lundi 30 novembre 2009

le droit de vote des étrangers comme utopie réaliste


Afin de nourrir encore le débat en cours, je transmets au forum une contribution portant plus précisément sur le droit de vote des étrangers, une des mesures phares permettant d'établir l'identité française comme élément d'une identité plurielle d' une République généreuse.

C'est l'esprit de la révolution française qui, dans la constitution de 1793, reconnaissait aux étrangers le droit de vote. C'est, à la lettre, une des propositions contenue dans le programme du candidat Mitterrand en 1981. C'est donc l'esprit de la gauche dans ses bases révolutionnaires et victorieuses.

Pourquoi se baser sur le droit de vote des étrangers ?


Car, comme le souligne une camarade, « l'intégration doit commencer quelque part », et que donner le droit de vote aux étrangers résidents en France sans contrepartie est un acte fort dans une logique d'intégration qui ne soit pas simplement unilatérale (sur le mode « deviens français en prouvant que tu l'es devenu ») mais rééquilibrée et progressive.

Rééquilibrée, car comment imaginer que les étrangers soient soumis aux impôts ou au respect des lois, donc à l'ensemble des devoirs des citoyens français, sans pouvoir peser sur la désignation de ceux qui font la loi, un droit fondamentale s'il en est ?

Progressive, car l'accès à la citoyenneté politique serait le moyen de faciliter l'accès à la nationalité française. Aujourd'hui le code de la nationalité impose comme principales conditions d'accès, en autre, le temps de séjour, le travail, ou le regroupement familial. Est ce que la participation aux élections ne vaut pas meilleure garantie d'intégration à la République ?


La multi-appartenance est souhaitable dans une société multiculturelle :

Certains à gauche se posent la question de la double nationalité, se demande « ce qui pousse un étranger à refuser l'obtention de la nationalité française » tout en revendiquant le droit de vote/


Ma réponse est certainement que le moule républicain apparaît aujourd'hui comme trop uniformisant, que la nationalité française peut apparaître comme une négation des différences culturelles d'origine. Des français ne se sont ils pas mobilisés d'ailleurs en tant « qu'indigènes de la République », pour dire leur sentiment d'être citoyens de deuxième classe ? On peut donc être pleinement français et avoir du mal à se retrouver dans le modèle républicain actuel. Pourquoi n'en serait il pas de même pour les étrangers ?

Admettre que des étrangers puissent devenir des citoyens politiques de France c'est leur reconnaître le droit à la multi-appartenance. C'est leur renvoyer le signal fort suivant : vous êtes ici chez vous dans vos différences.


On peut aujourd'hui se sentir pleinement Européen, en participant notamment, quand on réside dans un pays de l'UE, aux élections municipales et locales, en pouvant même se présenter aux élections pour y être élu, sans pour autant renoncer à sa nationalité d'origine.

A titre personnel, je parle très mal polonais, je ne travaille pas dans une entreprise polonaise, et pourtant, je ressens un attachement profond à ce pays,et je sais que le droit de désigner les représentants de la ville dans laquelle je réside m'est reconnu.

Je me sens donc, aussi, polonais même si je reste un citoyen français, provençal d'origine, et Mauricien de coeur (où j'ai vécu 4 ans). Un citoyen aux muti appartenances assumées et reconnues par le droit.

Pourquoi cette logique ne s'appliquerait elle pas, demain, aux Algériens de France ou aux Chinois de France ? Que les citoyens du monde puissent participer aux élections en France me semble le plus sûr moyen de dire à la face du monde que la France est redevenue une terre ouverte au monde, dans une République apaisée.Le droit de vote des étrangers est donc une utopie active...et réaliste.

Amitiés fraternelles

Boris
Varsovie

vendredi 27 novembre 2009

Le rouge et le noir - Poésie de Franck M.




Le rouge et le noir


Mon Dieu c’est moi qui te parle en cette chapelle,
Donne-moi la force de vaincre mes faiblesses,
Mon devoir commande triomphe sans bassesse,
Mais ma peur et mon âme à ta voix me rappellent.

Si ce soir tu m’admets au royaume des morts,
Sache que mon orgueil n’est que cache-misère,
D’une vie sans soleils et du deuil qui m’enserre,
On n’entre dans l’arène qu’en serrant le mors.

Pardonne l’offense de mon habit doré,
Mais l’histoire et l’Islam brûlés d’Andalousie,
L’ornèrent richement, ignorant tes décrets.

A genoux j’implore ta promesse éternelle,
Mon épée ne combat que pour la parousie,
Dans le sable et le sang, donne-moi l’étincelle.


Je dois me relever j’entends que l’on m’appelle,
Puis je te vois enfin animal de mes rêves,
Sortant de ton toril pour un duel sans trêve,
Et déjà je devine ta fougue immortelle.

Il est encore tôt pour devenir intimes,
Tourne donc avec moi délicieux combattant,
Danse avec le fleuve de mes instincts mutants,
Et pour tous tes élans accepte mon estime.

Sous ton cuir mouillé de la sueur des grands cœurs,
La flamme de Minerve te fait impavide,
Noircissant ton regard d’un orage grondeur.

Et la foule te donne son assentiment,
Lorsqu’elle t’applaudit pour ta puissance avide,
Belle étoile brune, filant au châtiment.


Il est temps de s’étreindre en terrassant nos craintes,
Enlacés au milieu d’un temple de courage,
Ô animal sacré, fais-moi grand de tes charges,
Fais-moi digne du rouge dont ta peau est peinte.

Je veux sentir ton souffle réchauffer mes mains,
Et maculer mon corps de tes souffrances pourpre,
Puis te tourner le dos, provoquant ta bravoure,
Et deviner tes cornes caressant mes reins.

Baisse donc la tête pour tomber dans mes bras,
Que notre ultime assaut soit une apothéose,
Un sommet des sierras, une fin d’opéra.

Que cette lame en toi soit telle un instrument,
Dont tu sus te jouer tel un grand virtuose,
Et qu’elle t’ouvre les cieux vers le firmament.

une identité plurielle et généreuse


Chers tous,

On échappe difficilement au débat sur l’identité nationale. A gauche, nous avons parfois pour réflexe instinctif de refuser ce débat. Notre méfiance viscérale se fonde sur les tentatives de récupérations électoralistes de la Droite qui laboure ici les terres des extrêmes, et se base sur le socle mouvant d’un débat biaisé introduit sur l’opposition potentielle de l’immigration à l’identité nationale dans une tentative, frileuse et odieuse, d’exclure l’apport « des étrangers » ou « de l’étranger » à la nation et la République française.

Mais Etre de gauche, c’est certainement accepter sans tabou les débats les plus piégés, pour les désamorcer d’abord, avec pédagogie et courage, et pour les faire fructifier, enfin, dans le sens de nos valeurs, qui portent en elles, la tolérance, l’ouverture vers les autres, et qui en s’inspirent d’une vision unie, évolutive, et généreuse de la Nation, de la République et de l’Etat.

