mercredi 18 février 2009

2009. Année noire pour le réseau culturel français ?

2009, Année noire pour le réseau culturel français ?

N’en déplaise au ministre Kouchner qui vaticinait récemment dans le journal libération, la coopération culturelle n’est plus une priorité du ministère des affaires étrangères.

La baisse générale des crédits publics pour le financement de l'action culturelle extérieure atteindra 30% dans certains postes diplomatiques et s'établira à 20% de baisse moyenne dans tout le réseau culturel, c’est le verdict sans appel de la loi de finance 2009 pour le réseau culturel du ministère des affaires étrangères. Au delà de la difficulté récurrente liée au manque de moyens publics, le "Réseau" est confronté à une série de problèmes de fonds dont la résolution urgente créerait les conditions possibles de sa modernisation. Que l’Etat français s’engage réellement en faveur de ce réseau porteur d’un message culturel alternatif au niveau mondial, et c’est tous les francophones du monde entier qui pourraient exprimer, via ce réseau à vocation universelle, une vision alternative de la mondialisation ultralibérale dont la gigantesque crise financière et sociale actuelle vient rappeler l’échec. Cet engagement public, contrairement à une idée fausse, ne couterait pas cher aux français, le réseau culturel étant déjà largement cofinancé par des ressources privées.

Voilà un rapide état des lieux de l’action culturelle extérieure, de ses principales difficultés, et des espoirs à attendre d’un engagement public de l’Etat pour sortir ce réseau de son ornière actuelle.

Un problème de "gouvernance" :

La DGCID, direction générale du ministère des affaires étrangères qui pilotait jusque là la politique de coopération culturelle, éducative, scientifique et technique, vient d'être absorbée dans une nouvelle direction dite "de la mondialisation" à forte dominante économique. Dans cette nouvelle organisation ministérielle, l'action culturelle semble désormais un appendice mineur. La DGCID était le dernier avatar du ministère de la coopération, qui en 1999 fusionna avec le ministère des affaires étrangères lors d'une réforme historique.

Un problème de visibilité :


Le réseau culturel français n'est pas très bien identifié par les français de la métropole. Beaucoup pensent qu'il dépend d'ailleurs du ministère de la culture et qu'il a des fonctions équivalentes. Peu d'élus politiques nationaux, à l'exception de quelques sénateurs des français de l'étranger, se sont emparés des questions relatives à l'action culturelle extérieure française.

Faute de vision politique majeure pour repenser ses missions, le réseau culturel est dans une ornière profonde.

Une identité particulière pas toujours bien vue du Quai d'Orsay :

Les personnels exerçants dans le réseau culturel ne sont pas des diplomates de métiers. Le mode de recrutement privilégié est celui de l'appel à "des spécialistes" venus d'horizons professionnels divers. Le nombre de détachés de l'éducation nationale y est important, mais c'est aussi des professionnels de l'audiovisuel, des personnalités du monde de l'art, des spécialistes des musiques actuelles, ainsi que bon de nombre de "logisticiens de la culture" (financiers, juristes, graphistes ou techniciens), qui essaient d'exercer leurs fonctions en bonne intelligence. Cette "diversité" de recrutement est une des identités fortes de ce réseau.

La coexistence avec le monde, plus classique dans sa gestion, des diplomates de carrière n'est pas toujours évidente. Nombre d'Ambassadeurs et de décideurs du MAE craignent fortement les tentatives d'autonomisation de ce réseau, de peur de voir leur échapper une "diplomatie d'influence culturelle" qui est un des piliers de l'action internationale française.

L'introuvable agence culturelle :


Les décideurs du Quay sauront ils mettre en place un opérateur culturel autonome, idée force de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), pour moderniser le réseau culturel français ? Il faudrait alors trouver une articulation politique entre cette agence culturelle autonome et la stratégie internationale française définie par le MAE.

La situation antérieure à 1999, avec un ministère de la coopération de plein exercice, est vécue par bon nombre d'Ambassadeurs comme un mauvais souvenir et ralentit peut être la mise en place d'une agence culturelle autonome :

A l'époque, la rivalité avec les chefs de mission de coopération, qui étaient de fait des ambassadeurs Bis, était souvent vécue comme une dispersion des moyens…et du Pouvoir. Les diplomates vivent donc mal les tentatives d'autonomisation actuelle du réseau.

Autre obstacle à cette réforme : Culture France, qui pourrait être la pierre de touche de cette agence autonome, à une légitimité qui est contestée dans le réseau : certains professionnels trouvent cette structure excessivement parisianiste dans ses choix de programmation culturelle et fermée dans son recrutement fortement cooptatif.

2009 s'annonce donc déjà comme l'année de tous les périls pour un réseau qui compte 148 instituts culturels dans le monde et plusieurs centaines d'Alliances françaises, qui en font donc un des réseaux culturels les plus étendu au monde.

Une petite révolution financière déjà réussie :


Une chose est cependant certaine : Les moyens publics nécessaires à la relancer de ce réseau seraient pourtant modestes : à l'heure actuelle le coût global du réseau est inférieur au budget de fonctionnement de la grande Bibliothèque ou de l'Opéra Bastille. Malgré tous ces problèmes de fonds non résolus, le réseau a réussi une petite révolution silencieuse dans le domaine financier : celle de voir croitre la part des ressources privées dans son financement : les instituts culturels d'Europe sont aujourd'hui autofinancés à plus de 50% par le mécénat d'entreprise, les cofinancements avec des institutions culturelles locales, et par les recettes liées à la vente de cours de français. La relance du réseau culturel ne coûterait donc pas cher aux français.

Accompagner le commencement d’un monde métissé


Réformer utilement ce réseau, ce serait d’abord lui donner une feuille de route claire et qui fixe le cap d’une mondialisation alternative et généreuse, accompagnant « le commencement du monde » nouveau, cette modernité métisse qu’évoque Jean-Claude Guillebaud dans un ouvrage récent.

Pour l’instant l’action culturelle extérieure n’est qu’un des piliers de l’action diplomatique de l’Etat qui y décline sa stratégie d’influence auprès des élites culturelles locales. N’est il pas temps de doter ce réseau d’une politique qui lui soit propre ? En le rattachant à un opérateur de gestion autonome ? Qui serait soumis à une tutelle interministérielle élargie que le ministère de la culture, le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, et le ministère des affaires étrangères pourraient contribuer à définir ensemble ? Qui nouerait des liens encore plus profonds avec l’organisation internationale de la francophonie ?

C’est justement quand la crise fait rage que la nécessité d’un message collectif porteur d’espoir se fait sentir. La culture francophone ouverte et mêlée par le biais d’une langue française rénovée, pourrait trouver dans un réseau culturel modernisé un écrin pour son rayonnement.

Ne rien faire, manquer d’audace alors que le réseau culturel français s’étiole, c’est choisir d’ignorer la revendication des peuples à l’accès à une culture diverse et métissée.

Boris

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