mercredi 29 juillet 2009

libertés publiques, liberté de la presse...


Au menu du jour : Un échange sur les libertés publiques, parfois malmenées en France, et une courte réflexion sur la liberté de la presse...


Chers tous,

quand les socialistes organisent un printemps des libertés au POPB, ils se prennent un bide, et tout le monde se fout de leur gueule. Dommage, car si on prenait la peine de lire le guide "la France en liberté surveillée" que le PS a édité, on se rendrait compte d'une part que c'est de la bonne littérature politique assez travaillée, et d'autre part que les libertés publiques sont en recul dans notre pays.

La liberté de la presse m'intéresse tout particulièrement en ce moment. On connait la phrase de Beaumarchais sur le sacrifice des libertés qui devrait n'en épargner qu'une..."périssent les libertés...à l'exception de la liberté de la presse"

Ces derniers jours, on a beaucoup daubé sur les journalistes qui font mal leur travail, faute de temps, et qui par effet perroquet ont repris en coeur la même grossière erreur, liée à l'arrêt du Conseil Constitutionnel sur le projet de loi Hadopi (NDA : récemment, les journalistes ont collectivement affirmé que le conseil constitutionnel avait censuré ce projet de loi au nom de la liberté de consommation...alors que l'arrêt parlait bel et bien de liberté d'expression)

En matière de liberté de la presse, le problème est d'abord économique avant d'être politique : Tant qu'on acceptera des règles de concentration des groupes de presse dans les mains de quelques uns, on mettra en péril la liberté de la presse dans son ensemble. Les pressions dans les groupes de presse sont à mon sens très subtiles et s'exercent au plus haut niveau. Réduire la voilure dans un journal pour les frais d'enquêtes sur le terrain, empêcher l'envoi de correspondants internationaux faute de moyens financiers, c'est le plus sur moyen de "normaliser" l'information en ne laissant rien qui dépasse. C'est un moyen beaucoup plus efficace et sournois qu'un directeur de rédaction faisant pression sur un des membres de la rédaction...

Avec la mutation du journalisme et l'arrivée des gratuits et la multiplication des source d'informations sur internet, on est passé désormais à un modèle d'informations grouillantes, où le bon grain se mélange à l'ivraie. J'y vois malgré tout une avancée démocratique tant le mundillo journalistique traditionnelle à base de connivences était devenu gerbant...

A force de fréquenter les diplomates qui ne rêvent que de concentration du pouvoir, je suis devenu plus libéral que jamais : Le pouvoir doit arrêter le pouvoir. On peut donc rêver à une presse plus libre et de bonne qualité, qui continuerait à faire son travail sur le Karachi-gate, et qui ferait trembler les puissants de ce monde...

On en est malheureusement loin...

Amitiés fraternelles

Boris

vendredi 24 juillet 2009

Projet de loi action extérieure de l'Etat


UN PROJET DE LOI AMBIGUË ET POTENTIELLEMENT PIEGE SUR L ACTION EXTERIEURE DE L ETAT

Le projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat vient d’être déposé sur le bureau du Sénat et sera vraisemblablement examiné en commission parlementaire en septembre.

Ce projet de texte, que vous pourrez trouver à l’adresse ci-jointe, http://intranet.senat.fr/leg/pjl08-582.html pourrait avoir potentiellement de fortes conséquences pour la définition et l’application de la politique de coopération culturelle, scientifique et technique à l’étranger grâce notamment à la création de deux opérateurs chargés de la mise en œuvre de cette coopération, un appelé à agir pour « la mobilité internationale », l’autre pour l’action culturelle extérieure.

A ce stade, difficile d’avoir une vue claire de l’ensemble des conséquences de cette loi, encore à l’état de projet, et qui sera discuté et certainement amendé par les parlementaires qui auront l’occasion d’en préciser et modifier le contenu.

On peut cependant dès maintenant soulever un certain nombre d’interrogations pour mieux analyser les conséquences possibles de ce texte pour le dispositif de coopération tel qu’on le connaît aujourd’hui et pour le devenir des agents exerçant dans ce réseau.

Ces interrogations portent sur la définition de la notion de coopération, sur l’oubli de la coopération linguistique dans le nouveau dispositif législatif en préparation, sur les ambigüités statutaires du régime d’emploi des agents, ainsi que sur l’autonomie réelle de gestion confiée aux opérateurs

L’EXPERTISE INTERNATIONALE, COOPERATION MODERNISEE OU COOPERATION PRIVATISEE ?

Un des éléments importants de ce projet sur l’action extérieure de l’Etat est d’élargir le champ d’application de la coopération : Il ne concernera plus seulement les relations entretenues par l’Etat français avec les Etats étrangers mais portera également sur les actions mises en œuvre auprès « d’autres personnes publiques ou privées que les Etats étrangers »(titre 2). La coopération ne relèvera plus uniquement des services centraux du ministère des affaires étrangères puisque sa mise en œuvre s’appuiera sur des opérateurs extérieurs publics, le ministère se réservant la définition des objectifs stratégiques de notre politique internationale.

Commentaire sur la redéfinition de la notion de coopération

Cette redéfinition de la notion de coopération est donc sujette à commentaires : Il s’agit effectivement d’une tentative de modernisation du champ d’application de la coopération, qu’elle soit culturelle, scientifique ou technique, en permettant par exemple, selon l’article 8, à l’Etat français de mettre en œuvre, via les opérateurs, une coopération rénovée avec des organisations internationales ou des instituts de recherche étranger et plus uniquement avec des Etats.


