vendredi 5 novembre 2010

Pour une Turquie européenne




La réunion en Autriche de cinq partis extrémistes et populistes en ce début de mois de novembre pose plus que jamais la question de l’intégration de la Turquie au sein de l’UE. Le parti socialiste ne peut abandonner la question turque aux seuls extrémistes qui jouent avec la xénophobie et la peur de l’islam pour tenter de transformer l’Europe en une citadelle d’égoïsmes nationaux et faire progresser l’intolérance.

Il semble plus que jamais nécessaire de mettre l’accent sur les raisons politiques pouvant justifier une entrée de la Turquie dans l’Europe, qui serait envisagée à terme et sous conditions :

Si une entrée de la Turquie dans l’UE aujourd’hui ne semble pas envisageable à une majorité de citoyens européens, il est nécessaire de militer politiquement à l’échelle des différents partis sociaux démocrates d’Europe pour unir à terme notre destin avec ce pays, sous conditions politiques de changement : Les efforts que nous demandons à la Turquie pour changer et aller vers plus de transparence, de démocratie et de respect du droit des minorités, nous devons nous les imposer aussi à nous même, en changeant de regard politique collectivement : en cessant de traiter la Turquie en cas particulier, en cessant la valse hésitation que l’on impose aux turcs depuis trop longtemps, et en abandonnant toute vision irrationnelle liée à la peur de l’islam.

Une Turquie dans l’UE = une Turquie plus démocratique :

Une entrée de la Turquie dans l’Europe provoquerait des changements politiques importants, dès lors que les conditionnalités dites de Copenhague, qui obligent tout nouvel entrant à favoriser la mise en place d’ « institutions stables garantissant l'état de droit, la démocratie, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection » joueraient à plein : ne doutons pas d’ailleurs du chemin parcouru depuis la signature des accords d’association avec la Turquie en 1963, la Turquie d’aujourd’hui est certainement beaucoup plus européenne qu’elle ne l’était jadis, et si les atteintes aux droits de l’homme y continuent, il semble cependant que les progrès vers un rapprochement des « standards politiques européens » soit en cours. l’UE doit donc se montrer résolument interventionniste et volontariste dans l’application de « l’acquis communautaire démocratique » aux nouveaux entrants. Il ne semble pas que la Serbie soit en ce sens dans une situation démocratique pire que celle de la Turquie aujourd’hui. L’entrée de la Serbie dans l’UE à terme ne semble pas constituer un obstacle insurmontable, envisager dans quelques années une adhésion turque ne doit pas constituer davantage un « Everest diplomatique ».

Une Turquie au « kémalisme mis à jour » dans l’UE = une UE renforcée dans sa dimension laïque

Les atermoiements du CHP (parti social démocrate turc) sur la question du voile, ne semblent pas si différents des atermoiements de la classe politique française à ce sujet, et la ligne de partage entre les partisans d’un renforcement d’une laïcité militante, et les tenants d’un respect d’une société « multiculturelle », le voile étant un signe d’appartenance autant culturel que cultuel à l’islam comme religion et culture, dépassent ainsi largement le traditionnel clivage droite/gauche. Si le kémalisme peut se définir comme un « laïcisme combattant », assis sur le pouvoir fort de l’armée comme gardien de l’unité nationale et de la tradition laïque, gardons nous bien d’y voir un particularisme turc dans une Europe qui accueille déjà en son sein une tradition laïque profonde. Mustapha Kemal ne prenait il pas en son temps la France de la 3eme République comme son modèle laïc de référence ? Un « Kémalisme désarmé », avec une armée qui rentrerait dans le rang et normaliserait ses rapports avec l’Etat et avec la société civile turque, serait tout à fait européo-compatible. Si l’héritage laïc en Europe coexiste avec l’héritage des religions chrétiennes ou juives aujourd’hui, on ne voit pas ce qui empêcherait une Turquie ayant réussi son aggiornamento laïc à prendre toute sa place dans notre communauté européenne.

Pour un islam modéré dans l’UE : la voie turque, un laboratoire ?

Avec la Turquie, rentre toujours une part d’irrationnel autour de la question de l’islam.

