lundi 20 juillet 2009

Sortir du Statu Quo pour une réforme du réseau culturel de l'étranger


Les journées du réseau culturel se sont déroulées la semaine dernière à Paris. Elles permettent chaque année aux professionnels du réseau culturel français de l'étranger, exerçant dans les postes diplomatiques ou en administration centrale, de se retrouver pour des journées d'échanges et de réflexions.

Cette année, ces journées étaient très attendues, car le ministre des affaires étrangères devait annoncer les grandes lignes de la réforme du réseau culturel de l'étranger dont la création d'une agence autonome devait être un des axes forts.

Hélène Conway, représentante de la Fédération des français de l'étranger du parti socialiste, et Claudine Lepage, sénatrice socialiste des français de l'étranger, nous ont fait part de l'annonce avortée de l'agence sur laquelle le ministre n'a pas donné beaucoup de précisions, les discussions avec les professionnels du réseau devant, d'après lui, continuer pour permettre à cette réforme d'aller de l'avant.

Je suis intervenu sur le forum des socialistes de l'étranger pour expliquer les conditions possibles de sortie du Statu Quo actuel, qui empêche l'aboutissement de cette réforme

Chers tous,

Merci tout d'abord à Claudine et Helene de nous restituer les informations des journées du réseau culturel en train de se dérouler à Paris.

j'ai aujourd'hui quelques réticences à intervenir sur nos forums de discussion tant le surplace du ministre Kouchner nous prive de toute perspective d'évolution du réseau dans les mois qui viennent, alors que l'impression d'enlisement est tenace pour tous, professionnels en poste à la centrale ou dans le réseau de l'étranger, usagers et français de l'étranger qui constatent l'étiolement des moyens financiers de fonctionnement de ce réseau en même temps que les fermetures d'établissements.

Des forces antagonistes agissent aujourd'hui qui empêchent, pour l'heure, tout consensus autour de la réforme construite autour d'une agence culturelle autonome, et il me semble nécessaire d'ébaucher un tableau synoptique des forces en présence, pour celles et ceux que ce dossier complexe intéresse. Par ailleurs, on peut tenter de dessiner aussi les conditions politiques d'un déblocage de la réforme de ce réseau, malgré les incertitudes de l'enlisement actuel :

LE CAMP DU NON :

Les diplomates de carrière sont vent debout contre l'agence, perçue comme une dispersion et un affaiblissement du dispositif diplomatique. Les Ambassadeurs craignent notamment une perte de contrôle sur les moyens et les agents du réseau culturel qui seraient pilotés directement par l'agence.

Les syndicats de personnels sont désormais unanimement contre le projet d'agence vue comme une "amputation du ministère". Ils l'ont exprimé par un boycott du dernier Comité technique paritaire ministérielle de début juillet et par une lettre au ministre datée du 16 juillet qui stigmatise la gestion privée des personnels d'une agence prenant la forme d'un EPIC (établissement public industriel et commercial), et la perte de moyens financiers qui résulterait d'une agence livrée en pature aux économies induites par la RGPP (révision générale des politiques publiques).


LE CAMP DU OUI

Les sénateurs sont largement pour une agence construite sous forme d'EPIC, autour de CultureFrance, et qui ferait rentrer dans la tutelle, au côté du Ministère des affaires étrangères, le ministère de la Culture (Cf le récent rapport conjoint de la commission des affaires étrangères et commission culture du Sénat)

Les membres de CultureFrance, à commencer par leur sémillant directeur Olivier Poivre d'Arvor, sont impatients de voir aboutir un projet d'agence qui ferait de leur structure le pivot du pilotage du réseau et donc renforcerait son pouvoir de rayonnement.

LES SCEPTIQUES

Les membres de l'Alliance française de Paris sont certainement plus sceptiques et dubitatifs par rapport à un dispositif d'agence qui ne semble pas leur offrir ni davantage de visibilité, ni davantage de moyens, l'agence se construisant davantage autour du pilotage des instituts culturels et services culturels d'Ambassade, sans résoudre véritablement la question de la dualité de notre dispositif (Alliances et instituts).

Il me semble aussi que les agents en poste (en centrale ou dans le réseau à l'étranger) partagent très largement un scepticisme de rigueur devant l'antagonisme des positions des groupes constituées et devant la cure d'austérité trop longtemps subie par ce réseau.