Un objectif commercial pour l’expertise internationale française ?

Cependant, il faudra veiller à ce que le champ de la coopération n’entre pas sur la pente glissante d’une coopération aux objectifs uniquement commerciaux : Les deux opérateurs publics français pourraient placer leurs experts auprès d’entreprises ou d’industries privées étrangères, facturer ces services d’expertises dans des domaines ne relevant pas nécessairement de l’intérêt public, tout en restant subventionnés et aidés par l’Etat français. Le terme extensif et ambigu « d’expertise internationale » qui remplacera la définition plus stricte de la coopération française donnée par la loi de 1972 (Aide au développement, rayonnement culturel et scientifique…) permettra bien des contorsionnistes d’application : En grossissant le trait, pourrait on voir un expert français se pencher au chevet de General Motors pour apporter les lumières de l’expertise française en matière de politique industrielle automobile, avec les subventions du contribuable français ? Facturer une prestation d’expertise technique à une entreprise étrangère à des fins commerciales est il réellement ce qu’on attend d’une politique de coopération internationale ?

Dès lors, ne risque t on pas de voir un éclatement et une dispersion de nos missions d’expertises, dont le cœur de cible devrait rester la mise en œuvre d’une coopération universitaire, scientifique, linguistique et culturelle, alors que l’objectif commercial demeure pour juger de l’efficacité de cette expertise ?

Le fait de concevoir la modernisation comme une privatisation de pans entiers de l’action de l’Etat n’est il pas en soit un choix doctrinal ?

Je crois que sur ce terrain là, le débat parlementaire devrait éclairer grandement ce qu’on doit attendre d’une politique de coopération rénovée qui ne soit pas sacrifiée à l’impératif unique de rentabilité.

LE NON DIT AUTOUR DE LA COOPERATION LINGUISTIQUE :

Le champ de la coopération linguistique n’est pas abordé dans ce projet de loi sur l’action extérieure. Or, les missions des services de coopération culturelle ou des instituts et alliances du réseau culturel aujourd’hui, donnent une place majeure à la diffusion de la langue, pièce maitresse de la définition de la culture française.

Qui pilotera demain l’action linguistique française à l’étranger ?

L’association « CultureFrance », qui servira de pivot au futur opérateur sur l’action culturelle extérieure de la France, est aujourd’hui un opérateur d’évènements culturels (via les saisons françaises à l’étranger), une machine habile à sélectionner et faire connaître l’offre culturelle de spectacles exportables à l’étranger, et un réservoir de talents en matière d’ingénierie culturelle pour le conseil d’institutions culturelles étrangères. Mais Culture France ne possède pas d’expertise particulière en matière d’organisation de la coopération linguistique de la France à l’étranger, celle-ci relevant soit de l’Alliance française de Paris, soit des services de coopération pour le français du ministère des affaires étrangères ou des services du ministère de l’éducation nationale et d’institutions en dépendant comme le CIEP .

Comment imaginer qu’un projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat pourrait faire l’impasse sur la mise en œuvre sur l’expertise française en matière de coopération linguistique ? Ne faudrait il pas, pour garantir la gestion d’une coopération linguistique modernisée et efficace, faire rentrer le ministère de l’éducation nationale dans la tutelle de la future agence culturelle, faciliter également le développement de liens fonctionnels avec l’Alliance française de Paris en matière linguistique, développer des passerelles entre l’AEFE et la future agence, en posant ainsi les bases d’une modernisation possible de notre coopération linguistique ?

Quand les instituts français développent une coopération linguistique constituant plus de 50% de leur activité (et de leurs ressources par facturation des cours de langue), on voit mal pourquoi la future agence culturelle devrait ignorer ce champ de coopération, sauf à donner le signal d’une délégation ou d’une privatisation de la coopération linguistique. Privatiser cette activité serait dès lors se priver d’un poumon financier potentiel pour rendre viable la gestion de l’opérateur privé qui aurait la charge de son pilotage.

Le projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat est donc très opaque sur ce point. C’est peut être d’ailleurs un silence en forme d’aveux :

Un nouveau Yalta linguistique et culturel serait il en préparation ?

La coopération linguistique sera elle confiée uniquement aux Alliances ? Est-ce que ce transfert de compétences linguistiques s’accompagnera de transferts de subventions publiques en conséquence ? N’y a-t-il pas le risque d’aboutir à une coopération linguistique et culturelle à deux vitesses si les transferts de fonds publics de se font pas vers les Alliances ? L’AEFE qui s’occupe de coopération linguistique devra elle rester spectatrice de ces grandes manœuvres alors qu’il y aurait tant à gagner à développer des synergies communes ?

Créer une fracture entre activités culturelles et activités linguistiques serait porter un coup fatal au dispositif culturel français à l’étranger tel qu’il est conçu depuis toujours c'est-à-dire comme une liaison féconde entre Langue et Culture.

LES AMBIGUITES STATUTAIRES POUR LES FUTURS EXPERTS INTERNATIONAUX /

Le projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat est assez loquace sur les questions de gestion du personnel. Ne doutons pas que les rédacteurs de ce texte aient voulu ménager la susceptibilité des agents en poste à l’heure actuelle dans le réseau de coopération et qui attendent avec inquiétude et souvent avec scepticisme les changements institutionnels de notre dispositif de coopération.