Etre de gauche consiste donc à ne pas laisser le monopole de la Nation et des symboles républicains français, à la Droite.

Car, comme le rappelait un éditorialiste bien connu du journal libération « il y a aussi du rouge dans le drapeau tricolore », le vocable de Nation a été projeté sur la scène de l’histoire à Valmy, et l’on ne peut « jeter aux orties Hoche, Lamartine, Jaurès ou Jean Moulin, coupables de défendre le drapeau ». Il y a donc une identité nationale possible, dès lors que l’héritage historique auquel on se réfère n’est pas fixe, déterminé uniquement par un lieu de naissance (car « être né quelque part c’est toujours un hasard » comme le chante maxime Forestier), une religion (qui reste une question d’ordre privée dans une République laïque) ou de couleur de peau (car « le soleil donne la même couleur aux gens », au final).

Dès lors donc que l’on tente de « l’objectiver », de déterminer une fois pour toute l’identité, on échoue à définir une identité nationale acceptable. Mais au contraire qu’on laisse ouverte la possibilité à une nation de se transformer et de régénérer les valeurs quotidiennes du « vouloir vivre ensemble », on rend possible la définition d’une identité plurielle et novatrice.

Quelles sont elles ces possibles valeurs du vouloir vivre ensemble dans la France plurielle du 21ème siècle ?

Certainement celles liées à notre expérience de société multiculturelle dont nombre de citoyens français n’ont ni conscience ni fierté. La France et les français aiment passionnément leurs masochisme, adorent gratter les croutes du passé, et ne tirent aucune confiance dans nos capacités, pourtant bien réelles, à être ouverts sur le monde.

Nous sommes ainsi, par l’intermédiaire de notre ouverture sur la francophonie, au cœur de la diversité culturelle et au cœur de la mondialisation. N’ayons pas peur de l’affirmer ici, Etre français, ce n’est pas être blanc, c’est être aussi antillais, africain, asiatique, c’est promouvoir la diversité culturelle par la diversité des peuplements comme nouvelle frontière de métissage.

Il y a donc, au côté de l’identité nationale, une identité internationale et plurielle portée par la devise de fraternité de notre République :

Une République fraternelle et internationaliste donnerait le droit de vote à des immigrés résidant de longue date en France, intégrés par leur travail ou par leur vie quotidienne dans notre pays alors que, comme le souligne Dominique Wolton dans « demain la francophonie » ces personnes continuent « à camper » en France sans droits politiques. Elle militerait fermement au sein de l’Europe pour que notre union des peuples ne se transforme pas en citadelle assiégée au porte de l’Afrique, pour qu’au contraire, l’apport mutuel lié à notre proximité géographique et culturelle avec le continent Africain puisse être célébrée et institutionnalisée par une politique migratoire plus généreuse.

L’intégration est une norme républicaine trop unique, un mot trop unilatéral. Il faut admettre les apports mutuels et élargir l’identité française, loin des pièges assimilationnistes d’une République carcan mais au plus prêt d’une République qui ferait de l’école le fer de lance de l’enseignement d’une civilisation française et francophone riche de ses diversités.

L’Espagne célèbre par exemple l’apport de la civilisation musulmane qui a laissé des trésors architecturaux en Andalousie, ou donné naissance à des penseurs de la tolérance comme Averroès. Etait ce si difficile, pour la France qui a longtemps considéré l’Algérie comme un territoire français, sans pour autant reconnaître aux enfants d’Algérie une authentique citoyenneté, de considérer les apports positifs réels de la civilisation musulmane (à qui l’on doit, les mathématiques, la transmission de l’héritage philosophie Grec, l’expérience de la cohabitation multiculturelle dans la diversité des mondes musulmans…) alors qu'on tente, perfidement, de nous faire admettre que la colonisation aurait pu être positive ?

Il faut aujourd’hui valoriser les deux langues françaises présentes en France : la langue française classique, celle célébrée par l’Académie ou saluée par les prix littéraires, mais aussi l’ensemble formé par les langues de la francophonie et leurs inventions et trouvailles linguistiques, qui sont un élément d’enrichissement et de régénération d’une langue. L’apport des « outres mers » dans la constitution de cette identité culturelle à base linguistique est un atout politique. Tout comme l’apport des parlés régionaux.

Ces langues de France qu’on célèbre mal ou trop peu, qu’on laisse exister aux marges de la société sans pour autant en retirer l’entière portée politique alors que ces langues forment la moelle culturelle et savoureuse de la France d’aujourd’hui ;


La France n’est pas seulement le territoire hexagonal étroit mais l’ensemble constitué par les Départements, territoires et collectivités d’Outre-mer, qui place le territoire « naturel » de la France dans une dimension ouverte et mondiale s’étendant, en latitude, des Antilles aux rivages de la Polynésie, en longitude, du Nord de Saint Pierre et Miquelon à la pointe Sud de la Réunion.

Nous ne sommes donc pas seulement d’un pays, d’une terre, ou d’un rivage, car nous sommes porteurs d’une identité mondialisée, ouverte aux quatre vents du large : une identité frondeuse, joyeuse, multiple, chatoyante, généreuse. L’identité plurielle dont nous pouvons être tous fiers.

Amitiés Fraternelles

Boris

VArsovie

lundi 23 novembre 2009

Faire parler d'Europe / Faire parler l'Europe. occasion ratée ?


Chers tous,

L'épisode de la double nomination président du conseil européen/ ministre des affaires étrangères laisse évidemment un gout d'amertume en bouche pour les européens que nous sommes.

D'abord parce que l'occasion historique de "faire parler d'Europe" qu'aurait pu revêtir cette double investiture est ratée. Cela tient évidemment tout à la fois au mode de désignation choisis et aux conditions politiques de la campagne d'investiture.

Le mode de désignation, faussement collégial, privilégie la diplomatie de coulisse des chefs d'Etat et de gouvernement, avec sa somme de "petits arrangements clandestins" qui échappent totalement aux peuples européens.

Il n'y a eu aucune place faite, devant l'absence de campagne publique des candidats, à l'exposé des convictions européennes des candidats, à l'ébauche de définition d'un cap stratégique pour l'UE, ou à des prises de positions publiques sur l'entrée de nouveaux membres. Sur ce type de campagne, le silence est d'or. La prime est à la discrétion idéologique, aux positions d'attente politiques.

Les outsiders (ou les toquards) ont donc toutes leurs chances dès lors qu'ils ne font pas d''ombre aux chefs d'Etat les plus influents de l'UE.

Parfois, la personnalité ou le parcours personnels peuvent tenir lieu de programme ou de conviction :

on déplorera donc ici que ce soit un adversaire des cultures minoritaires, le belge Van Rompuy, qui soit porté à la responsabilité la plus haute de l'UE, car, comme le rappelle Jean Quatremer, "L’homme qui va présider le Conseil européen ne s’est donc jamais opposé à toutes les mesures discriminatoires décidées par le gouvernement flamand (dirigé par le CD&V) visant à pousser vers la sortie les francophones de Flandre".

