mercredi 22 juillet 2009

entre attentes et inquiétudes suite aux élections professionnelles au MAE


Suite à une question écrite de la sénatrice Claudine Lepage sur les élections professionnelles au ministère des affaires étrangères, je suis intervenu sur le forum des socialistes de l'étranger pour faire un bilan des élections de 2009 au MAE et dresser quelques perspectives pour le dialogue social local dans les postes diplomatiques, sous fond d'inquiétudes des personnels.



Chère Claudine et Chers tous,

C’est une bonne chose en effet de s’intéresser aux élections professionnelles au ministère des affaires étrangères puisqu’un nouveau dispositif est en place pour encadrer la représentation des personnels désormais.

L’accord cadre de l’été 2008 a été signé par une majorité de syndicats représentatifs du MAE, notamment la CFDT et l’UNSA, et s’applique depuis cette année dans le réseau diplomatique ou ont été organisées des élections pendant les 6 premiers mois de l’année (l’accord cadre permettant cette souplesse, il n’y avait pas de date unique d’élection fixées pour les postes).

Ces élections ont été très suivies, avec environ 80% en moyenne de participation, qu’on parle du collège des recrutés locaux ou de celui des expatriés. Les Ambassades ont joué le jeu globalement en organisant des assemblées générales pour présenter le nouveau dispositif de dialogue social et pour ensuite organiser des élections dans la foulée.

Les résultats donnent la CFDT en tête sur le collège des recrutés locaux, l’UNSA venant en second. Pour le collège des expatriés c’est l’inverse (UNSA en 1, CFDT en 2). La CGT arrive en 3eme position, les autres formations syndicales (FO, FSU, USASC…) obtenant des scores autour, ou inférieurs, à 10%.

Le bon taux de participation ne saurait cependant dissimuler certaines difficultés ou inquiétudes profondes pour les personnels qui ont participé aux élections en restant cependant lucides sur les limites de l’exercice :

- Les fortes attentes des agents de recrutement local en matière d’harmonisation salariale (un poste diplomatique sur deux a échoué pour l’heure à harmoniser les grilles de salaires des agents travaillant en Ambassade avec ceux travaillant dans le réseau culturel) vont nécessairement être un sujet de discussion et de discordes, dans les instances de concertations locales :

Il est assez classique, pour les Ambassadeurs, de se défausser sur Paris et l’administration centrale, pour expliquer l’absence d’harmonisation sociale faute de moyens nouveaux, dans une période de baisse des subventions ; Par ailleurs, les chefs de poste arguent souvent de l’autonomie financière des établissements culturels pour expliquer que l’harmonisation doit se faire sur les réserves de l’établissement ou en augmentant l’autofinancement, ce qui revient à enterrer souvent toute possibilité d’harmonisation dans un réseau culturel qui s’autofinance déjà ) 58% en moyenne et à donc du mal à dégager de nouvelles ressources par le mécénat ou la vente de cours.

La concertation risque donc vite de se heurter à une impasse sur ce dossier de l’harmonisation sociale, un thème brulant, sujet d’attentes évidentes pour des salariés qui, dans certains établissements culturels, gagnent entre 30 et 50% de moins que leurs collègues en Ambassade, à responsabilités égales.

- Dans les petits postes diplomatiques, et c’est le cas de Port Gentil, l’effectif de personnels inférieur à 12 personnes n’a pas autorisé l’organisation d’élections. Même si tous les agents sont membres de droit des instances de concertation dans ce cas, on peut craindre que l’absence de légitimation par l’élection aboutisse à une concertation artificielle où la voix des personnels aura du mal à se faire entendre. Bien entendu, une forte culture syndicale ou le leadership de personnalités fortes et reconnues parmi le personnel peuvent contrebalancer l’absence de légitimation électorale. Mais je crains que globalement, il y ait une fragilisation du dispositif de concertation sur la cinquantaine de postes concernés

En outre, le personnel des Alliances françaises a été, partout, écarté du dispositif de concertation (que l’on parle des personnels expatriés directeur d’alliances ou directeur des cours ou du personnel de recrutement local). Même si les Alliances sont des structures de statut local, on peut amèrement regretter que ces pièces essentielles du dispositif culturel et linguistique ne puissent avoir voix au chapitre quand il s’agit d’organiser une concertation avec les autorités de l’Ambassade.