L'HESITANT DANSEUR

Dans ce jeu d'équilibrisme entre divers réseau d'influence, le ministre semble naviguer à vue. Faire la réforme contre son administration et contre les diplomates du Quai semble trop couteux politiquement et serait synonyme d'isolement dans son propre ministère. Cependant ne doutons pas qu'il perçoive l'exaspération de nombreux praticiens culturels en poste. Sa valse hésitation va devenir de moins en moins tenable au fur et à mesure que le temps passera et que l'austérité budgétaire du gouvernement continuera à faire des dégats sur le terrain culturel à l'étranger.

SORTIR DU STATU QUO ?

"De l'audace encore de l'audace toujours de l'audace", seule une volonté politique forte et déterminée serait à même de résoudre la question de la réforme. C'est une première condition nécessaire mais pas suffisante. D'autres conditions devraient être réunies pour sortir de l'ornière :

- un plan de rattrapage budgétaire serait à même de convaincre les sceptiques qui voient dans la réforme un alibi ou un prétexte pour de nouvelles économies. Pour rénover les bâtiments d'instituts ou d'Alliances qui auraient besoin de sérieuses rénovations, pour remettre de l'argent public sur les nouvelles priorités géographiques et diplomatiques des pays émergents sans avoir à soumettre à une cure d'amaigrissement le dispositif culturel en Europe, pour doter les agents locaux d'un statut unique (Ambassade et réseau culturel) en menant à bout l'harmonisation sociale des situations des recrutés locaux. Pour redonner quelques subsides aux alliances qui payent chèrement parfois le cout de leur autonomie au prix d'un émiettement entre des structures locales trop diversifiées/ Comme le suggère Helene, un moratoire des moyens serait une manière, dans un premier temps, de rassurer tous les personnels qui voient l'étiolement des moyens s'opérer inexorablement depuis une dizaine d'années/

Le problème principal du réseau culturel est donc celui de ses moyens bien avant d'être celui de ses missions ou de son pilotage institutionnel. L'absence de réponse sur l'étiolement des moyens crispe le débat actuel et renforce les logiques de défense corporatiste des divers "pré carrés" en présence.

- La question de la tutelle de l'agence est cruciale car elle donnera le sens général des missions données au réseau culturel à l'étranger : Le choix n'est pas seulement entre une tutelle unique portée par le Ministère des affaires Etrangères (et donc d'un réseau culturel perçu avant tout comme un instrument de soft power diplomatique) ou d'une double tutelle du ministère de la culture et du MAE qui réconcilierait les politiques culturelles extérieures et intérieures sous une même bannière unique.

En effet, si l'on ne veut pas laisser la coopération linguistique sombrer comme un élément marginal dans le nouveau dispositif, le ministère de l'éducation nationale aurait toute sa place, à côté du ministère de la culture et du ministère des affaires étrangères, pour piloter l'agence en co tutelle. Nombres d'institutions dépendant de l'éducation nationale, notamment le CIEP, ont un rôle déjà important en matière de coopération linguistique à l'étranger, on voit mal pourquoi le MEN serait exclu d'un dispositif institutionnel rénové. La langue est l'élément principal d'une culture, et développer les liens de travail entre l'AEFE et la future agence culturelle serait une nécessité absolue qui apparaît pourtant rarement dans les propositions de réformes actuelles.

Une véritable autonomie de fonctionnement se dégagerait d'une agence sous triple tutelle conçue comme une forme d'équilibre des pouvoirs empêchant un des paramètres, Culturel, diplomatique ou linguistique, de prospérer au détriment des autres.

- D'autres réformes importantes sont attendues, par exemple sur le mode de gestion des agents expatriés à l'étranger, pour offrir davantage de passerelles et de continuité de carrière aux agents du réseau culturel revenus en France notamment. Le mode de recrutement est également à revoir intégralement (Cf échanges de courriels en date du 14 juillet sur le forum ADFE "vaincre le système caséiste en matière de recrutement…).

Quand les autres réseaux culturels étrangers s'étoffent et se densifient (à l'exemple du réseau Cervantès ou du réseau des centres culturels chinois) tout retard dans la réforme se révèlera coupable. La France a pu servir jadis de modèle de développement culturel aux autres nations soucieuses de développer leur influence internationale en promouvant leur culture à l'étranger. Il ne s'agirait pas demain que le réseau culturel français soit étudié en tant que vestige d'une époque passée comme on regarde avec émotion un beau monument en ruine…

Boris

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