Certes Ashton est "des nôtres". Mais, c'est l'aile libérale du PSE qui a trouvé aujourd'hui une représentante.

L'occasion historique de "faire parler l'Europe" à travers une troika la représentant face au monde, me semble déja avoir du plomb dans l'aile. Le consensus sur les personnalités les moins éclatantes et les moins susceptibles de "géner" est le signe institutionnel d'une Union qui restera pilotée au quotidien par l' instance de coordination intergouvernementale qu'est le conseil des ministres. Nommer des seconds couteaux aux responsabilités est donc à cet égard un vrai choix politique visant à faire reculer le projet fédéral d'un cran.

Privilégier le pale Belge Van Rompuy à l'éclatante Vike Freiberga ou au plus convaincu d'Europe Junker, c'est armer Sarkozy ou Merkel pour l'avenir, c'est désarmer potentiellement l'UE en tant qu'instance supranationale en la rendant sinon muette au moins discrète.

En optimiste indécrottable cependant, on peut déja penser que ceux qui désireront, demain, faire voter tous les peuples européens au suffrage universel pour la désignation de leur président, viennent aujourd'hui de remporter une première victoire.

Alors, faire parler l'Europe, occasion ratée ? non, occasion simplement reportée !

Amitiés socialistes

Boris
Varsovie

lundi 16 novembre 2009

Aujourd'hui, une camarade d'origine Africaine, Anna, intervient sur la question de l'identité nationale et du racisme en général.

lorsque l’on me fait remarquer que la France a beaucoup de joueurs non-blancs, ma réponse est simple : combien de colonies votre pays a-t-il eu et combien la France en a eu. Et je peux te dire que le problème est vite réglé.

Pourquoi, nous qui venons des anciennes colonies ou des départements d’outre-mer sommes nous à fleur de peau sur ce sujet ? À cause de l’histoire coloniale de la France et à cause de la Françafrique et ce n’est pas un débat sur l’identité nationale qui va régler le problème. Surtout que maintenant, vous avez en face de vous des gens, comme moi, qui vous disent que vous n’avez qu’à nous prouver que nous ne sommes pas Français, en d’autres termes qui vous emmerdent. Tous les profs de banlieues peuvent écrire tout ce qu’ils veulent, je peux te dire et vous dire à tous que lors des émeutes de banlieues (moi qui n’ai pas honte de dire que je n’y ai jamais mis les pieds) ce que disait ces jeunes je le comprenais parfaitement.

Il y a quelques années Patrick Timsitt (malgré tout son talent) s’est scratché avec un sketch sur les handicapés. À mon avis, parce que les handicapés souffrent ceci pour te dire à toi René, qui te trouves si fin que tu ne devrais pas être sans savoir qu’être noir en France, c’est aussi de la souffrance. J’ai assez d’humour pour avoir répondu à un recruteur qui avait peur de me serrer la main que je ne déteignais pas.

Un des blogueurs que je lis a ressorti les titres des journaux français de novembre 1989 et de quoi parlait-on à l’époque ? Toujours d’identité nationale et s’il fallait ou non interdire le port du voile à l’école.

Le débat ce n’est pas nous, les non-Blancs. Le problème, c’est le racisme des Blancs, pourquoi vous fait-on peur ? Je me suis exilée aux Pays-Bas, pas au Sénégal dont j’ai pourtant la nationalité et où ma famille vit très bien. Cela devrait vous dire que nous nous sentons occidentaux avant tout et donc Français.

Lorsque qu’il m’arrive de me retrouver au petit matin à Roissy qui est là pour nettoyer ? Les mères des enfants de banlieue, alors qu’ils sont seuls pour se préparer à aller à l’école. Qui nettoient les bureaux le soir ? Toujours elles. Voilà un autre des problèmes mais cela je ne le lis pas dans la presse, ni sous la plume des profs de banlieues. Je ne suis pas sociologue non plus, mais je suis mère et étant d’origine africaine, je sais comment les enfants sont tenus dans les cultures africaines, donc s’ils déconnent c’est aussi dans leurs familles qu’il faut regarder.

Je vis aux Pays-Bas et ici avec la montée du blond peroxydé (dont la grand-mère est indonésienne, d’où le blond peroxydé) ils ont mis en place des programmes de coaching, ma voisine par exemple, intervient dans les entreprises pour coacher les dirigeants et déconstruire les discours d’extrême droite.

Les Néerlandais ne comprennent pas non plus pourquoi la montée de l’intégrisme chez les jeunes hommes et l’une des réponses c’est que ce n’est pas le niveau d’éducation qui joue mais le niveau d’insécurité.

Donc lâchez-nous les pompes et travaillez sur vos inconscients, travaillez sur les courbes du chômage et ne nous demandez pas de tout renier dans les cultures de nos parents puisque l’on ne le fera pas.

samedi 14 novembre 2009

Pour une politique culturelle extérieure de gauche

Chers tous,

Après avoir traité essentiellement de la question des moyens publics nécessaires au fonctionnement du réseau culturel extérieur, je voudrais aujourd'hui revenir sur les objectifs assignés à la politique culturelle de l'Etat à l'étranger

Nous avons été un certain nombre à le faire depuis deux ou trois ans sur le forum de l'ADFE ou sur celui de la FFE alors que la réforme de l'action culturelle extérieure devenait plus pressante. Il me semble nécessaire d'y revenir clairement aujourd'hui en se demandant si une politique culturelle extérieure de gauche est possible.


Lors de l'atelier organisé sous l'impulsion d'Helene Conway en mars 2009 à l'assemblée nationale et qui a réuni des praticiens de premiers plans de l'action culturelle à l'étranger (directrice de la DGCID, Secrétaire général de Culture France, Secrétaire général de l'AF de Paris, sénateurs Socialiste des français de l'étranger, syndicalistes, conseillers AFE etc...) un consensus assez large est apparu pour considérer l'action culturelle extérieure comme élément de la diplomatie française. L' objectif régalien sousjacent est celui de l'influence et du rayonnement international de la France à l'étranger par le biais de la promotion de notre culture et de notre langue (une langue et une culture pas strictement franco française, la langue française étant une langue portée et partagée par d'autres peuples, la culture française s'éffaçant souvent devant la multiplicité des cultures francophones)

De manière plus institutionnelle, le livre blanc sur la politique étrangère rédigé en 2008 par une commission "d'experts" a pu rappeler ce rôle historique conféré à l'action culturelle extérieure comme piliers de la politique diplomatique de la France. (ce livre blanc restant néanmoins une commande politique du président Sarkozy non exempte d'arrières pensées)
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/ministere_817/modernisation_12824/livre-blanc-sur-politique-etrangere-europeenne-france_18407/index.html )

Sur ces bases, une politique culturelle extérieure alternative est elle possible ? Que pourrait être une politique culturelle de gauche à l'étranger ?Pour répondre à cette question il faut faire ici d'abord un rappel historique important pour évoquer la politique culturelle du ministère de la Coopération (avant 99) :

En fait, il y a eu un avant et un après 1999 au niveau de la politique culturelle extérieure de la France. En effet, avant cette date, un ministère de la coopération de plein exercice existait dont le rôle était notamment la conduite de la politique culturelle extérieure ou, tout du moins, la gestion en direct ldu réseau culturel extérieur, de ses politiques et de ses agents - le dispositif culturel de coopération étant un élément important du dispositif de coopération incluant aussi la coopération éducative, technique (l'assistance technique), scientifique et universitaire.

En 1999, le ministère dela coopération a été intégré au ministère des affaires étrangères, officiellement, pour rendre plus cohérente la politique diplomatique de la France, et recentrer la politique de coopération au sein d'objectifs diplomatiques plus vastes. Officieusement, une rivalité de longue date existait entre les diplomates du Quai et les coopérants du réseau de coopération dont le réseau culturel formait un des éléments central. Le réseau des missions de coopération était donc une sorte de réseau diplomatique Bis , parfois, comme en Afrique, un réseau plus puissant (en terme financier, d'influence et d"effectifs en agents) que les Ambassades. La réforme de 99 était donc un peu "la revanche"des diplomates du Quai sur les coopérants de ministère de la Coop'...
Il ne faudrait par réduire ici la notion de coopération a son aspect politique de "défense du précarré Africain" ou la limiter à la notion critiquée ,à juste titre, de "France Afrique".
Dans sa philosophie, la notion de coopération entre Etats poursuit des objectifs de solidarité, d'entre aide, de partage des connaissances et des savoirs, comporte un apprentissage mutuel des cultures , c'est à la fois la politique de la main tendue au plus faible, mais c'est aussi et surtout la politique de compréhension mutuelle entre les peuples, une politique de paix donc. C'est également une politique économique d'aide au développement se fondant sur le partage des savoirs, des connaissances, des techniques et des expériences qui est également poursuivie à travers la politique de coopération.

Première conclusion, provisoire :

Il me semble que si une politique de coopération culturelle alternative etait possible dans le cadre d'un réseau culturel et éducatif autonome, ou en tout cas d'objectif de coopération distincts d'objectifs strictement diplomatiques, il est en revanche plus difficile de dégager aujourd'hui très clairement, une politique diplomatique "de gauche" en matière culturelle.

Car sur l'objectif diplomatique, assigné à la politique culturelle extérieure le consensus national est assez important, en apparence tout du moins : faire de la Culture un moyen d'influence au niveau mondial ou, de manière plus précise, utiliser la promotion de "notre" langue, nos "productions culturelles", "nos"artistes, dans le double objectif de rayonnement international et de puissance politique. La distinction politique majeure entre droite et gauche serait de considérer "L'entre nous"de la Culture dans une acception étroite, frileuse et franco française (convervatrice sinon de Droite) ou de voir, dans une optique ouverte et de gauche, "notre culture" comme celle de la francophonie (les cultures des locuteurs qui utilisent le français) ou plus largement comme celle de la "francosphère" (Cf Dominique Wolton sur ce thème). Défendre Notre culture en ce sens revient essentiellement à défendre et faire mieux connaitre le monde des cultures minoritaires, distinct du modèle culturel dominant porté par les industries culturelles mondiales ou du monde culturel anglo saxon.

Il y a là on le voit une première distinction politique possible droite/gauche, ou plus précisément, un clivage entre les tenants d'une vision "nationaliste" ou étroite de la Culture, et les défenseurs d'une vision plus internationaliste des Cultures francophones.

Cela nous amène au deuxième objectif de la politique culturelle extérieure :
Il y a désormais un consensus apparent, dépassant le clivage droite/gauche, sur l'objectif général de promotion de la diversité culturelle assignée à notre réseau culturel extérieur. Comme si la vision "de gauche", internationaliste, s'était imposée définitivement comme objectif politique :

La défense selon un front politique commun, de "l'exception culturelle"(Cf négociation de 1993 dans le cadre du GATT , menée par le gouvernement Balladur, mais soutenue par le président Mitterrand et par les forces de gauche en France, pour éviter de faire de la culture une marchandise comme les autres et y appliquer donc, un traitement de " bien public", sur un plan juridique ou institutionnel, distinct donc des normes commerciales de droit commun).
De "l'exception culturelle" nous sommes passés, en un peu plus de dix ans, à la défense de la "diversité culturelle" (concept appartenant au départ au champ de la biologie...), s'entendant aujourd'hui comme une lutte contre l'uniformisation des cultures, comme une résistance à la soumission aux logiques dominantes du marché de la culture et des industries culturelles principales. Cela s'entend, plus largement, comme la défense de toutes les cultures mondiales, et notamment des plus minoritaires et fragiles d'entre elles.
La promotion de la "diversité culturelle" est aussi bien entendu, sur un plan diplomatique, le moyen de défendre la francophonie, comme réservoir de richesses culturelles significatives, et également et bien entendu de promouvoir la Culture Française, comme Culture Alternative au modèle dominant anglo saxon.

La gauche a t'elle définitivement remportée la victoire des idées en matière culturelle extérieure, en imposant la défense de la diversité culturelle ? Le consensus politique apparent sur cette question est en fait aujourd'hui en train de s'effriter, et un nouveau clivage apparait (ou réapparait) entre les tenants d'une approche libérale de la Culture qui souhaitent que l'Etat soit "modeste" en matière d'action publique culturelle et les défenseurs d'une vision plus interventionniste en matière culturelle extérieure :

pour les thuriféraires libéraux de "l'Etat Culturel" (dans la lignée d'inspiration de l'ouvrage célébre de Fumaroli) le cout exhorbitant de l'action culturelle extérieure est généralement avancé (lire en cela le rapport du Sénateur Gouteyron de 2008 qui articule son raisonnement sur l'inefficacité d'un réseau qui couterait "1 milliard d'euros" à la France chaque année et qui se base sur un calcul inexact et fallacieux, mélangeant le cout de l'action culturelle intérieure au cout de l'action culturelle extérieure).

Au niveau du réseau culturel des affaires étrangères, ces tenants d'une approche libérale promeuvent essentiellement une politique culturelle "hors les murs" (une politique culturelle extérieure qui ne s'incarne plus dans des batiments ou établissements culturels à l'étranger), fondée sur des équipes légères chargées d'animer des évènements culturels au côté des industries culturelles existantes, des équipes capables de lever des fonds privés massivement avec peu d'apport en subvention publique. Ces libéraux font généralement peu de cas de l'action linguistique, vue certainement, dans une hiérarchie symbolique implicite, comme une activité culturelle moins noble ou en tout cas, comme une activité susceptible de s'inscrire dans une politique strictement commerciale : leur raisonnement implicite est certainement : peu importe si les écoles de langue françaises à l'étranger sont publiques ou privées, dès lors "qu'on y vend" de la langue française au meilleur cout et au plus grande nombre.