Irrationnel car les partis extrêmes, réunis hier en Autriche et demandant un référendum pour interdire l’entrée de la Turquie dans l’Europe, jouent évidemment sur la peur de l’autre, jouent de la confusion entre islam et islamisme et militent activement pour une Europe fermée aux « envahisseurs turcs » réveillant par là la vieille peur d’un empire ottoman conquérant et dévastateur.

Pourtant la tradition de l’islam est présente dans de nombreux pays européens depuis plusieurs siècles : qu’on songe ici seulement à l’islam Andalous, à l’islam balkanique. L’islam composite porté par les populations ayant immigré en Europe pendant tout le 20ème siècle est présent désormais en Europe de façon très large à l’exception peut être de pays de l’est comme la Pologne, la république Tchèque ou les pays baltes qui n’ont pas eu recours à l’immigration économique issue du Maghreb et ne possèdent pas de liens historiques particuliers avec l’Islam. Il reste cependant une majorité de pays parmi les 27 qui accueillent de large communauté de citoyens pratiquant l’islam comme religion, parfois depuis plusieurs siècles déjà.

La Turquie d’aujourd’hui est un vrai laboratoire de la coexistence entre une tradition laïque forte, et une tradition islamique profonde. Qu’on le veuille ou non, l’Europe devra donner à l’islam européen sa juste place et faire tomber les tabous autour de cette religion qui est celle de millions de citoyens européens. La voie turque doit donc être observée de prêt et si l’AKP aujourd’hui semble encore très partagé entre islamistes revanchards et tenants d’un islam assagi et modéré, ne doutons pas que la laicisation de la société turque soit à l’œuvre en profondeur/

Si l’écrivain nobélisé Orhan Pamuk a pu souffrir en 2005 d’une campagne politique délétère dans son pays, liée à la liberté de ses propos sur la question arménienne notamment, et à sa critique générale de la classe politique du pays et de l’armée (Cf « Neige » comme métaphore romanesque du rôle oppressif de l’armée sur la société civile ), ne doutons pas que les turcs qui, comme lui, souhaitent voir une normalisation démocratique aboutir et une entrée dans l’UE rendue possible à terme, formeront bientôt une majorité politique importante.

La Turquie peut jouer dans les années à venir ce rôle de « pont entre deux rives » dont parle Orhan Pamuk, afin de nourrir le dialogue des civilisations entre l’Europe et l’Asie et susciter la coexistence pacifique et la bonne entente mutuelle entre les peuples. La Turquie occuperait certes une place particulière dans l’UE par sa géographie, mais si certains ont pu rêver d’une Europe s’étendant de l’Atlantique à l’Oural, étendre le rêve vers le Mont Ararat ne semble pas si insensé. Pour faire taire au passage les extrémistes de tout bord.

Amitiés socialistes

Boris Compagnon



« J'ai passé ma vie à Istanbul, sur la rive européenne, dans les maisons donnant sur l'autre rive, l'Asie. Demeurer auprès de l'eau, en regardant la rive d'en face, l'autre continent, me rappelait sans cesse ma place dans le monde, et c'était bien. Et puis un jour, ils ont construit un pont qui joignait les deux rives du Bosphore. Lorsque je suis monté sur ce pont et que j'ai regardé le paysage, j'ai compris que c'était encore mieux, encore plus beau de voir les deux rives en même temps. J'ai saisi que le mieux était d'être un pont entre deux rives. S'adresser aux deux rives sans appartenir totalement à l'une ni à l'autre dévoilait le plus beau des paysages. » Orhan Pamuk

4 commentaires:

  1. La Turquie n'a jamais fait partie de l'Europe sinon comme occupant. Au contraire pendant 5 siècles elle a fait la guerre à l'Europe pour l'asservir comme elle a asservi les Balkans, c'est à dire islamiser et asservir les rayas.
    L'Europe c'est la légende arthurienne et la chevalerie qui parcoure toute l'Europe, ce sont les ordres monastiques savants qui se développent partout et donnent naissance à l'Université, c'est la Renaissance puis la Réforme qui se répandent dans tous l'espace européen, c' est le Siècle des Lumières qui irradie toute l'Europe jusqu'à la cour de Russie, l'Encyclopédie et le développement de sciences déterminant pour le progrès humain.
    La Turquie c'est tout le contraire: c'est l'Islam comme fer de lance de la Race et cela depuis le début lorsque les Turcs ont détruit la florissante civilisation arabe du califat de Bagdad.
    Certain diront que la Turquie fait déjà partie de l'Europe, puisqu'elle fait partie de l'OTAN, de l'Eurovision, et de la Fédération européenne de Football.
    A vous de juger, si l'Europe c'est ça , on est bien mal parti.
    Certain ajoute que depuis De Gaulle on promet à la Turquie d'entrée dans l'Europe, mais quelle Europe ? Marché Commun ? pourquoi pas
    L’Europe politique telle que nous la voulons, avec des valeurs partagées, géographiquement établie par l'Histoire comme définie ci-dessus , c’est NON A LA TURQUIE.
    On entrerait de plus dans une guerre des civilisations à la Georges Bush puisqu’on serait installé de plein pied dans le bourbier moyen oriental .

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  2. Chers tous,

    L'adhésion de la Turquie est une urgence politique, géographique, géostratégique, économique et religieuse. En d'autres termes, une urgence au regard même de la raison d'être de l'Union européenne.

    Le "sous-développement" très relatif de la Turquie, au lieu d'être un problème, tout au contraire, donnerait un formidable accélérateur aux entreprises européennes, avec une ouverture spectaculaire sur un marché émergeant des plus prometteurs. Nos économies européennes tireraient un avantage décisif en intégrant un des géants économiques de demain. C'est aussi ouvrir un partenariat incontournable avec la sphère d'influence turcophone qui va jusqu'aux confins de la Chine. Semblable au partenariat que l'Espagne a établi avec l'Amérique latine, pour ne donner que cet exemple. Se priver de l'adhésion de la Turquie est aujourd'hui, très probablement, le meilleur moyen de rater le train, déjà en route, de la transformation du monde de G8 en G20. Mais on peut toujours rater les opportunités .... avant l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, certains disaient que l'Afrique commençait aux Pyrénées....

    En matière politique, l'enjeu est bien simple, veut-on alimenter ou lutter contre le seul enjeu qui vaille discussion en ce début du XXIème siècle: choc ou non des civilisations? La Turquie nous offre l'opportunité unique d'une vieille nation européenne, indissociable de toute l'histoire des Balkans, offrant l'avantage irremplaçable de son histoire musulmane, de sa présence au Proche-Orient. Seul pays a être pont, seul interlocuteur, pour ainsi dire mondial, entre Israéliens et Iraniens. Et on y verrait un inconvénient pour l'Europe!? C'est incompréhensible. On a déjà accepté l'adhésion de l'île asiatique de Chypre, qui à vol d'oiseau oblige au survol de toute la Turquie d'Asie pour se rendre à Bruxelles. Alors?

    Bien entendu, on peut faire le choix de notre nationalisme, plus fort que le leur, manifestement, puisque le leur ne les empèche pas d'être assez ouverts pour intégrer l'Union, leur reprocher aussi leur démographie par opposition à la nôtre, leur religion, leur géographie, etc., etc.
    On peut ainsi perdre toutes les raisons fondamentales qui ont fait naître notre Europe unie, perdre notre âme en quelque sorte. Il semblerait que les sondages montrent en Europe, qu'effectivement, le rejet et le nationalisme l'emportent, surtout en France et ... parfois même à gauche.

    Edouard (SF)
    San Francisco.

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  3. Chers tous,

    L'adhésion de la Turquie est une urgence politique, géographique, géostratégique, économique et religieuse. En d'autres termes, une urgence au regard même de la raison d'être de l'Union européenne.

    Le "sous-développement" très relatif de la Turquie, au lieu d'être un problème, tout au contraire, donnerait un formidable accélérateur aux entreprises européennes, avec une ouverture spectaculaire sur un marché émergeant des plus prometteurs. Nos économies européennes tireraient un avantage décisif en intégrant un des géants économiques de demain. C'est aussi ouvrir un partenariat incontournable avec la sphère d'influence turcophone qui va jusqu'aux confins de la Chine. Semblable au partenariat que l'Espagne a établi avec l'Amérique latine, pour ne donner que cet exemple. Se priver de l'adhésion de la Turquie est aujourd'hui, très probablement, le meilleur moyen de rater le train, déjà en route, de la transformation du monde de G8 en G20. Mais on peut toujours rater les opportunités .... avant l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, certains disaient que l'Afrique commençait aux Pyrénées....