Primes d’expatriation et exonérations fiscales maintenues :

Le régime d’expatriation (primes à l’expatriation exonérées d’impôt sur le revenu) semble à cet égard maintenu. La durée des séjours semble devoir passer de 4 ans à l’heure actuelle à 6 dans le nouveau dispositif. C’est une demande portée par un grand nombre de décideurs qui souhaitent inscrire dans la durée l’action des coopérants en poste à l’étranger.

Le supplément familial pour les conjoints serait également maintenu sous une forme légèrement retouchée.

Incertitude majeure sur les compléments familiaux pour les enfants d’expatriés

En revanche, on ne sait rien du devenir du supplément familial pour les enfants d’expatriés, qui à l’heure actuelle se justifie notamment par les frais d’écolage pour la scolarisation des enfants français dans le réseau de l’AEFE. La mise en œuvre de la gratuité dans les lycées français, bien qu’imparfaite et incomplète, est elle la justification de l’abandon apparent de ce supplément familial ? Peut-on réduire la justification du supplément familial pour les enfants aux seuls frais de scolarité ? En France, rappelons que les suppléments familiaux ne sont pas conditionnés aux frais de scolarité, théoriquement gratuits. Il y a là clairement un risque évident de restriction des compléments sociaux versés aux expatriés.

Un régime d’emploi ambiguë

Le régime d’emploi des futurs experts internationaux n’est pas d’une grande clarté, et la qualification d’agents publics sera donc difficile à constituer pour ces agents employés vraisemblablement sur des contrats de droit privé, mais avec certains droits relevant de la fonction publique (droit à passer les concours internes notamment).

Ce texte veut éviter toute possibilité d’intégration des agents fonctionnaires détachés comme experts internationaux auprès d’opérateurs de gestion relevant du ministère des affaires étrangères ; Il est étrange, alors que la loi sur la mobilité dans la fonction publique a rappelé le principe de l’intégration dans l’administration d’accueil au bout de cinq années de détachement, que ce texte prenne une direction opposée.

Le détachement de fonctionnaires comme experts deviendra couteux

Il est troublant de voir que la mise en œuvre du détachement pour les fonctionnaires (qu’ils soient fonctionnaires d’Etat ou des autres fonctions publiques, territoriales ou hospitalières), entrainera au bout de deux ans, la mise en œuvre d’un reversement de cotisations auprès des caisses de pension de retraite : en clair, cela voudra dire qu’un fonctionnaire détaché comme expert international pourra subir un prélèvement de la part salarié et de la part employeur des cotisations sociales qui pourrait être à la charge de l’organisme d’accueil.

En tout état de cause et quelle que soit la formule technique retenue pour gérer les détachements auprès des futurs opérateurs, la mise en œuvre du décret de décembre 2007 sur les pensions des fonctionnaires détachés pourrait conduire à renchérir fortement le cout de l’utilisation d’experts fonctionnaires, puisque le cout de la pension serait supporté par l’organisme d’accueil.

Il y a là un risque majeur d’éviction des experts fonctionnaires au bénéfice d’experts privés.

LES SUJETS QUI FACHENT SONT POUR L INSTANT MIS DE COTE

Quelles compétences de gestion pour les opérateurs pour quelle autonomie par rapport à la tutelle MAE ?

La loi ne dit pas qu’elles seront les compétences de gestion de l’opérateur culturel sur les instituts culturels. On ne sait rien non plus du devenir de la réforme actuelle du réseau culturel visant à expérimenter la fusion entre les services culturels des Ambassades et les instituts français.

On semble lire pourtant entre les lignes que les services culturels des Ambassades continueront à exister alors que jusque là il était prévu de fusionner en une seule entité Etablissements et services culturels pour simplifier notre dispositif diplomatique en le rendant plus efficace.

N’y a-t-il pas le risque d’une coopération culturelle à deux vitesses avec des personnels sous statuts diplomatiques dans les Ambassades s’occupant de gestion stratégique de la coopération culturelle, et des personnels experts sous statut privé chargés de la mise en œuvre de cette coopération sur le terrain ?

L’opérateur culturel sera il chargé de la gestion RH et de la gestion financière des moyens ?

On ne sait pas non plus, mais les débats parlementaires et les futurs décrets d’application le préciseront sans doute, si la gestion humaine des experts travaillant en instituts sera transférée au futur opérateur culturel, on ne sait rien pour l’heure de la gestion des moyens financiers constitués par les subventions de fonctionnement et d’actions culturelles et linguistiques déléguées à l’heure actuelle par les ambassades aux instituts…

Est-ce que l’opérateur culturel à Paris deviendra aussi un super opérateur de gestion, sur le modèle de l’AEFE, en recrutant et gérant les experts, et en déléguant aux instituts des subventions ? Le parc immobilier constitué par les instituts sera il lui aussi géré par cet opérateur ?

La réponse à ces questions donnera une idée de la viabilité de ces opérateurs qui sans moyens publics nouveaux, et malgré les ressources privées qu’ils pourraient lever en terme de mécénat par exemple, risqueraient vite de se retrouver dans une situation de gestion tendue.

Les Ambassadeurs garderont ils la main ?

Quel rôle garderont les Ambassadeurs et le Quai d’Orsay dans le pilotage concret des établissements culturels ? C’est un des sujets majeurs de discorde entre les agents du Quai et le ministre Kouchner ; Les Ambassadeurs craignent beaucoup les tentatives d’autonomisation du réseau culturel et verraient d’un mauvais œil la coopération culturelle et scientifique passer à des opérateurs extérieurs sur lesquels ils auraient peu de prise.