Dans "l'autre camp", celui des interventionnistes (le notre si j'ose dire), l'objectif de la politique culturelle extérieure est un objectif public qui relève donc de politiques définies et gérées par l'Etat.

La "sainte trinité" culturelle entre Langue-Culture et diffusion de l'écrit- se retrouve dans la promotion d'un modèle d'établissement culturel qui est à la fois une école de langue française, une bibliothèque ouverte à tous, et un lieu d'organisation et de promotion d'artistes et de spectacles. L'établissement culturel doit aussi être, plus largement, la maison de toutes les cultures, et notamment favoriser la coopération avec les institutions culturelles des pays d'accueil, ou, quand celles ci sont défaillantes ou en retrait, la coopération directe avec les artistes des pays d'accueil pour une aide àla promotion et àla diffusion des cultures nationales.

Les interventionnistes insistent généralement sur la question des justes moyens publics que doit accorder l'Etat pour gérer la politique culturelle extérieure. La mixité des financements (50% privé, 50% public) est, à mon sens, un équilibre raisonnable pour la zone OCDE. L'objectif de mixité des financements n'ayant pas de sens dans une optique de coopération culturelle au niveau des pays en développement.
Voilà donc une deuxième distinction possible sur un plan politique entre interventionnistes et libéraux de la Culture.

Une troisième distinction politique possible se base sur le choix du meilleur niveau institutionnel d'action pour promouvoir la Culture française ou les Cultures francophones.
Le cadre de L'Etat national, celui de mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France, pourrait, demain, se doubler d'un cadre européen d'action. La promotion de centres culturels européens, en Europe et à l'extérieur de l'Europe, pourrait être une manière de raffermir le sentiment d'appartenance commune à un vaste ensemble de peuples et de cultures européennes et chercherait ainsi à faire rayonner la ou les culturels européennes à l'étranger (je renvois à un article écrit en juin 2009 sur les centres culturels européens, présent sur mon blog)/

En conclusion, derrière le consensus apparent d'une victoire des idées "de gauche" de promotion de la diversité culturelle, se cache en fait des clivages politiques tenances entre tenants d'une vision nationale de la Culture contre défenseurs d'une vision internationaliste des cultures tet de la francosphère, sous fond de clivage institutionnel entre libéraux et interventionnistes. Dans le camp des interventionnistes, les plus européens d'entre nous voudront développer, demain, une action en faveur des cultures européennes fondée institutionnellement sur des établissements culturels européens.

Une politique culturelle extérieure de gauche est donc possible, elle doit s'assigner, dans le cadre de l'Etat, un objectif politique et diplomatique de défense internationale des cultures minoritaires en tant que mission de coopération et de service public, et doit agir, également, au niveau européen pour, demain, mettre en place des centres culturels européens chargés de promouvoir les cultures d'une Europe ouverte

mardi 10 novembre 2009

La chute du mur , le jour où le marxisme léninisme s'est suicidé



Aujourd'hui ma réponse à mon camarade JY Leconte...

Cher Jean Yves,

merci en effet pour ce texte d'une grande profondeur historique. Il a le mérite de montrer qu'une autre voie socialiste est encore possible, 2O ans après la chute du mur : c'est ce qu'on peut appeler la voie "social-démocrate", faute de mieux, et qu'on aurait donc tort de ranger aux rayons des idées poussiéreuses, en la plaçant, côte à côté, dans le cercueil du marxisme léninisme.

Ce serait là faire le jeu de nos adversaires, la droite libérale qui a cru la fin de l'histoire advenir un soir de Novembre 1989 par victoire par K.O du libéralisme sur le socialisme.

Ce n'était peut être que la victoire du libéralisme sur le marxisme léninisme, un des socialismes possibles. Mais je crois aussi que la chute du marxisme léninisme a également été un écroulement interne de l'URSS et des Républiques socialistes, avant toute chose.

Le marxisme léninisme a eu tendance à être son pire adversaire au cours de 70 ans de communisme appliqué, ce qui accrédite la thèse d'un système communiste à tendance suicidaire.

Ton texte explique la chute du Bloc communiste en se basant sur plusieurs facteurs historiques : le combat pour la liberté des peuples de l'Est, le changement d'attitude de l'Eglise catholique et du pape, la fermeté américaine de Reagan, l'épuisement de l'URSS dans le conflit Afghan, la politique internationale des "sociaux démocrates" ayant choisi le dialogue critique avec l'Est, comme Brandt ou Mitterrand (pour Mitterrand je doute que le qualificatif de Social démocrate soit justifié).

Ce texte est inspiré d'une vision volontariste et internationaliste de l'histoire.

Or, nous devons également avancer sur le terrain d'une explication économique de l'Histoire :

sur le plan économique, le marxisme léninisme, c'est à dire la planification impérative et la centralisation des décisions économiques dans les mains du parti communiste, ont abouti à une crise économique généralisée dans tous les pays de l'Est à la fin des années 80 (après avoir chroniquement paupérisé des millions de personnes à l'Est pendant plus de 50 ans et ce depuis les grandes famines en Ukraine des années 20 qui en étaient le premier épisode tragique) :

En URSS, où la fuite en avant dans la course aux armements avec les USA, a eu un cout social énorme en se doublant, au cours des années 80 notamment, de crises d'approvisionnement généralisée dans la majeure partie du bloc de l'Est, d'une dégradation économique marquée des conditions de vie des peuples de l'Est, d'un endettement massif de pays comme la Pologne, la Yougoslavie la Hongrie, qui avaient tenté de dégager , chacune à leur manière , un socialisme de la troisième voie.

Ce socialisme de la 3eme voie a toujours eu du mal à se financer : En restant dans le champ communiste de l'organisation de l'économie, un système qui s'appuyait sur la spécialisation industrielle nationale, la Pologne étant la mine de charbon de l'URSS, l'Ukraine son grenier à Blé, la Hongrie son atelier de fabrication de matériel de consommation courante, le système ne pouvait durablement prospérer .

Pendant les années 80, c'est l'occident qui a donc financé le système économique de ces pays, en acceptant le principe de l'échange de marchandises ou des prêts bancaires pour permettre notamment de financer la diversification de la consommation courante des peuples de l'Est.

Ce n'était en rien, bien entendu, de la philanthropie. Mais cela a permis l'écroulement, en douceur, du système économique délabré de l'URSS.

Derrière cette réalité, il y a donc l'impossibilité économique de pérenniser un système basé sur la planification centralisée, la spécialisation nationale, et sur la négation de la propriété individuelle des moyens de productions.

