jeudi 30 avril 2009



Lettre ouverte aux syndicats européens par Poul Nyrup Rasmussen
Président du Parti Socialiste Européen


Le 1er mai 2009

Chères/Chers camarades,

Je souhaiterais profiter de ce jour pour envoyer mes vœux les plus sincères à tous les syndicalistes européens en cette Journée Internationale du Travail. Pour moi, le 1er mai a toujours célébré ce qu’il y a de plus fort dans le mouvement des travailleurs : la solidarité, l’égalité et la coopération. Je me souviens encore de mes 1er mai d’adolescent à Esbjerg, ma ville natale, dans les années 1950, un âge d’or, celui de syndicats puissants, alors que l’Etat Providence danois voyait le jour. Mais c’est aussi à cette époque-là que j’ai été confronté aux dures réalités du chômage et à son impact sur des familles ordinaires comme la mienne, alors que je grandissais.

Cette année, la Journée Internationale du Travail tombe au début de la campagne pour les élections européennes, et au milieu de la pire récession que nous ayons connue depuis les années 1930. Les prévisions économiques se dégradent de jour en jour : nous risquons d’avoir 27 millions de chômeurs début 2010 si rien n’est fait pour arrêter cette spirale infernale.

Vendredi dernier j’étais à Toulouse, où j’ai rencontré des salariés d’Airbus et de Molex, dont les emplois et les salaires sont actuellement menacés, sans compter tout l’abattement et l’incertitude que cela implique. Dans toute l’Europe, des millions de salariés se trouvent dans cette situation, des salariés qui ne sont en aucun cas responsables de cette crise dont ils payent aujourd’hui le prix fort. La droite – et parmi elle la Chancelière Merkel, le Président Sarkozy ou le Premier Ministre Juncker – dit qu’elle en a assez fait. Mais moi je dis qu’il y a 27 millions de raisons d’en faire plus. Nous avons besoin d’un nouveau plan de relance économique fort, pour sauvegarder l’emploi et empêcher que le chômage de masse ne frappe les familles des travailleurs de toute l’Europe.

Ces cinq dernières années, la droite a été majoritaire en Europe – à la tête des institutions européennes et de la plupart des Etats membres. Elle était au pouvoir quand les droits des travailleurs et les services publics ont connu des attaques nombreuses et répétées. La Commission Barroso n’a pas réussi à empêcher la liberté de mouvement des travailleurs d’être prise comme prétexte pour diminuer les acquis sociaux. La Cour de Justice européenne a rendu une série de jugements discutables (Laval, Viking, Rüffert, Luxemburg) sur la directive sur le détachement des travailleurs, remettant en cause les principes d’égalité des salaires, de négociations collectives et de droit de grève. Le cas Laval est celui d’une entreprise lettone construisant une école en Suède et ne respectant pas les règles locales en matières de salaires et de conditions de travail – entreprise à qui la Cour a donné raison à cause d’ambiguïtés dans la directive. Le Parti socialiste européen croit fermement que ce nivellement par le bas des conditions sociales est inacceptable. Cependant, la Commission a plusieurs fois refusé d’agir pour pallier ces lacunes juridiques.

Nous nous efforcerons aussi de créer une atmosphère de respect nouvelle, pour des emplois et des conditions de travail décents. Pendant trop longtemps, les acteurs des marchés financiers tels que les fonds privés ont traité les entreprises où nous travaillons comme une somme d’actifs qui peut être achetée et vendue à volonté, sans penser à l’impact que cela aurait sur les salariés. Ils criblent les entreprises en bonne santé de dettes, au profit de bénéfices à court terme, ce qui conduit à des pertes d’emplois, à des conditions de travail dégradées et à des retraites qui diminuent pour les salariés. La réglementation dans ce domaine est clairement, déplorablement, inadéquate. Mon rapport sur les fonds privés a été adopté par le Parlement en septembre, néanmoins la Commission européenne a ignoré nos demandes. Ce n’est que cette semaine qu’elle a publié sa première proposition pour réglementer les fonds privés, qui comporte tellement d’échappatoires et de lacunes qu’elle ne sert à rien.

Voici le type de problèmes auxquels nous sommes confrontés en cette Journée du Travail, et lors de chaque journée de travail, à cause d’une Union européenne dominée par la droite.

Mon Parti, le Parti socialiste européen, a un plan clair et concret pour changer cela. Nous avons mis au point, pour lutter contre la crise, 7 propositions politiques que nous voulons mettre en œuvre dans les 100 jours qui suivent les élections européennes :

1. Un nouveau plan de relance renforcé pour l’Europe
2. Un Pacte Européen pour l’Emploi
3. Une nouvelle Charte des Droits de la Femme
4. Un Pacte du Progrès Social
5. Une réglementation et une surpervision efficaces des marchés financiers
6. Une nouvelle solidarité mutuelle entre tous les Etats membres
7. Une feuille de route européenne pour un nouvel accord mondial

Notre manifeste pour les élections à venir comporte 71 propositions spécifiques pour mettre l’Europe sur de nouveaux rails pendant les cinq prochaines années. Comme je l’ai dit mardi lors d’une discussion organisée par la Confédération Européenne des Syndicats (CES), c’est un manifeste qui correspond par beaucoup d’aspects à ce que réclame le manifeste de la CES, avec un engagement réel à combattre la récession grâce à un plan européen de relance plus fort, une révision de la directive sur le détachement des travailleurs, avec un cadre européen pour des négociations et des conventions collectives transfrontalières, avec un droit des travailleurs à l’information et à la consultation renforcé, avec un Pacte européen sur les salaires, avec un cadre européen pour les services publics et une réglementation pour assurer tous les acteurs financiers. Les syndicats doivent également vraiment avoir leur mot à dire dans les prises de décisions de demain.

C’est pourquoi je vous pousse à aller voter les 4-7 juin. Cette élection a lieu à un moment où l’Europe se trouve à un carrefour, confrontée à deux visions politiques très différentes. Je me réjouis de travailler main dans la main avec vous pour nous assurer que les salariés de l’Union européenne aient enfin le changement en Europe qu’ils méritent.

Amitiés sincères,



Poul Nyrup Rasmussen
Président
Parti Socialiste Européen

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