mercredi 23 février 2011

un lecteur nous écrit / Les deux Europe et DSK.


A propos du projet évoqué de constitutionnaliser l'équilibre budgétaire et donc d'empêcher tout déficit budgétaire au niveau des Etats membres, un lecteur assidu de ce blog nous écrit sur son appréhension de l'Europe actuelle qu'il critique fortement à l'occasion de la tenue d'un G20 où l'Europe et les dirigeants européens n'ont pas été des plus inspirés...

l'occasion pour notre lecteur d'évoquer avec pertinence les 2 projets européens antagonistes, ceux traditionnellement incarnés par Jean Monnet ou Robert Schumann et de traiter, dans un message distinct des effets à attendre d'une candidature DSK en terme de changement de politique en France...une candidature dont notre lecteur annonce qu'elle serait le plus sur moyen de voir s'affronter sur un deuxième tour de Présidentielle, Jean Luc Mélenchon et Marine le Pen...



Sur ce débat je renvoie aussi à un récent débat au Sénat sur les enjeux d'une coordination des politiques économiques en Europe

http://www.senat.fr/cra/s20110217/s20110217_1.html

Ci après l'intervention de notre lecteur, Franck :

Comme il n'y a vraiment rien à dire d'important du G20 qui vient de se tenir à Paris (d'ailleurs même DSK n'en a pas parlé sur France 2 hier soir...), tant chacun des sujets inscrits à l'ordre du jour a buté sur le refus des Américains de remettre en cause le statut privilégié du dollar (les mauvaises langues - dont j'étais - disaient cela depuis longtemps, mais on leur rétorquait qu'il fallait garder espoir. Il me semble pourtant que devant les évidences factuelles, ce n'est plus de l'espoir qu'il faut, mais une foi inaltérable) ! Devant ce grand rendez-vous manqué donc, où Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale de Chine (et oui, il reste des pays qui disposent d'une banque centrale ; voilà qui doit faire trembler d'effroi Jean-Claude Trichet, lui qui - à l'instar de l'héritier du trône de Pierre à Rome - n'a de compte à rendre qu'à dieu le Marché) est venu donner une leçon d'économie au Directeur-Général du FMI, je préfère ne faire aucun commentaire (autrement que par prétérition, vous l'avez bien compris).

En revanche, il m'amuse de provoquer le débat en vous transmettant un petit papier qui, j'en suis certain, ne fera pas l'unanimité. Mais comme il est rédigé par un homme du sérail, qui sera sans doute candidat à l'élection présidentielle de 2012, et qui n'a pas encore été traité d'antisémite, tout au moins pouvons-nous le lire ! François Asselineau, en effet, ne parle pas la langue de bois et a le mérite immense de ne pas souscrire à la construction européenne dans sa forme actuelle, propos auxquels j'adhère sans réserve ; et je m'empresse de rappeler que ni lui, ni moi, ne sommes anti-quoi-que-ce-soit ! Seulement, depuis 1950 et la CECA, deux conceptions de l'Europe s'affrontent : celle d'une Europe puissance représentée par Robert Schuman (né à Luxembourg et de nationalité allemande) et celle d'une Europe devant être la tête d'un pont transatlantique tendu entre les deux rives de l'Océan, incarnée par Jean Monnet (né chez le Plantagenêt, à Cognac, et dont il n'est pas inutile de rappeler combien il fut au service des Américains toute sa vie, notamment lorsque Roosevelt lui demanda de réconcilier De Gaulle et Giraud à Alger ; ce à quoi d'ailleurs il échoua, étant bien meilleur vendeur de spiritueux que diplomate)...

Ces formalités étant accomplies, il n'est pas réellement nécessaire d'ajouter que l'auteur défend le projet qui a perdu en 1950, face à celui des "États-Unis de l'Europe des marchands" (désolé, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Si vous avez des idées...), mais qui réapparaîtra sans doute dans les années à venir, devant le caractère désormais insurmontable des contradictions sur lesquelles notre "Union" est bâtie : soit l'Euro disparaîtra (tout au moins dans sa forme actuelle) ; soit il changera de nature. Mais pour que l'Euro change de nature, il faudrait que l'Allemagne elle aussi change de nature... Et là, ça devient beaucoup plus compliqué, même si ceux qui veulent y croire jusqu'au bout me rétorqueront qu'Axel Weber ne prendra finalement pas la tête de la BCE...

Franck.



Je suis d'accord pour dire qu'à terme la constitutionnalisation de l'interdiction des déficits, et les pouvoirs budgétaires élargis que l'on octroierait à une oligarchie Euro-Atlantiste, reviendraient tout simplement à mettre un terme à la démocratie : celle-ci étant née de la capacité des peuples étant assujettis à l'impôt levé par le roi de décider de son montant et de sa destination. Mais la règle n'est que le refuge des économies (et donc des nations) qui, ne pouvant connaître d'évolutions convergentes concrètes, se jurent sur le papier tout ce qu'ils savent impossible de faire dans la réalité. C'est encore une fois le schéma de construction de l'euro qui s'impose, et sous l'égide allemande, naturellement, puisque notre pays semble avoir oublié qu'il fut une grande diplomatie : puisque l'euro est économiquement impossible dans la zone monétaire envisagée, construisons un euro théorique (celui des "critères"). Houra ! Ça a marché dix ans, avec une facture récemment chiffrée par Jacques Sapir à plusieurs centaines de milliards de perte de croissance dans la zone, du fait de la surévaluation de cette monnaie.

Ce que l'on refuse obstinément de voir c'est que la productivité du travail est plus élevée en France qu'en Allemagne par exemple, et que cette dernière ne tient son différentiel de compétitivité qu'à son peuple et non au reste de son appareil de production : le peuple allemand, avec sa fameuse "TVA sociale" notamment, accepte d'être un peu plus spolié que ce qu'il devrait l'être par l'État. Et ceci ne tient à aucune de ses qualités économiques, mais à une différence de nation. Les économies ne sont que le reflet des peuples et il est inepte de croire qu'il soit possible de les faire converger par traités. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui encore, et avec un avenir plus radieux que dans les triomphantes années 90, je soutiens que la diversité des nations européennes doit constituer le socle de toute réflexion en matière d'architecture institutionnelle de notre Europe - une Europe de la coopération naturellement - et qu'une monnaie commune serait largement préférable à une monnaie unique.

Quant à l'imam caché auquel tu fais allusion Boris, même si j'aime la formule, je crois que chiites et soufistes rentreront bientôt dans les rangs éparpillés de l'islam, car il n'y a plus grand mystère. Il apparaîtra bientôt, pour le plus grands bonheur des chiites du PS, ce dernier voyant sa base sociologique glisser à droite depuis trente années désormais, et où les sunnites fondamentalistes (si j'ose dire, pour filer la métaphore) n'y pèsent guère que 18% quand tout va bien. Cependant, l'immense avantage d'une candidature PS de DSK au premier tour de la présidentielle serait de révéler - enfin ! - que le PS (hormis sa tendance sunnite à laquelle je faisais justement allusion) et le reste de la droite sont en phase sur tous les fondamentaux politiques, économiques et sociaux, et qu'il n'y a que sur la gestion des conséquences sociales de leurs désastres politiques qu'ils diffèrent plus ou moins légèrement (RMI plutôt RSA, et cætera)... Je verrais aussi un autre bénéfice à une candidature PS incarnée par DSK : elle menacerait le parti d'exploser en cours d'élection, et ce n'est pas pour rien que les entretiens entre Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon se sont multipliés ces derniers jours (j'ai cependant de la difficulté à penser que la fille du père de l'euro trouvera le courage de défaire le grand oeuvre de papa en se repositionnant à gauche, mais c'est une éventualité). Enfin, à mes yeux, le plus grand des bonheurs d'une candidature DSK au premier tour de l'élection présidentielle qui se profile déjà, serait assurément de n'avoir pas à supporter sa catéchèse libéralo-mondialiste durant les quinze jours qui séparent le premier du second tour ! Un peu comme pour un certain Jospin à l'époque, qui n'avait pas jugé utile de déclarer sa candidature au peuple, l'AFP suffisait, mais qui avait cru bon revanche de souligner (pour rassurer qui ? Le Marché ?) : " Mon programme n'est pas de gauche "...

Donc vive DSK ! Ce serait pour moi la possibilité d'avoir un second tour Mélenchon - Le Pen dans ce pays.

Franck

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