Je crois que ce débat économique de fond doit être mené, dans le cadre du PSE ou des forces de gauche en France : Si je crois aux nationalisations, à l'encadrement du capitalisme et à l'analyse marxiste comme outil explicatif d'un processus économique basé sur l'exploitation et la domination des travailleurs, je ne nie pas pour autant l'aspiration de liberté propre aux entrepreneurs, la nécessité humaine de s'enrichir, et la possibilité du système capitalisme à produire des richesses collectives.

Cependant, sans l'Etat pour inciter à une répartition égalitaire de ces richesses ou pour encadrer la production de certaines de ces richesses (énergétiques, richesse produite par les services publics), le capitalisme restera une machine folle productrice d'inégalités.

Le débat économique de l'encadrement du libéro-capitalisme, doit donc être mené en priorité. Je ne crois pas que ce soit un débat uniquement social démocrate car la conversion de la social démocratie à l'économie de marché, dans les années 50 en Allemagne au niveau du SPD, a été trop immédiatement basée sur un effet de fascination.

SI le marxisme léniniste s'est économiquement suicidé ce qui était surement inscrit dans ses gènes, une voie marxiste de transformation sociale du libéro-capitalisme reste possible sous condition de rénovation du marxisme.

Amitiés socialistes

Boris

la chute du mur : un combat social démocrate


aujourd'hui un texte du camarade Jean Yves LECONTE, conseiller à l'assemblée des français de l'étranger pour l'Europe Centrale

Novembre 1989. Le mur de Berlin tombe. Ceux qui n’avaient pas encore perçu l’importance des évènements survenus depuis le début de l’année : la table ronde polonaise, suivi d’élections libres et de l’arrivée du premier gouvernement non communiste, l’évolution de la Hongrie et les conséquences de l’ouverture de la frontière austro-hongroise sur l’étanchéité du rideau de fer, pouvaient maintenant en être sûr : L’après seconde guerre mondiale, la partition de l’Europe, prenaient fin. Dans la foulée, comme un château de carte pour les uns, comme des dominos pour les autres, les régimes communistes d’Europe centrale et orientale chutèrent les uns après les autres. Accélérant par la suite la dramatique dislocation de la fédération yougoslave et la fin de l’Union soviétique.

Début novembre 1989, toutes ces conséquences n’étaient pas encore mesurées, mais la joie régnait. L’Europe n’était plus traversée par des barbelés. La parole était libre. La force de la liberté avait terrassé un totalitarisme présenté, encore au début des années 1980, comme invincible et tentaculaire. Les menaces d’affrontement militaire Est-Ouest disparaissaient d’un coup. L’Europe, qui depuis 40 ans se structurait autour du rideau de fer, changeait de sens. Cette victoire de l’Europe et de la liberté, des générations d’Européens l’avaient voulue. En avaient fait le sens de leur engagement politique. Elle était maintenant réalité.

Cette victoire était-elle une victoire de la droite sur la gauche ?

Personne à l’époque ne pouvait le prétendre. Le mouvement social polonais, organisé à partir de 1980 autour de Solidarnosc, s’il fut catalysé par l’église, se concentra d’abord sur la revendication des droits humains et sociaux, des droits au travail.

Quand aux événements hongrois et tchécoslovaques, ils furent provoqués par une recherche de démocratisation des régimes de la part de certains dirigeants communistes : Le fameux « Socialisme à visage humain ». Imre Nagy , Aleksander Dubcek… dirigeants communistes historiques limogés, parfois exécutés dans le sang d’interventions militaires, lorsqu’ils devenaient trop dangereux.

Bien sûr, des personnalités non classées à gauche ont eue un rôle central dans cette évolution historique :

- Jean-Paul 2 a su donné aux Polonais la force de mener ce combat. Son « N’ayez pas peur » a été le plus beau des encouragements au changement et à la lutte. Il marquait aussi la fin du principe de l’alliance implicite du marteau, de la faucille et du goupillon permettant au système communiste d’une part, à une bonne partie de l’église polonaise d’autre part, de coexister pour mieux subsister…

- La résolution de Ronald Reagan face à une Union soviétique à bout de force (fatiguée par une campagne d’Afghanistan que depuis « l’Occident » a repris à son compte, ce qui ne lui réussit pas plus…) a été déterminante pour accélérer l’épuisement du système. Ensuite, la capacité du même président américain à pressentir les possibilités d’évolution que représentait l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev a joué un rôle essentiel dans le déblocage de la situation.

Mais on oublie toutefois trop souvent la contribution majeure de la Social-démocratie à cette victoire historique.

Dès 1920 Léon Blum exprimait cette exigence d’un socialisme démocratique face à l’émergence d’une proposition léniniste de transformation sociale. Cette fracture a structuré les gauches françaises, européennes pendant près de 70 ans. Cette structuration était si forte que depuis 1989, la gauche européenne ne parvient pas à fédérer ses différentes sensibilités autour de 2 ou 3 grands courants d’idée qui pourraient constituer l’ossature crédible d’une gauche qui serait autre chose qu’un assemblage d’écuries d’ambitions individuelles et d’alliances de circonstances.

Pour faire évoluer l’Europe centrale, il a été nécessaire de manier le bâton (la fermeté face à l’URSS de Reagan, d’Helmut Schmidt ou de François Mitterrand au Bundestag en 1982) et la carotte : la mise en place de contacts et dialogues initiés par l’Ostpolitik de Willy Brandt et d’Egon Bahr et parachevés par la conférence et les accords d’Helsinki. Ces derniers ont parfois semblés hypocrites (Comment pouvait-on parler de démocratie avec des non-démocrates qui n’avaient aucune intention de le devenir ?), mais ils ont obligé les pays d’Europe de l’Est à des ouvertures, à accepter des groupes qui suivaient la réalisation des accords d’Helsinki. Bref l’Ostpolitik de Willy Brandt a permis d’établir les réseaux qui ont permis ensuite de profiter de l’affaiblissement du système. Cet homme, Willy Brandt, maire de Berlin, figure de la Social-démocratie, opposant de la première heure au nazisme a apporté une contribution trop souvent négligée, mais qui fut fondamentale, essentielle, unique à la réunification de l’Europe et à sa démocratisation. On ne lui rendra jamais assez hommage.

Au regard de ce passé, 20 ans après, la social-démocratie européenne, mal en point, risque aujourd’hui de se faire sortir des commémorations. La réécriture de l’Histoire est en route. Tous les socialismes sont invités à rejoindre le marxisme-léninisme au rayon des idéologies perdues. Paradoxalement, la crise actuelle, qui souligne les excès, les méfaits, les crimes d’un libéralisme devenus sans limite et sans contrainte donne l’énergie du désespoir aux libéraux : Hâtons-nous, se disent-ils, d’achever tous ces néo-collectivistes qui se sentent à nouveau pousser des ailes, avant qu’ils ne réussissent à conjuguer leurs idéaux, leurs valeurs, avec une analyse de la crise économique et sociale actuelle. Et, qu’ils présentent et des propositions crédibles pour en sortir.

