mercredi 3 juin 2009


La politique culturelle européenne introuvable ? Des maisons européennes de la Culture comme lieu possible d’incarnation de l’identité culturelle européenne



Depuis le traité de Maastricht, la gestion de la Culture a été reconnue, non sans mal devant la résistance des Etats, comme un domaine communautaire auquel deux objectifs sont assignés: l’épanouissement des cultures des Etats membres, ainsi que la mise en évidence d’un héritage culturel européen.



Un fragile équilibre existe entre ces deux objectifs qui peuvent se révéler contradictoires dans leur mise en œuvre : Miser sur la promotion de la diversité culturelle en mettant en avant les cultures régionales et locales ou insister sur la singularité culturelle européenne face au reste du monde ne relèvent pas des mêmes logiques : Dans un cas, on cherchera les éléments de distinction culturelle des nations ou des peuples en mettant en avant la variété de leurs richesses culturelles entendues au sens large, patrimoines historiques et littéraires, langues nationales, cultures populaires ou folklores locaux, alors que dans l’autre, on cherchera au contraire à mettre en avant ce qui les relie, en insistant souvent sur les grands noms et les grandes œuvres du patrimoine littéraire ou artistique européen. Il y a là deux visions et donc deux projets politiques potentiels bien différents, quoi que complémentaires.



A l’ambigüité des objectifs s’ajoute la faiblesse des moyens communautaires puisque le programme communautaire Culture (2007-2013) dispose de 57 millions d’euros par an soit 0.04 % du budget communautaire pour améliorer la circulation transfrontalière des artistes et des œuvres ainsi que le dialogue interculturel. Même si l’on ajoute la part des fonds structurels qui aide la constitution de projets culturels locaux (estimée à environ 400 millions d’euros en 2002 par la délégation pour l’UE du Sénat en France), on n’atteint pas tout à fait les 0.5% du budget communautaire destinés à la Culture. C’est essentiellement donc sous l’angle symbolique que l’UE tente d’enraciner l’idée d’une culture européenne partagée, à travers par exemple le choix médiatisé de Capitales européennes de la Culture depuis 1999 ou par la remise des plus confidentiels « prix européens ».



Alors que la France est reconnue comme une puissante nation culturelle, la présidence française de l’Union Européenne n’a pas placé la Culture parmi les thèmes prioritaires à traiter, et la gestion nationale des politiques culturelles semble donc fortement privilégiée par ce pays, notamment, au nom de son exception culturelle. De forts enjeux diplomatiques nationaux restent attachés à la politique culturelle extérieure des principales nations d’Europe qui est un élément du rayonnement de ces nations dans le monde.



Le traité de Lisbonne s’il était adopté, placerait d’ailleurs la Culture dans les champs de coopération communautaire où la règle de l’unanimité prévaudra. La règle de l’unanimité rendra donc difficile les initiatives partagées pour un renforcement d’une politique culturelle européenne car il existe des conceptions distinctes de la Culture au niveau européen, celle-ci étant vue plutôt comme une activité relevant d’initiatives privées dans les pays anglo-saxons, comme une activité destinée à être gérée par l’échelon régional en Allemagne, ou comme un élément important de la politique nationale et internationale de la France.



Au niveau de la commission européenne, le portefeuille de la Culture est dilué avec d’autres thématiques portées par le commissaire Jan Figel comme l’Education, la formation ou la jeunesse. Et on voit donc qu’un risque réel existe de cantonner la Culture au niveau européen à quelques initiatives symboliques et de ne pas s’investir totalement pour bâtir une véritable politique culturelle européenne qui serait dès lors introuvable.



Agir pour la reconnaissance d’une identité culturelle européenne à travers des maisons de la Culture Européenne ?



Etre un européen convaincu c’est ne pas se résigner à voir l’Europe traiter la Culture comme une question de deuxième ordre. Ou à laisser uniquement aux réseaux des instituts culturels nationaux la gestion politique et diplomatique des diverses cultures européennes présentées hors de leur pays d’origine.



Donner de la chair à une identité culturelle européenne serait par exemple mettre en place des maisons de la Culture européenne qui pourraient être des lieux d’incarnation possibles.



Elles pourraient être le lieu de présentation d’une « galerie de portraits » de grandes figures de la culture européenne mêlant grands penseurs et figures littéraires légendaires où Goethe, Erasme ou Copernic côtoieraient Achille, Faust, Don Juan ou Don Quichotte.



Ces maisons européennes de la Culture auraient vocation à incarner la présence de l’identité culturelle européenne dans des lieux phares de l’UE. Elles seraient ainsi des têtes de pont de notre Culture européenne vers les pays où le rayonnement Culturel de l’Union Européenne peut sembler essentiel. On imagine tout l’intérêt que pourrait avoir l’installation d’une maison de l’Europe en Chine, aux USA ou dans une grande capitale culturelle Africaine pour ne prendre que quelques exemples évidents.



Elles permettraient de sortir des logiques culturelles nationales pour enseigner en quoi la civilisation européenne est originale, elle qui se fonde sur l’héritage Gréco-romain, sur l’humanisme des lumières, sur la force du droit comme modalité de régulation sociale, et sur la confrontation entre philosophie laïque et héritage chrétien sur le partage des affaires temporelles et spirituelles. Le dialogue permanent et complexe avec la civilisation islamique présente sur le sol européen dans les Balkans ou dans le Sud de l’Espagne pendant des siècles devrait également être mis en exergue, car la culture islamique constitue un des éléments d’identité de nombreux citoyens européens aujourd’hui, et ce lien culturel a pu enrichir et innerver notre culture européenne commune.



La campagne actuelle pour l’élection du parlement européen atteint sa dernière extrémité cette semaine. Quand en temps de crise mondiale la Culture reste un refuge possible pour des citoyens européens soucieux d’oublier leurs difficultés matérielles, ne serait il pas temps que les principaux partis de la gauche européenne se saisissent d’une relance de l’action culturelle Européenne ? La balle est dans notre camp.

Boris

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