin d'être europhiles, et probalement l'AKP est bien plus motivé pour faire rentrer la Turquie dans l'Union. Comme ressource pour faire progresser la gauche en Europe, et comme partenaire potentiel de gouvernement, on a vu mieux qu'un parti au mieux eurosceptique, au pire europhobe. Deniz Baykal, son président pendant 20 ans, juqu'à il y a quelques mois encore, a clairement tenu des propos anti-adhésion. Et cela se comprend dans le cadre que défend le parti, héritier du nationalisme kémaliste.

Le problème de la Turquie n'est pas de faire son aggiornamento laïque. La Turquie est laïque, profondément et probablement plus que bien des États d'Europe de l'est. Il faut se garder je crois de se jeter dans les bras "laïcards" et nationalistes du CHP parce que nous avons l'impression qu'il y a un danger islamiste et religieux en Turquie. Je ne le crois pas, et rien ne l'indique.

La Turquie est, certainement, une démocratie qui fonctionne de mieux en mieux. Nous n'avons pas de leçon à lui donner, mais pour qu'elle continue sur cette voie, elle doit poursuivre le détachement des institutions politiques et judiciaires de l'armée. Or le CHP n'a pas fait son aggiornamento sur cette question.

C'est certainement paradoxal vu d'ici, mais de l'AKP et du CHP, le parti qui mène la modernisation et la démocratisation du pays, ce n'est probablement pas le CHP.

On aimerait voir des forces progressistes modernes à l'œuvre en Turquie, des partis de gauche qui prônent la non-intervention de l'armée dans la vie politique, des partis qui mènent des combats plus nobles que les tentatives de dissolution de leurs adversaires. Il en existe certainement, et j'espère qu'à gauche les rapports de force vont changer, mais le système politique Turque favorise aussi l'inertie par la masse critique élevée que doit atteindre un parti pour commencer à être représenté dans les institutions.

Amitiés socialistes.

Thomas Favre-Bulle

1 commentaire:

  1. Message à Boris...

    Merci pour ton commentaire sur le site UMA...
    Ca rappelle de bon souvenir

    je serai à Cracovie, le week-end prochain...

    Razzy HAMMADI

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