François Mitterrand. L’une de ses actions essentielles en politique extérieure a été de sortir l’Europe du compromis de Yalta. Son discours du Bundestag en 1982 marquait son courage et sa résolution. Il perçut, dès 1984, que Wojciech Jaruzeslki méritait mieux que son image de militaire aux lunettes noires et qu’il participerait au mouvement de démocratisation cette partie de notre continent dès que l’occasion se présenterait. A l’université de Sofia, début 1989, il abordait cette année cruciale pour l’Europe, avec la conviction de l’imminence des changements. François Mitterrand se voit aujourd’hui par le truchement d’archives sélectionnées, publiées par un gouvernement britannique aux abois, décrit comme un homme qui « aimait tellement l’Allemagne qu’il préféra qu’il y en ait deux ». C’est cette dernière image de François Mitterrand qui est actuellement tranquillement colportée par les Ministres du gouvernement Sarkozy lorsqu’ils se déplacent en Europe centrale...

A la veille de l’anniversaire de la chute du mur de Berlin, alors que le PSE va, en décembre, tenir son congrès à Prague, j’espère que la Social-démocratie européenne saura défendre son histoire, et sera se tenir fière de son héritage et de ses combats pour la démocratie en Europe. Que nous parviendrons à montrer que ce combat pour la démocratie n’est pas terminé car il garde aujourd’hui tout son sens. Lorsque monopoles et oligarchies, au nom de leur propre liberté tuent la liberté des autres, sachons redire qu’il n’y a jamais de progrès social, de respect de la dignité là où il n’y a pas de démocratie.

Chez nous, dans nos propres pays, mais aussi à au Sud et à l’Est, Il y a encore tant de « murs de Berlin » à faire tomber…

Jean-Yves Leconte./.

lundi 9 novembre 2009

une réforme croupion, par François Nicoullaud

Aujourd'hui, je reproduis sur le blog le texte d'un expert des questions propres au réseau culturel de l'étranger, François Nicoullaud, président de l'ADFE-FDM, Ambassadeur et ancien directeur de la DGCID :


Le gros défaut de cette réforme croupion, c'est de créer en effet une agence culturelle qui ressemblera étrangement à l'actuelle CulturesFrance, et qui héritera donc de ses deux principaux défauts :

-être une agence sans réseau, au contraire de toutes les agences actives à l'étranger : AFD, AEFE, Ubifrance... ce qui fait qu'elle restera centrée sur les attentes des milieux parisiens de la culture, et que se prolongeront donc les tensions constatées entre le réseau de nos centres et instituts et CulturesFrance,

-être limitée au culturel au sens étroit du terme, puisqu'il semble bien en définitive que la coopération universitaire, scientifique et de recherche continuera à être gérée en direct par le quai d'Orsay. Pourquoi priver ces secteurs fondamentaux de notre action de la "souplesse" apportée par une organisation autonome? mystère...

Le conservatisme, la frilosité l'ont donc emporté en cette affaire. C'est en particulier dommage pour les personnels du réseau, qui finalement n'auront pas la chance d'accéder à la gestion de qualité que leur inclusion dans l'agence pouvait leur apporter : reconnaissance de leurs talents et carrières honorables pour les personnels d'encadrement comme pour les personnels locaux, les uns et les autres mal traités, et souvent méprisés, par un ministère des affaires étrangères qui ne les a jamais considérés comme faisant partie de "la maison". Là au moins, ils avaient la chance d'avoir leur propre maison!.

Et pendant ce temps-là, comme le souligne bien Boris Faure, l'assèchement des moyens de notre action culturelle continue...

françois nicoullaud

vendredi 6 novembre 2009

Une réforme pour le réseau culturel à l'étranger qui reste à faire


Cher tous,

L’annonce faite par le ministre Kouchner de création d’une agence culturelle sous forme d’établissement industriel et commercial ressemble malheureusement a une réforme « Canada dry », elle en a la couleur, mais n’en est qu’un pale ersatz.

N’ayons pas peur de l’affirmer clairement : la réforme du réseau culturel reste toujours à faire.


Je voudrais ici développer des réflexions politiques personnelles à la lumière de mon exercice professionnel au service du réseau culturel à l’étranger, et également en tant que représentant syndical des personnels du réseau (pour l’UNSA Education)

il m’apparaît que c’est un profond sentiment de désenchantement, ou même l’impression d’avoir été floué d’une réforme nécessaire, qui domine aujourd’hui chez les personnels exerçant dans ce réseau, qu’ils soient diplomate de carrière, fonctionnaires détachés, contractuels issus du monde culturel francophone ou recrutés sur place.

Les usagers ne se rendent pas réellement compte de nos tourments institutionnels. Nos subtilités « franco-française » de gestion publique leur échappent souvent, ou même les font doucement sourire.

Par contre, ils peuvent constater tous les jours, la hausse des tarifs de cours de français, les difficultés de fonctionnement quotidien d’établissements culturels qu’ils perçoivent comme en déclin faute de soutien de l’Etat français. Ils déplorent, comme nous le faisons, les fermetures nombreuses de centres culturels en Europe et s’inquiètent de voir le réseau des alliances françaises sous doté en moyens publics.

La réalité de notre réseau à l’abandon ne leur échappe donc pas.


Désenchantés, les personnels du réseau culturel le demeurent :


Car la principale réforme attendue était celle des moyens publics et que le ministre Kouchner ne donne aucune garantie ou ne fait aucune annonce réelle sur ce point crucial (les 40 millions évoqués sont un artifice comptable, ce point a déjà été évoqué en début d’année 2009, ce n’est en rien des ressources publiques nouvelles).

Déjà en 2001, le rapport du sénateur Dauge insistait sur le besoin d’un plan d’urgence budgétaire.

Huit ans plus tard, les vagues répétées d’économies imposées par Bercy au ministère des affaires étrangères ont profondément paupérisé ce réseau culturel d’autant que les arbitrages financiers au Quai d’Orsay lui sont généralement systématiquement défavorables (le Quai, faisant du réseau culturel sa variable d’ajustement budgétaire)

« Sur le problème des moyens, le ministre s’en tient à des annonces sans crédibilité : derrière un discours incantatoire de renforcement du réseau, la réalité financière est celle d’un effondrement sans précédent des crédits budgétaires (-10% en 2007 ; -10% en 2008 ; -20% en 2009) qui ont fait perdre en 3 ans au réseau presque la moitié de ses moyens d’actions » comme le rappelle Helene Conway.

Les syndicats du MAE, en un front unanime (CFDT, UNSA, FO, CGT, FSU, USASC) ont refusé la logique de démantèlement de l’Etat inscrite dans le dépouillement des moyens publics du réseau et accélérée par une gestion industrielle et commerciale de la Culture. Le ministre semble ne pas les avoir entendus.