- Le réseau diplomatique, consulaire et culturel est rentré dans une période de grandes manœuvres institutionnelles et de changements : que l’on pense au livre blanc qui dresse les pistes d’une diplomatie rénovée, que l’on songe au projet de loi en préparation sur l’action extérieure de l’Etat, que l’on évoque l’agence culturelle en cours de montage, tous les agents sentent bien qu’un vent de changements risque de souffler sur le ministère : malheureusement c’est plus la crainte d’un vent mauvais qui prédomine chez des personnels habitués depuis une dizaine d’années à subir des réformes-prétextes qui dissimulent mal des mesures d’économies quand ce n’est pas une cure d’austérité. Le scepticisme actuel des agents s’exprimera nécessairement dans les instances de concertation où seront évoquées les effets des différentes réformes pour chaque poste diplomatique : la classification des ambassades en plusieurs catégories ne sera elle pas bientôt l’occasion de supprimer des postes ? la réorientation de l’action du MAE vers les pays émergents se fera elle encore en diminuant drastiquement le réseau diplomatique en Europe ? les transferts de compétences en matière consulaire vers le ministère de l’immigration et de l’identité nationale continueront ils ? la fusion entre les SCAC (services de coopération et d’action culturelle) et les instituts français donnera t elle lieu à des suppressions massives d’effectifs ? Que fera l’agence culturelle pour gérer l’action linguistique dans les Alliances et les instituts ?

Voilà les questions courantes que se posent les agents du réseau diplomatique et culturel, le plus souvent avec une angoisse palpable.

- une autre difficulté d’application du dialogue social dans les postes diplomatiques tient aux limites mêmes de la concertation où les personnels sont consultés une seule fois par an (c’est un minimum, certes, imposé aux Ambassadeurs qui peuvent organiser plus d’une réunion de concertation), et seulement pour avis. Pour avoir assisté à des réunions de concertations en tant que représentant du personnel, la qualité du dialogue social et la mise en œuvre d’avancées pour les personnels, dépendent surtout de la bonne volonté de l’Ambassadeur et du premier conseiller, qui fait souvent ici office de chef du personnel. Certains chefs de postes peuvent se servir intelligemment du dialogue social, en recueillant les témoignages et les points de vue d’agents libérés du poids étouffant de la hiérarchie durant le temps d’une réunion, et qui font ainsi remonter en direct auprès de l’Ambassadeur des difficultés rencontrées au cœur du terrain. La qualité de l’écoute de certains chefs de poste, la volonté de prendre des mesures sociales pour que la France montre l’exemple dans la gestion de son personnel et de ses structures à l’étranger, permettent parfois des avancées importantes. Pourtant, l’impression demeure tenace d’un dialogue social restant souvent un dialogue de sourd, ou un alibi à l’inaction : le MAE reste une administration conservatrice, créée il y a plus de trois siècles, très pyramidale, peu encline à tolérer la pluralité d’expression sociale. Le rapport de force syndical reste, une fois le dialogue social et la concertation épuisés, la seule arme possible du changement.

L’année 2010 sera celle de nouvelles élections professionnelles, celles pour désigner les représentants du personnel au CTPM (comité technique paritaire ministériel). Elles seront très importantes pour les syndicats puisqu’elles permettront de mesurer leur représentativité (les élections professionnelles locales de 2009 n’ayant pas ce rôle).

Après avoir opposé un front du refus aux réformes actuelles, insuffisamment discutées avec les personnels (boycott du dernier CTPM de juillet, lettre critique au ministre envoyée il y a quelques jours) les syndicats devront en 2010 néanmoins continuer ce dialogue complexe avec l’administration du MAE pour essayer de se faire entendre de manière plus large. Ne doutons pas que la tenue de concertations locales, permettra de faire remonter vers l’administration du MAE les angoisses du personnel de cette grande maison pour, peut être, aboutir à des réformes plus respectueuses des attentes des femmes et des hommes qui servent cette administration.

Boris

Varsovie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire