mardi 29 mars 2011

Faire Front ou Faire Face ? regarder le FN dans les yeux


Chers amis, Chers camarades,

Un des enseignements principaux du scrutin de dimanche aura été l’installation du Front National comme troisième force politique française.

Certes, si l’on cherchait à se rassurer, on pourrait toujours gloser sur les deux élus cantonaux du Front qui forment sur un plan comptable un résultat pitoyable, sur les 900 000 voix obtenues qui ne représentent qu’un vingtième du corps électoral français, sur la médiocrité de nombre des candidats frontistes ignorant des compétences même des Conseils généraux, ou sur l’inanité des propositions du Front national quand elles flattent les instincts les plus bas de l’Homme et du citoyen.
Mais à trop vouloir minimiser ou dédramatiser, comme s’y est employé d’ailleurs largement Jean François Copé depuis dimanche soir sur le mode « ce n’est qu’une élection locale il n’y a pas péril en la demeure », on passerait cependant à côté de l’essentiel :

Marine Le Pen semble en train de réussir son « pari marketing » : Pourquoi préférer l’ersatz de FN qu’est en train de devenir l’UMP alors que le produit « original » est plus efficace pour défendre des thèses extrêmes ? Le matraquage sur le mode « UMPS », est en train de fonctionner, Marine Le Pen et le FN se placent délibérément en position de recours comme force d’alternance au lieu d’occuper seulement la traditionnelle fonction tribunicienne de parti défouloir de colère et de frustration.

De vote « Contre », le vote FN est en train de se transformer en vote Pour. Le vote FN n’est donc plus seulement un vote sanction ou protestataire, mais est (hélas) en train de devenir un vote d’adhésion :

Le FN progresse sociologiquement partout : dans les classes populaires, où il représente 40% des votes des ouvriers et employés, dans l’Ouest de la France, terre pourtant traditionnellement de gauche, et désormais dans les classes moyennes qui semblent désormais devoir porter un intérêt au discours frontiste et à ses thèmes même si cela ne se traduit pas encore systématiquement par un vote majoritaire en faveur de ce parti.

Les thématiques du FN ont largement infusé dans le champ des idées, et Nicolas Sarkozy et ses principaux conseillers politiques (Hortefeux, Guéant) portent une responsabilité majeure sur l’installation politique d’une « arithmétique de l’absurde » liant Immigration et Déclin français, Immigration et Insécurité, Islam et Intolérance.

S’indigner, sur les brisées de Stéphane Hessel, ne suffira pas. Cela fait 30 ans désormais que l’on s’indigne en France face à la montée du Front, un parti qui a fait sa première percée électorale en 1984, avec la même inefficacité :
En effet, les années 90 ont été celles du développement du combat du FN sur le mode de l’anti racisme et du cordon sanitaire : on a considéré ce parti comme anti-républicain et la question « ontologique » était de savoir s’il était un parti fasciste ou non : « F comme fasciste N comme Nazi », le slogan est beau, il rappelle les combats républicains d’Espagne, il fait vibrer le cœur de révolte, mais il faut savoir parfois sortir de la légende et de la mythologie propre à la Gauche et revenir sur terre :

force est de constater que cette stratégie n’a jamais fait reculer d’un iota le FN dans les urnes. Le seul recul enregistré, avec l’arrivée de Sarkozy, a été du à la reprise des thèmes frontistes dans le discours de l’UMP (débat sur l’identité nationale, sur l’islam, répression des mouvements des banlieues…)

Si le FN était d’ailleurs un parti anti –républicain il aurait été placé au pilori juridique par les juges français : or, il ne l’a jamais été, même si ses dirigeants, à commencer par Jean marie Le Pen, ont été à plusieurs reprises condamnés pour des propos incitant à la haine et au racisme. Mais Aucun juge ni aucune autorité politique n’a jamais intenté de procédure de dissolution de ce parti ou ne l’a jamais mené à son terme.

Il faut désormais débattre pied à pied avec le FN, démonter ses argumentations fallacieuses et cesser la diabolisation des électeurs tout en maintenant nos soupçons sur les arrières pensées des dirigeants FN : mener donc le combat des idées, face au populisme et à la xénophobie que ce parti défend. « Plutôt Faire face que Faire front ».

N’oublions pas que les électeurs du FN viennent souvent de « nos » rangs : ouvriers et employés votant jadis pour le PC ou pour le PS, déçus du « système des partis », touchés de plein fouet par la crise et qui ne se sentent plus « protégés » par l’Etat.

Il faut donc comprendre ce qui « parle » aux électeurs FN dans le discours et les thèmes du FN et fournir une réponse de gauche à ses problématiques :

Quand je lis « préférence nationale pour l’attribution des allocations familiales » « fin du regroupement familial » « promotion d’un Etat protecteur » et défiance face à l’Europe actuelle avec promotion de la sortie de l’Euro, tous thèmes défendus par le FN, je me dis que nous avons le devoir, en tant que parti appelé à gouverner en 2012, à fournir un programme pour « retrouver langue » avec les ouvriers et employés que nous avons perdu :

Un Etat qui protège dans une Europe qui protège devrait par exemple permettre de « parler » à ces électeurs.

Un Etat plus juste dans une République modèle devrait participer de la réconciliation des électeurs du FN avec les valeurs traditionnelles de la République française. Un Etat capable de relancer une politique industrielle digne de ce nom, innovatrice en matière de recherche, serait aussi vecteur d’emplois et ferait reculer la pauvreté et la précarité en France.

Enfin, une classe politique exemplaire, dans le non cumul des mandats, dans la transparence des rapports entre les champs politiques et économiques, devrait résoudre en partie la crise du Politique qui fait progresser l’abstention à des niveaux vertigineux.

Le PS a une responsabilité majeure dans les mois qui viennent. Il doit se réinstaller au sein du champ politique comme le parti de la Justice, de la Morale, comme le parti d’une République et d’un Etat qui protègent.

Démonter les sentiments xénophobes sera surement plus difficile car nous sommes là dans « l’irrationnel ». Nous pouvons cependant continuer à montrer les avantages et apports de l’immigration. Ce n’est pas une simple question politique, c’est là une question essentielle de morale.

A ces conditions, nous ferons reculer le FN et nous ne gagnerons pas seulement par défaut en 2012 lors d’un 21 avril inversé qu'on voit poindre comme une hypothèse de plus en plus crédible.

Amitiés socialistes
Boris

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