Les personnels du réseau culturel et diplomatique, consultés en septembre par l’administration du Quai d’Orsay, se sont abstenus de répondre aux questionnaires sur la réforme qui leur était remis - moins de 5% des agents ayant répondu – 95% des personnels ont donc voté « avec leurs pieds », et se sont abstenus sur ce simulacre de concertation.

Une réalité : Le réseau culturel est en voie de commercialisation culturelle avancée :

La piste de création d’ un établissement public administratif, évoquée en 2001 par le rapport Dauge, soutenue de longue date par l’ADFE ou la FFE, et reprise dans le programme de la candidate des socialistes Ségolène Royal, visait à continuer à gérer ce réseau dans un cadre public rénové et renforcé. Le gouvernement Sarkozy a décidé d’emprunter une autre voie de réforme, celle de la privatisation des moyens et des modes de gestion :

Rappelons, qu’ historiquement, l’ambition de ce réseau, qui a plus d’un siècle d’existence, est de faire du rayonnement culturel à l’étranger un élément de diplomatie pour participer, au 21ème siècle, au combat pour la diversité culturelle et contre l’uniformisation des cultures. Tant historiquement que de manière plus contemporaine, ces missions sont donc régaliennes et font partie du cœur des politiques d’actions publiques de l’Etat.

Cette ambition culturelle aurait donc du se traduire en terme de gestion publique, une gestion ayant vocation à être mieux paramétrée dans le cadre d’un établissement public « sanctuarisant » la gestion des moyens humains et financiers des établissements culturels à l’étranger ; L’Etat restant le stratège, via la tutelle du ministère des affaires étrangères, l’agence devenant la courroie de transmission publique pour l’action et la gestion des moyens à l’étranger.

Or, l’annonce faite par le ministre de création d’un établissement public industriel et commercial vient acter une logique de privatisation progressive des moyens et des modes de gestion du réseau déjà en œuvre depuis plusieurs années :

Aujourd’hui, dans la zone OCDE, ce sont les usagers du réseau culturel, et en particulier les apprenants qui suivent des cours de français en institut ou en Alliance, qui payent principalement le cout de fonctionnement culturel du réseau à l’étranger. C’est un tabou institutionnel que peu de décideurs publics veulent admettre car cette réalité se base sur « un non dit » de gestion.

En effet, en diminuant les subventions publiques, « l’autofinancement » des instituts culturels est désormais d’environ 56% dans les pays développés.

Cela signifie en clair, qu’en vendant principalement des cours de français, et dans une moindre mesure en levant des fonds de mécénat auprès d’entreprises françaises ou étrangères, les établissements culturels assurent le financement d’activités culturelles en comblant le manque de subvention publique.

La logique n’est pas mauvaise en soit. J’y vois même personnellement un succès important d’un réseau qui a su s’adapter à la mixité de financement des politiques culturelles à l’heure de l’affirmation de puissance des industries culturelles.

Mais cette logique devient pernicieuse et dangereuse pour la survie du réseau, bassement commerciale si j’ose dire, quand c’est la raréfaction des ressources publiques qui fait office de politique, quand la privatisation se fait à marche forcée, sans s’appuyer sur un cap stratégique, quand les objectifs de « rentabilité » deviennent impossibles à supporter, quand c’est de la fermeture des centres culturels européens qu’on fait dépendre l’ouverture de centres culturels en Asie, quand la RGPP devient une idéologie, celle de la Raréfaction Générale des Politiques (et moyens) Publics :

En 2012, l’objectif est de 60% d’autofinancement pour tout le réseau culturel. Combien de centres culturels français en Afrique pourront survivre à cette marche forcée de gestion ? Combien de centres culturels français en Europe devront fermer pour ne pas pouvoir suivre le pas ?

Certains décideurs du ministère murmurent tout bas que l’objectif à terme est bel et bien de 100% d’autofinancement.

Finalement, ce qu’on nous promet ici, c’est une gestion « Euro Disney » de la « marque culturelle » française, la logique du divertissement culturel comme cap stratégique, le raisonnement du « business spectacle » comme ambition des industries culturelles dominantes auprès desquels nos établissements culturels feront figure de gadgets. La soupe culturelle pour tous en quelque sorte, même insipide et indigeste.

Il y a là une logique de fuite en avant vers des performances que les plus efficaces des institutions culturelles en France ne peuvent atteindre (que l’on regarde le taux d’autofinancement du musée du Louvre ou d’Orsay pour s’en convaincre, ils sont inférieurs à 50%, malgré les projets de développement ouverts par le Louvre des sables d’Abou Dhabi).

La création de l’EPIC (établissement public industriel et commercial) dans ce contexte est un cadeau empoisonné fait à Culture France, et une manœuvre de démantèlement poussé de l’Etat dans un contexte d’austérité budgétaire gouvernementale.

La grogne sociale des personnels de Culture France doit être un signal d’alerte : la réforme Kouchner n’est pas l’Austerlitz de l’action culturelle qu’on voudrait nous vendre, mais bien un Waterloo institutionnel.

Et demain ?

Le projet de loi sur l’action culturelle extérieure sera bientôt discuté par les parlementaires : déposé sur le bureau du Sénat fin juillet et inspiré par la plume libérale des Sénateurs Gouteyron et Duvernois, partisans bons teints du moins d’Etat pour la gestion de la Culture, il devra faire l’objet d’un tir de barrage nourri des parlementaires de gauche.

Il ne faut pas en effet se tromper d’adversaire : On peut évidemment, avec un peu de facilité intellectuelle, stigmatiser l’attitude de certains hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay qui continuent à voir la diplomatie culturelle comme une « danseuse », un « hobby », ou « une cerise sur le gâteau » ( pour reprendre l’expression d’un camarade Sénateur) et les agents du réseau culturel comme des prébendiers hostiles à toute réforme ou tout effort d’adaptation.

Or, Les agents du réseau culturel, agents publics ou agents de recrutement local, ne sont pas hostiles au principe de la modernisation du réseau culturel : Depuis la réforme institutionnelle de 1999, ils ont réussi, dans un climat d'austérité budgétaire croissant, à relever certains défis grâce à leur engagement professionnel et à leur sens de l'adaptation :

la transformation institutionnelle de la DGCID (direction générale de la coopération) en DGM (direction générale de la mondialisation), l'augmentation croissante du taux d'autofinancement des activités culturelles et linguistiques dans les instituts, la montée en puissance du mécénat local, la diversification des activités culturelles pour le rayonnement français à l'international, l'adaptation permanente de l'offre linguistique aux besoins nouveaux des publics étrangers, sont à mettre à leur actif.

Les conservateurs aujourd’hui sont bels et bien ceux qui se précipitent vers le mirage de la culture gérée comme un fond de commerce, qui refusent d’opérer des réformes publiques dotées de moyens budgétaires conséquents et qui participent au démantèlement de l’Etat, sans pour autant assumer ce choix idéologique devant l’opinion publique, en faisant de la Culture une seule entreprise industrielle sans ambition humaine.

Boris

Varsovie