Un recrutement local jamais harmonisé ?

Les agents de recrutement local du réseau culturel perdront ils toute chance d’être géré comme agents de l’Etat, comme le sont à l’heure actuelle leurs collègues travaillant en Ambassade ? Il faut craindre que le MAE ait trouvé une solution pour ne jamais harmoniser la situation salariale des recrutés locaux de ses divers réseaux diplomatiques. Comme ce dossier fait du sur place, faute de moyens nouveaux pour payer le cout d’une harmonisation sociale par le haut, passer les agents de recrutement local du réseau culturel sous statut de gestion privé pourrait éviter d’avoir à se poser demain la question de l’harmonisation. Ce serait là un véritable échec social sur un sujet majeur pour les personnels locaux.

Beaucoup de questions piégées donc, et d’ambigüités institutionnelles que ce projet devra tôt ou tard lever…

Restons toutes et tous vigilants et mobilisés sur cette réforme de tous les dangers.

Amitiés
Boris

mercredi 22 juillet 2009

entre attentes et inquiétudes suite aux élections professionnelles au MAE


Suite à une question écrite de la sénatrice Claudine Lepage sur les élections professionnelles au ministère des affaires étrangères, je suis intervenu sur le forum des socialistes de l'étranger pour faire un bilan des élections de 2009 au MAE et dresser quelques perspectives pour le dialogue social local dans les postes diplomatiques, sous fond d'inquiétudes des personnels.



Chère Claudine et Chers tous,

C’est une bonne chose en effet de s’intéresser aux élections professionnelles au ministère des affaires étrangères puisqu’un nouveau dispositif est en place pour encadrer la représentation des personnels désormais.

L’accord cadre de l’été 2008 a été signé par une majorité de syndicats représentatifs du MAE, notamment la CFDT et l’UNSA, et s’applique depuis cette année dans le réseau diplomatique ou ont été organisées des élections pendant les 6 premiers mois de l’année (l’accord cadre permettant cette souplesse, il n’y avait pas de date unique d’élection fixées pour les postes).

Ces élections ont été très suivies, avec environ 80% en moyenne de participation, qu’on parle du collège des recrutés locaux ou de celui des expatriés. Les Ambassades ont joué le jeu globalement en organisant des assemblées générales pour présenter le nouveau dispositif de dialogue social et pour ensuite organiser des élections dans la foulée.

Les résultats donnent la CFDT en tête sur le collège des recrutés locaux, l’UNSA venant en second. Pour le collège des expatriés c’est l’inverse (UNSA en 1, CFDT en 2). La CGT arrive en 3eme position, les autres formations syndicales (FO, FSU, USASC…) obtenant des scores autour, ou inférieurs, à 10%.

Le bon taux de participation ne saurait cependant dissimuler certaines difficultés ou inquiétudes profondes pour les personnels qui ont participé aux élections en restant cependant lucides sur les limites de l’exercice :

- Les fortes attentes des agents de recrutement local en matière d’harmonisation salariale (un poste diplomatique sur deux a échoué pour l’heure à harmoniser les grilles de salaires des agents travaillant en Ambassade avec ceux travaillant dans le réseau culturel) vont nécessairement être un sujet de discussion et de discordes, dans les instances de concertations locales :

Il est assez classique, pour les Ambassadeurs, de se défausser sur Paris et l’administration centrale, pour expliquer l’absence d’harmonisation sociale faute de moyens nouveaux, dans une période de baisse des subventions ; Par ailleurs, les chefs de poste arguent souvent de l’autonomie financière des établissements culturels pour expliquer que l’harmonisation doit se faire sur les réserves de l’établissement ou en augmentant l’autofinancement, ce qui revient à enterrer souvent toute possibilité d’harmonisation dans un réseau culturel qui s’autofinance déjà ) 58% en moyenne et à donc du mal à dégager de nouvelles ressources par le mécénat ou la vente de cours.

La concertation risque donc vite de se heurter à une impasse sur ce dossier de l’harmonisation sociale, un thème brulant, sujet d’attentes évidentes pour des salariés qui, dans certains établissements culturels, gagnent entre 30 et 50% de moins que leurs collègues en Ambassade, à responsabilités égales.

- Dans les petits postes diplomatiques, et c’est le cas de Port Gentil, l’effectif de personnels inférieur à 12 personnes n’a pas autorisé l’organisation d’élections. Même si tous les agents sont membres de droit des instances de concertation dans ce cas, on peut craindre que l’absence de légitimation par l’élection aboutisse à une concertation artificielle où la voix des personnels aura du mal à se faire entendre. Bien entendu, une forte culture syndicale ou le leadership de personnalités fortes et reconnues parmi le personnel peuvent contrebalancer l’absence de légitimation électorale. Mais je crains que globalement, il y ait une fragilisation du dispositif de concertation sur la cinquantaine de postes concernés

En outre, le personnel des Alliances françaises a été, partout, écarté du dispositif de concertation (que l’on parle des personnels expatriés directeur d’alliances ou directeur des cours ou du personnel de recrutement local). Même si les Alliances sont des structures de statut local, on peut amèrement regretter que ces pièces essentielles du dispositif culturel et linguistique ne puissent avoir voix au chapitre quand il s’agit d’organiser une concertation avec les autorités de l’Ambassade.