    En matière politique, l'enjeu est bien simple, veut-on alimenter ou lutter contre le seul enjeu qui vaille discussion en ce début du XXIème siècle: choc ou non des civilisations? La Turquie nous offre l'opportunité unique d'une vieille nation européenne, indissociable de toute l'histoire des Balkans, offrant l'avantage irremplaçable de son histoire musulmane, de sa présence au Proche-Orient. Seul pays a être pont, seul interlocuteur, pour ainsi dire mondial, entre Israéliens et Iraniens. Et on y verrait un inconvénient pour l'Europe!? C'est incompréhensible. On a déjà accepté l'adhésion de l'île asiatique de Chypre, qui à vol d'oiseau oblige au survol de toute la Turquie d'Asie pour se rendre à Bruxelles. Alors?

    Bien entendu, on peut faire le choix de notre nationalisme, plus fort que le leur, manifestement, puisque le leur ne les empèche pas d'être assez ouverts pour intégrer l'Union, leur reprocher aussi leur démographie par opposition à la nôtre, leur religion, leur géographie, etc., etc.
    On peut ainsi perdre toutes les raisons fondamentales qui ont fait naître notre Europe unie, perdre notre âme en quelque sorte. Il semblerait que les sondages montrent en Europe, qu'effectivement, le rejet et le nationalisme l'emportent, surtout en France et ... parfois même à gauche.

    Edouard (SF)
    San Francisco.

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  4. Chers tous,

    L'adhésion de la Turquie est une urgence politique, géographique, géostratégique, économique et religieuse. En d'autres termes, une urgence au regard même de la raison d'être de l'Union européenne.

    Le "sous-développement" très relatif de la Turquie, au lieu d'être un problème, tout au contraire, donnerait un formidable accélérateur aux entreprises européennes, avec une ouverture spectaculaire sur un marché émergeant des plus prometteurs. Nos économies européennes tireraient un avantage décisif en intégrant un des géants économiques de demain. C'est aussi ouvrir un partenariat incontournable avec la sphère d'influence turcophone qui va jusqu'aux confins de la Chine. Semblable au partenariat que l'Espagne a établi avec l'Amérique latine, pour ne donner que cet exemple. Se priver de l'adhésion de la Turquie est aujourd'hui, très probablement, le meilleur moyen de rater le train, déjà en route, de la transformation du monde de G8 en G20. Mais on peut toujours rater les opportunités .... avant l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, certains disaient que l'Afrique commençait aux Pyrénées....

    En matière politique, l'enjeu est bien simple, veut-on alimenter ou lutter contre le seul enjeu qui vaille discussion en ce début du XXIème siècle: choc ou non des civilisations? La Turquie nous offre l'opportunité unique d'une vieille nation européenne, indissociable de toute l'histoire des Balkans, offrant l'avantage irremplaçable de son histoire musulmane, de sa présence au Proche-Orient. Seul pays a être pont, seul interlocuteur, pour ainsi dire mondial, entre Israéliens et Iraniens. Et on y verrait un inconvénient pour l'Europe!? C'est incompréhensible. On a déjà accepté l'adhésion de l'île asiatique de Chypre, qui à vol d'oiseau oblige au survol de toute la Turquie d'Asie pour se rendre à Bruxelles. Alors?

    Bien entendu, on peut faire le choix de notre nationalisme, plus fort que le leur, manifestement, puisque le leur ne les empèche pas d'être assez ouverts pour intégrer l'Union, leur reprocher aussi leur démographie par opposition à la nôtre, leur religion, leur géographie, etc., etc.
    On peut ainsi perdre toutes les raisons fondamentales qui ont fait naître notre Europe unie, perdre notre âme en quelque sorte. Il semblerait que les sondages montrent en Europe, qu'effectivement, le rejet et le nationalisme l'emportent, surtout en France et ... parfois même à gauche.

    Edouard (SF)
    San Francisco.

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