vendredi 26 juin 2009

Les primaires au PS ne rénoveront pas tout : comment "Changer la vie" sociale et la vie dans le parti ?


Chers tous,

Il y a indubitablement un phénomène de fascination qui est en train de naitre pour les primaires ouvertes qui semblent devenir, apparemment, la solution miracle à tous nos maux politiques depuis quelques jours. L e nombre de messages sur le forum sur ce sujet en est un des témoins.

Mais à la suite d’un certain nombre de camarades (dont William, René, ou JY Leconte) je tiens à apporter quelques commentaires, voir quelques réserves politiques qui porteront, non sur le principe même des primaires, mais sur les mesures complémentaires nécessaires pour faire aboutir, enfin, la rénovation de notre parti…entendue comme la rénovation de notre composition sociologique et de nos idées.

La question technique de la désignation d’un candidat à la présidentielle, choix crucial dans un régime à tendance présidentialiste marquée, ne doit pas cacher les mesures à prendre pour sortir enfin de l’incantation vide sur la rénovation (dont nous entendons parler depuis 1993…au moins) pour rentrer dans l’ère des changements en profondeur. Deux questions de fonds doivent être tranchées avant l’entrée dans le processus de désignation des primaires.

A ces deux questions j’apporterai quelques propositions politiques de bon sens, qui sans être particulièrement originales, pourraient permettre de sortir de l’ornière profonde où nous semblons enlisés collectivement.

Les bonnes idées nous les connaissons toutes et tous. Tout comme nous connaissons malheureusement le manque de courage pour changer l’ordre des choses à Solférino…

La claque des Européennes a certainement créé les conditions objectives d’un sursaut, une sorte de reflexe de survie qui devrait inciter nos élites au courage qui leur a tant fait défaut ces dernières années…

*Comment imposer un projet de changement social avant l’organisation des primaires ?

La principale lacune de notre parti est de ne plus porter de projet global de changement de société. Nous réussissons laborieusement à bâtir, à la hâte, des programmes techniques dans les périodes pré électorales, mais ceux-ci manquent généralement de profondeur, ne contiennent aucune mesure phare de changements (qui serait capable de résumer en deux – trois mesures saillantes le programme présidentiel des candidats Jospin ou Royal ?) , et sont le fruit opportuniste des états majors électoraux des candidats plus soucieux d’afficher une communication politique maquillée sous les atours de la gauche que de proposer aux militants de trancher sur les principaux choix de société afin de bâtir un projet politique capable de « changer la vie »

Sur un certain nombre de questions clés, il est quasi impossible de connaître la position nette du PS, car l’essentiel des questions clivantes, questions politiques essentielles, sont occultés soit par paresse intellectuelle soit par crainte d’introduire de nouvelles failles idéologiques dans notre parti : connaissez vous par exemple la position du parti sur les questions suivantes ? :

Une politique d’immigration alternative est elle possible et comment ? Faut-il être fédéraliste pour relancer l’Europe sociale ? Qu’est ce que l’ordre juste et comment l’appliquer ? Faut il partager le temps de travail pour créer des richesses et lutter contre le fléau du chômage et le drame des exclusions dans une période de crise mondiale ? Doit-on introduire une politique protectionniste au niveau européen ? doit on passer à une 6ème république parlementaire ? comment transformer l’école en une machine à produire de l’égalité ? l’Etat moderne est il seulement un Etat modeste ? Comment défendre nos services publics au niveau national et européen ? Quelle réforme fiscale appelons-nous de nos vœux ? Une politique étrangère de gauche est elle possible ? Doit-on sortir d’un schéma économique productiviste pour introduire une croissance verte ?

Sur toutes ces questions nous ne connaissons pas réellement la position officielle du parti qui n’a pas su trancher ces questions en son sein alors que ces questions ont été généralement posées parmi nous…mais qu’aucune ligne politique ou réponse politique globale sous forme de projet de changement social n’a pu aboutir …


Je crains, comme René, que le choix d’un homme ou d’une femme pour porter nos couleurs à la présidentielle ne résoudra pas la question du programme de gouvernement sauf à se résigner à ce que ce soient les états majors des candidats au primaire qui porteront seuls la définition du programme présidentiel ce qui serait contraire à la tradition démocratique de notre parti qui voit les militants investis de ce rôle.

De plus, Il y a le risque évident, dans un régime effectivement présidentialiste, où l’élection présidentielle intervient avant les législatives et où le président est indéboulonnable et irresponsable politiquement (au sens qu’aucune motion de censure ne peut l’amener à la démission), que le programme présidentiel ne se transforme jamais en programme de gouvernement. Avec un programme conçu comme un simple cap général non impératif, une vague référence politique qui sera vite oubliée dès lors que le prétexte de la rigueur ou l’excuse du pragmatisme nécessaire dans le gouvernement des affaires de la France seront mis en avant.

Les militants du PS seront donc, dans l’élaboration du programme et dans le suivi de son application, définitivement enfermés dans le rôle de spectateurs, comme les soldats serviles d’un parti croupion du candidat président ou comme un banal réservoir de supporters appuyant sur commande sur le bouton poussoir des primaires pour le temps d’un vote à 2 euros (Cf le message de William Gueraiche)…

Il me semble nécessaire d’abord qu’une convention se tienne en 2010 pour définir les contours de notre projet politique : à nous militants de définir par un vote préalable si cette convention prendra la forme d’états généraux de la gauche ou si elle sera réservée aux militants du PS.

Ensuite, les candidats aux primaires auront la possibilité de se positionner sur ce programme qui aura vocation à devenir notre plate forme d’idées communes à la gauche

Il me semble, comme le suggérait Jean Yves Leconte, qu’il faudrait donner toute la place aux syndicats dans ce travail de réflexion et d’écriture d’un projet, quitte à provoquer une profonde révolution de la tradition syndicale de notre pays qui sépare la démocratie sociale de la démocratie politique en instaurant une indépendance syndicale héritée du début du siècle dont on doit interroger aujourd’hui la pertinence

La condition nécessaire pour bâtir un projet de changement social, reposerait donc sur l’équation suivante : les idées d’abord, le choix des candidats pour les porter, ensuite.

A titre complémentaire, et pour avoir une chance de voir ce projet politique appliqué en cas d’élection présidentielle, nous devons imposer un changement de régime ou en tout cas sortir du « ni-ni institutionnel » actuel : rappelons que dans un authentique régime présidentiel, il y a, pour contrebalancer le poids d’un exécutif fort, un puissant parlement pour contrôler et même limiter les pouvoirs du président (Cf aux USA où les parlementaires votent sur l’engagement du pays en cas de conflit, ont des pouvoirs budgétaires extrêmement forts et ont un pouvoir d’enquête renforcé). Les avantages d’un régime parlementaire sont eux connus, puisque le chef de l’exécutif doit répondre de sa politique devant le parlement, et que ce sont les élections législatives qui permettent de dégager une majorité politique et de donner un mandat clair aux gouvernants.

Je n’ai pour ma part aucun choix définitif sur le changement de régime que le PS devrait porter, même si la 6ème république développé par le NPS est clairement parlementaire et que ce travail de réflexion déjà avancé devra être pris en compte dans notre reflexion. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’il n’y a aucune garantie dans le système actuel qu’un projet de gouvernement fruit du travail militant soit appliqué par un président de gauche élu, étant donné le faible poids institutionnel des élus et la faiblesse militante au sein de notre parti.

Ouvrir les rangs de notre parti aux militants syndicaux, en faire un vrai parti de militants sociaux et politiques donnerait un poids puissant au parti qui serait de nature à influencer un président élu, président soumis au contrôle d’un parlement qui devrait être renforcé (qu’on soit pour un régime présidentiel ou parlementaire)

*Comment changer le parti ?

- Sortir du modèle SFIO et introduire de l’hétérogénéité sociale à tous les niveaux…

Le congrès d’Epinay avait voulu tourner la page de la SFIO et donner du poids politiques aux militants face aux élus en instaurant un large renouvellement des cadres.

Des règles simples mais draconiennes avaient ainsi été mises en place alors comme l’interdiction faite aux maires d’occuper les fonctions de secrétaire de section, ou la limitation du poids des élus locaux dans les instances nationales avec quota à l’appui.

Rémi Lefebvre a montré dans son livre « la société des socialistes » que le poids des élus est désormais devenu massif dans notre parti capable de gagner les élections locales mais qui se fracasse sur les consultations nationales en devenant alors une somptueuse machine à perdre : un parti où l’âge moyen des parlementaires, en hausse, est de 54 ans, où le nombre d’élus ayant commencé « leur carrière » dans les années 80 est encore majoritaire, où l’homogénéité de classe porte aux responsabilités des cadres supérieurs en priorité, où le cumul des mandats fait encore des ravages, un parti où les charges politiques semblent se transmettre parfois entre héritiers, entre grands féodaux et en toute connivence…Un parti donc désespérément fermé sur lui-même…

Avec moins de trois militants pour un élu, nous sommes redevenus la SFIO en un peu plus de 30 ans …avec une maire de grande ville à notre tête, qui fait certes de son mieux, mais qui doit composer avec un emploi du temps d’élu à Lille accaparant une grande partie de son temps, avec, à tous les niveaux, des élus locaux accaparés par la charge de gestion que représentent les mandats dans des collectivités territoriales, et qui ont généralement peu de temps pour s’investir dans les débats et les impératifs de l’animation de sections et fédérations PS…qu’ils ne renoncent pas pour autant à investir dans une optique de contrôle…

Nous vidons donc progressivement le parti de son sens premier, celui de fournir des idées nouvelles, de dégager à chaque niveau politique une ligne politique claire, d’être au contact des mouvements sociaux, de situer les lignes de force qui traversent notre société pour les faire bouger, d’être un lieu de socialisation politique et de formation militante, un lieu aussi de sélection pour les élections mais selon des critères clairs de désignation…

Le rôle donc d’un laboratoire et d’un creuset d’idées, d’une école des cadres et de désignation des candidats conçus comme des portes paroles du parti...

Là aussi, deux règles simples à introduire pour faire changer l’ordre des choses : le mandat unique à tous les niveaux et la limitation du nombre de mandats dans la durée.

Ces mesures portent en elles un potentiel de renouvellement de nos cadres important…

Pour conclure, car j’ai déjà été trop long, l’idée d’une primaire ouverte ne doit pas être la seule idée innovante de notre parti…qui a besoin de beaucoup plus de changements pour sortir de sa tendance naturelle au délitement…

Je reste de ceux qui croient encore possible un réveil…de la belle assoupie qu’est devenue notre grande maison depuis tant d’années…

Les primaires ouvertes sont une piqure aux fesses du parti. De celles qui imposent un mouvement. Mais pour nous mettre en mouvement, il faudra administrer d’autres remèdes, et des plus radicaux.

Amitiés fraternelles
Boris

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