- Le réseau diplomatique, consulaire et culturel est rentré dans une période de grandes manœuvres institutionnelles et de changements : que l’on pense au livre blanc qui dresse les pistes d’une diplomatie rénovée, que l’on songe au projet de loi en préparation sur l’action extérieure de l’Etat, que l’on évoque l’agence culturelle en cours de montage, tous les agents sentent bien qu’un vent de changements risque de souffler sur le ministère : malheureusement c’est plus la crainte d’un vent mauvais qui prédomine chez des personnels habitués depuis une dizaine d’années à subir des réformes-prétextes qui dissimulent mal des mesures d’économies quand ce n’est pas une cure d’austérité. Le scepticisme actuel des agents s’exprimera nécessairement dans les instances de concertation où seront évoquées les effets des différentes réformes pour chaque poste diplomatique : la classification des ambassades en plusieurs catégories ne sera elle pas bientôt l’occasion de supprimer des postes ? la réorientation de l’action du MAE vers les pays émergents se fera elle encore en diminuant drastiquement le réseau diplomatique en Europe ? les transferts de compétences en matière consulaire vers le ministère de l’immigration et de l’identité nationale continueront ils ? la fusion entre les SCAC (services de coopération et d’action culturelle) et les instituts français donnera t elle lieu à des suppressions massives d’effectifs ? Que fera l’agence culturelle pour gérer l’action linguistique dans les Alliances et les instituts ?

Voilà les questions courantes que se posent les agents du réseau diplomatique et culturel, le plus souvent avec une angoisse palpable.

- une autre difficulté d’application du dialogue social dans les postes diplomatiques tient aux limites mêmes de la concertation où les personnels sont consultés une seule fois par an (c’est un minimum, certes, imposé aux Ambassadeurs qui peuvent organiser plus d’une réunion de concertation), et seulement pour avis. Pour avoir assisté à des réunions de concertations en tant que représentant du personnel, la qualité du dialogue social et la mise en œuvre d’avancées pour les personnels, dépendent surtout de la bonne volonté de l’Ambassadeur et du premier conseiller, qui fait souvent ici office de chef du personnel. Certains chefs de postes peuvent se servir intelligemment du dialogue social, en recueillant les témoignages et les points de vue d’agents libérés du poids étouffant de la hiérarchie durant le temps d’une réunion, et qui font ainsi remonter en direct auprès de l’Ambassadeur des difficultés rencontrées au cœur du terrain. La qualité de l’écoute de certains chefs de poste, la volonté de prendre des mesures sociales pour que la France montre l’exemple dans la gestion de son personnel et de ses structures à l’étranger, permettent parfois des avancées importantes. Pourtant, l’impression demeure tenace d’un dialogue social restant souvent un dialogue de sourd, ou un alibi à l’inaction : le MAE reste une administration conservatrice, créée il y a plus de trois siècles, très pyramidale, peu encline à tolérer la pluralité d’expression sociale. Le rapport de force syndical reste, une fois le dialogue social et la concertation épuisés, la seule arme possible du changement.

L’année 2010 sera celle de nouvelles élections professionnelles, celles pour désigner les représentants du personnel au CTPM (comité technique paritaire ministériel). Elles seront très importantes pour les syndicats puisqu’elles permettront de mesurer leur représentativité (les élections professionnelles locales de 2009 n’ayant pas ce rôle).

Après avoir opposé un front du refus aux réformes actuelles, insuffisamment discutées avec les personnels (boycott du dernier CTPM de juillet, lettre critique au ministre envoyée il y a quelques jours) les syndicats devront en 2010 néanmoins continuer ce dialogue complexe avec l’administration du MAE pour essayer de se faire entendre de manière plus large. Ne doutons pas que la tenue de concertations locales, permettra de faire remonter vers l’administration du MAE les angoisses du personnel de cette grande maison pour, peut être, aboutir à des réformes plus respectueuses des attentes des femmes et des hommes qui servent cette administration.

Boris

Varsovie

lundi 20 juillet 2009

Sortir du Statu Quo pour une réforme du réseau culturel de l'étranger


Les journées du réseau culturel se sont déroulées la semaine dernière à Paris. Elles permettent chaque année aux professionnels du réseau culturel français de l'étranger, exerçant dans les postes diplomatiques ou en administration centrale, de se retrouver pour des journées d'échanges et de réflexions.

Cette année, ces journées étaient très attendues, car le ministre des affaires étrangères devait annoncer les grandes lignes de la réforme du réseau culturel de l'étranger dont la création d'une agence autonome devait être un des axes forts.

Hélène Conway, représentante de la Fédération des français de l'étranger du parti socialiste, et Claudine Lepage, sénatrice socialiste des français de l'étranger, nous ont fait part de l'annonce avortée de l'agence sur laquelle le ministre n'a pas donné beaucoup de précisions, les discussions avec les professionnels du réseau devant, d'après lui, continuer pour permettre à cette réforme d'aller de l'avant.

Je suis intervenu sur le forum des socialistes de l'étranger pour expliquer les conditions possibles de sortie du Statu Quo actuel, qui empêche l'aboutissement de cette réforme

Chers tous,

Merci tout d'abord à Claudine et Helene de nous restituer les informations des journées du réseau culturel en train de se dérouler à Paris.

j'ai aujourd'hui quelques réticences à intervenir sur nos forums de discussion tant le surplace du ministre Kouchner nous prive de toute perspective d'évolution du réseau dans les mois qui viennent, alors que l'impression d'enlisement est tenace pour tous, professionnels en poste à la centrale ou dans le réseau de l'étranger, usagers et français de l'étranger qui constatent l'étiolement des moyens financiers de fonctionnement de ce réseau en même temps que les fermetures d'établissements.

Des forces antagonistes agissent aujourd'hui qui empêchent, pour l'heure, tout consensus autour de la réforme construite autour d'une agence culturelle autonome, et il me semble nécessaire d'ébaucher un tableau synoptique des forces en présence, pour celles et ceux que ce dossier complexe intéresse. Par ailleurs, on peut tenter de dessiner aussi les conditions politiques d'un déblocage de la réforme de ce réseau, malgré les incertitudes de l'enlisement actuel :

LE CAMP DU NON :

Les diplomates de carrière sont vent debout contre l'agence, perçue comme une dispersion et un affaiblissement du dispositif diplomatique. Les Ambassadeurs craignent notamment une perte de contrôle sur les moyens et les agents du réseau culturel qui seraient pilotés directement par l'agence.

Les syndicats de personnels sont désormais unanimement contre le projet d'agence vue comme une "amputation du ministère". Ils l'ont exprimé par un boycott du dernier Comité technique paritaire ministérielle de début juillet et par une lettre au ministre datée du 16 juillet qui stigmatise la gestion privée des personnels d'une agence prenant la forme d'un EPIC (établissement public industriel et commercial), et la perte de moyens financiers qui résulterait d'une agence livrée en pature aux économies induites par la RGPP (révision générale des politiques publiques).


LE CAMP DU OUI

Les sénateurs sont largement pour une agence construite sous forme d'EPIC, autour de CultureFrance, et qui ferait rentrer dans la tutelle, au côté du Ministère des affaires étrangères, le ministère de la Culture (Cf le récent rapport conjoint de la commission des affaires étrangères et commission culture du Sénat)

Les membres de CultureFrance, à commencer par leur sémillant directeur Olivier Poivre d'Arvor, sont impatients de voir aboutir un projet d'agence qui ferait de leur structure le pivot du pilotage du réseau et donc renforcerait son pouvoir de rayonnement.

LES SCEPTIQUES

Les membres de l'Alliance française de Paris sont certainement plus sceptiques et dubitatifs par rapport à un dispositif d'agence qui ne semble pas leur offrir ni davantage de visibilité, ni davantage de moyens, l'agence se construisant davantage autour du pilotage des instituts culturels et services culturels d'Ambassade, sans résoudre véritablement la question de la dualité de notre dispositif (Alliances et instituts).

Il me semble aussi que les agents en poste (en centrale ou dans le réseau à l'étranger) partagent très largement un scepticisme de rigueur devant l'antagonisme des positions des groupes constituées et devant la cure d'austérité trop longtemps subie par ce réseau.

L'HESITANT DANSEUR

Dans ce jeu d'équilibrisme entre divers réseau d'influence, le ministre semble naviguer à vue. Faire la réforme contre son administration et contre les diplomates du Quai semble trop couteux politiquement et serait synonyme d'isolement dans son propre ministère. Cependant ne doutons pas qu'il perçoive l'exaspération de nombreux praticiens culturels en poste. Sa valse hésitation va devenir de moins en moins tenable au fur et à mesure que le temps passera et que l'austérité budgétaire du gouvernement continuera à faire des dégats sur le terrain culturel à l'étranger.

SORTIR DU STATU QUO ?

"De l'audace encore de l'audace toujours de l'audace", seule une volonté politique forte et déterminée serait à même de résoudre la question de la réforme. C'est une première condition nécessaire mais pas suffisante. D'autres conditions devraient être réunies pour sortir de l'ornière :

- un plan de rattrapage budgétaire serait à même de convaincre les sceptiques qui voient dans la réforme un alibi ou un prétexte pour de nouvelles économies. Pour rénover les bâtiments d'instituts ou d'Alliances qui auraient besoin de sérieuses rénovations, pour remettre de l'argent public sur les nouvelles priorités géographiques et diplomatiques des pays émergents sans avoir à soumettre à une cure d'amaigrissement le dispositif culturel en Europe, pour doter les agents locaux d'un statut unique (Ambassade et réseau culturel) en menant à bout l'harmonisation sociale des situations des recrutés locaux. Pour redonner quelques subsides aux alliances qui payent chèrement parfois le cout de leur autonomie au prix d'un émiettement entre des structures locales trop diversifiées/ Comme le suggère Helene, un moratoire des moyens serait une manière, dans un premier temps, de rassurer tous les personnels qui voient l'étiolement des moyens s'opérer inexorablement depuis une dizaine d'années/

Le problème principal du réseau culturel est donc celui de ses moyens bien avant d'être celui de ses missions ou de son pilotage institutionnel. L'absence de réponse sur l'étiolement des moyens crispe le débat actuel et renforce les logiques de défense corporatiste des divers "pré carrés" en présence.

- La question de la tutelle de l'agence est cruciale car elle donnera le sens général des missions données au réseau culturel à l'étranger : Le choix n'est pas seulement entre une tutelle unique portée par le Ministère des affaires Etrangères (et donc d'un réseau culturel perçu avant tout comme un instrument de soft power diplomatique) ou d'une double tutelle du ministère de la culture et du MAE qui réconcilierait les politiques culturelles extérieures et intérieures sous une même bannière unique.

En effet, si l'on ne veut pas laisser la coopération linguistique sombrer comme un élément marginal dans le nouveau dispositif, le ministère de l'éducation nationale aurait toute sa place, à côté du ministère de la culture et du ministère des affaires étrangères, pour piloter l'agence en co tutelle. Nombres d'institutions dépendant de l'éducation nationale, notamment le CIEP, ont un rôle déjà important en matière de coopération linguistique à l'étranger, on voit mal pourquoi le MEN serait exclu d'un dispositif institutionnel rénové. La langue est l'élément principal d'une culture, et développer les liens de travail entre l'AEFE et la future agence culturelle serait une nécessité absolue qui apparaît pourtant rarement dans les propositions de réformes actuelles.

Une véritable autonomie de fonctionnement se dégagerait d'une agence sous triple tutelle conçue comme une forme d'équilibre des pouvoirs empêchant un des paramètres, Culturel, diplomatique ou linguistique, de prospérer au détriment des autres.

- D'autres réformes importantes sont attendues, par exemple sur le mode de gestion des agents expatriés à l'étranger, pour offrir davantage de passerelles et de continuité de carrière aux agents du réseau culturel revenus en France notamment. Le mode de recrutement est également à revoir intégralement (Cf échanges de courriels en date du 14 juillet sur le forum ADFE "vaincre le système caséiste en matière de recrutement…).

Quand les autres réseaux culturels étrangers s'étoffent et se densifient (à l'exemple du réseau Cervantès ou du réseau des centres culturels chinois) tout retard dans la réforme se révèlera coupable. La France a pu servir jadis de modèle de développement culturel aux autres nations soucieuses de développer leur influence internationale en promouvant leur culture à l'étranger. Il ne s'agirait pas demain que le réseau culturel français soit étudié en tant que vestige d'une époque passée comme on regarde avec émotion un beau monument en ruine…

Boris

vendredi 17 juillet 2009

Gratuité, égalité, jurisprudence




Suite du débat sur la gratuité de l'enseignement public français à l'étranger

Chers tous,

pour poursuivre le débat, et à la suite de Gabrielle Durana, je crois qu'il faut s'avancer sur le terrain juridique pour juger de l'application du principe d'égalité et de gratuité à l'étranger et pouvoir anticiper sur le verdict du juge administratif suite au recours de nos camarades de madagascar.

Le conseil d'Etat dans les arrets Ville de Tarbe (85) etcommune de Nanterres (97) a indiqué clairement que l'application du principe d'égalité admet des exceptions dans 3 cas :

d'abord, quand c'est la conséquence nécessaire d'une loi, ensuite, quand existe des différences de situation (qu'évoquait Gabrielle justement), et, enfin, quand existe une nécessité d'intérêt général en rapport avec l'objet du service.

Par ailleurs, la nature du Service public (obligatoire ou non) doit également etre étudiée pour juger des possibilités d'appliquer des conditions tarifaires différentes aux usagers du service.

Il me semble qu'en l'espèce, les écoles françaises à l'étranger sont un service public obligatoire pour les ressortissants français (soumis à l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans) et un service non obligatoire pour les ressortissants étrangers (le juge pouvant indiquer qu'une scolarisation dans le système scolaire étranger local est toujours possible pour les ressortissants étrangers)

Par ailleurs, il parait évident que les différences de situation existent, par niveau scolaire (que l'on soit un élève du primaire ou du secondaire) , mais surtout en fonction de l'accessibilité des écoles (maillage plus ou moins important d'école française selon la ville de résidence ou le pays de résidence), et de leur mode de gestion (direct, conventionné...)

Sans être juge administratif, et au risque de me tromper, il me semble que le juge pourrait donc autoriser les discriminations tarifaires en fonction de la nationalité des élèves (français ou étrangers)

Il semble aussi qu'un rappel du principe général de gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger sera fait par le juge, tout en admettant des discriminations tarifaires liées au mode de gestion de l"école française : une école en gestion directe (AEFE) devrait pouvoir faciliter l'application du principe de gratuité de part ses liens directs avec l'Etat, une école conventionnée ou homologuée, devant pouvoir appliquer un système plus différencié avec un mode de gestion plus discriminatoire en terme tarifaire, en fonction des niveaux scolaires notamment (le cout du financement de la gratuité n'étant pas le même que l'on soit élève du primaire ou élève de terminales)

Je ne suis pas certain qu'un jugement de ce type serait satisfaisant et conforme à nos valeurs socialistes

j'espère donc me tromper dans mon raisonnement juridique.

Et rappelle que le combat reste avant tout politique pour une scolarisation gratuite pour tous (français et étrangers) en se posant le question des moyens et du financement de ces missions de la France à l'étranger. une grande loi sur l'enseignement public à l' étranger pourrait résoudre ces problèmes

Amitiés fraternelles

boris

PS : Cf pour un commentaire des arrêtes ville de Tarbes et commune de Nanterres, le lien suivant

http://www.fallaitpasfairedudroit.fr/pg056.html : ces arrêts concernent des Services publics non obligatoires, et me semblent pertinents car la mission des écoles françaises à l'étranger me semble double , obligatoire (scolarisation des élèves français) et non obligatoire (rayonnement culturel en français pour les élèves étrangers)

lundi 13 juillet 2009

la Gratuité de la scolarité à l'étranger




Le débat du jour porte sur la gratuité de l'enseignement public français à l'étranger. Mesure mise en oeuvre par Sarkozy, la gratuité n'est aujourd'hui que partielle, puisqu'elle a vocation à s'appliquer progressivement et ne concerne que les classes de terminales. Cette mesure a été vivement critiquée au moment de son introduction par le Parti socialiste qui y voyait un effet d'aubaine pour certaines familles fortunées d'expatriés notamment. Ce débat continue à agiter le forum des socialistes de l'étranger.


Chers tous,

On ne peut que souscrire moralement à l’idée d’une école gratuite à l’étranger concernant tous les élèves, quel que soit leur niveau de scolarisation, et qui n’applique pas de discrimination tarifaire entre ressortissants français et étrangers. Les signataires membres du collectif « parents, enseignants, élus » de Tana réclament donc, en quelque sorte, l’extension à l’étranger du modèle en vigueur dans l’hexagone au niveau de l’école publique (un enfant Afghan ou malien est scolarisé en France dans les mêmes conditions de gratuité qu’un enfant Breton ou Alsacien, qu’il soit élève du primaire ou du secondaire)

Mais derrière cette ambition universaliste et égalitaire, une même école pour tous et aux mêmes conditions, ambition que je suppose unanimement partagée dans notre fédération socialiste, se cache le débat sur l’application du principe de gratuité à l’étranger mis en œuvre par le Président Sarkozy, soit une mesure qui créée pour l’heure plus de problèmes qu’elle n’en résout :

Pour l’instant nous expérimentons « l’égalité et la gratuité partielle » soit une situation qui a créée de forts effets inégalitaires : La gratuité ne concerne que certains niveaux scolaires (lycée) en excluant les autres pour l’instant du bénéfice de cette mesure. Elle créée un « effet d’aubaine »au niveau des familles fortunées puisqu’elle s’applique uniformément sans condition de ressources. La compensation partielle de son coût auprès des établissements scolaires à l’étranger aboutit à la tentation de reporter les charges de fonctionnement des établissements sur les familles étrangères qui verraient dès lors les frais de scolarité augmenter sensiblement. Elle place de nombreux établissements dans une situation fragile. Elle conduit souvent au report d’autres mesures cruciales pour certains établissements comme la mise au norme des installations en termes de sécurité de l’accueil des élèves. Elle aboutit, plus globalement, pour l’AEFE , à une précarité des finances de l’agence, autre effet de l’absorption de cette mesure, son fond de réserve atteint un niveau dramatiquement bas au point que l’on craigne une situation de cessation de paiement possible.

Les effets négatifs l’emportent donc largement sur les attentes positives et universalistes sous jacentes à la gratuité.

Je comprends donc parfaitement l’inquiétude de William Gueraiche que je partage.

Il semble évident que l’extension de la gratuité à tous les niveaux scolaires et à tous les élèves, nécessiterait un effort budgétaire conséquent et donc un gouvernement et des parlementaires déterminés à voter une loi de finance en conséquence. Etant donner le gouvernement de casse sociale qui dirige notre pays, je vois mal le président de la république, chef du gouvernement de fait, s’engager sur cet effort là.

Demander dans ce contexte une extension de la gratuité, par recours administratif, et sur la base d’une rupture d’égalité, revient à demander au juge d’étendre le dispositif actuel au nom de l’égalité et donc peut possiblement conduire à des effets désastreux pour l’AEFE et les établissements scolaires. On ne demande pas là au juge de réécrire la gratuité dans le sens d’une mise en œuvre du principe de gratuité plus éclairée, car ce n’est là dans le rôle du juge administratif de réécrire la loi.

Le problème est donc davantage législatif et politique.

Ne faudrait - il pas préférer introduire une gratuité sous critère de ressources ? c'est-à-dire réfléchir à l’extension du système des bourses en enlevant tout critère de nationalité, et en le réformant pour qu’il bénéficie à une majorité de familles ?

Cela serait certainement plus juste et moins couteux.

Cela permettrait dès lors de s’attaquer au deuxième chantier de la scolarité à l’étranger qui est, comme le signale Gabrielle, celui de l’accès à la scolarisation selon un maillage territorial d’écoles qui serait plus dense, ou qui privilégierait l’hébergement en internat pour les familles ne pouvant se payer le luxe de vivre à proximité immédiate d’un établissement français à l’étranger. Cela pourrait aussi permettre de mieux doter financièrement les dispositifs FLAM et d’étendre leur application.

Tout cela relèverait pleinement d’une grande loi sur l’enseignement public à l’étranger, et non d’une mesurette sarkozyste. N’attendons aucun miracle politique du recours administratif contentieux même s’il aura peut être le mérite d’éclaircir la mise en pratique de la gratuité actuelle en révélant ses faiblesses. Les délais de la justice administrative relèvent du temps long, et l’action politique doit, quant à elle, composer plus pragmatiquement avec l’urgence des situations les plus scandaleuses pour y apporter des solutions ou, à défaut, un diagnostic.

Sur de nombreux questions politiques épineuses de ce type, ou la générosité des ambitions, telle que la gratuité, peuvent dissimuler des applications politiques inégalitaires, il me semble nécessaire de trancher entre nous par consultation interne. Par débat suivi d’un vote. En acceptant l’idée que l’opinion des autres, devenue majoritaire, devienne la nôtre.

Je crois que la FFE qui a de beaux instruments démocratiques à sa disposition (ce forum en est l’exemple) aura à trancher définitivement sur le programme d’action en matière de gratuité à l’étranger. Le projet fédéral en marquera certainement dans la clarté notre position politique sur ce sujet.

Amitiés fraternelles

Boris