lundi 23 février 2009

Guadeloupe et diversité française

La grève générale de la Guadeloupe est entrée dans une nouvelle phase. Avec la mort d'un syndicaliste et une montée en puissance des tensions, certains craignent un embrasement généralisé de violence.

Sur le forum de discussion des socialistes de l'étranger, le sujet de la Guadeloupe n'a pas été abordé jusqu'à ce lundi 23 février 2008.

Voilà la réponse que je fais à un camarade de Jamaique, Pierre René, très surpris de ne rien lire sur la Guadeloupe sur notre forum.


Cher Pierre René,

Il faut surement plaider coupable en effet sur la question de la Guadeloupe qui n'a pas été évoquée sur ce forum. Et lancer à ta suite ce débat.

J'avoue à titre personnel suivre la situation de grève générale et les négociations qui pour l'instant n'ont pas trouvé de débouché positif. J'apprends et je découvre la société guadeloupéenne plus en profondeur à cette occasion là.

Ayant été insulaire pendant 5 ans de ma vie (1 en Corse et 4 ans à Maurice), la question des revendications des "outre mers" m'intéresse particulièrement. Mais il me semble en effet que les Français ont du mal à y voir clair quand on évoque la situation des Dom-Tom-Com et pays d'outre mer en général (l'appelation DOM-TOM est désormais trop limitative) et les questions liées au passé colonial de la France en particulier.

Je prends le risque de livrer quelques éléments de réflexion pour expliquer la relative indifférence française :

- L'éloignement avec les différentes collectivités d'outre mer n'est pas que géographique, il est historique. C'est seulement depuis la Loi Taubira (La loi Taubira est une loi française concernant la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l'Humanité datant de 2001) et depuis les débats houleux autour du "rôle positif de la colonisation" que l'on commence à regarder en face ces pages de l'histoire de notre pays.

- Les sociétés insulaires sont d'une grande complexité. Que l'on parle de diversité des peuplements (ex : la mosaïque de peuple composant la Réunion), de "pigmentocratie" (aux Antilles), des mille et une subtilités de la culture Maohi dans les rapports humains, des rapports entre Békés, descendants de colons, avec les peuples issus de la traite, il y a une variété de codes socio culturels propres à ces sociétés qui échappe à la vision unificatrice et unitaire de La République (une et indivisible). Cette diversité là n'est pas enseignée à l'école de la République.

- Les économies insulaires sont par ailleurs fragiles et oligarchiques : Elles reposent sur un petit nombre d'entreprises dominantes, autour d'un nombre de secteurs économiques réduits et souvent très liés à la métropole. Les fléaux du chomage, de la précarité y sont particulièrement importants, avec des chiffres bien au dessus de la moyenne nationale.
L'économie insulaire cadre mal avec l'idée d'une mondialisation économique ouverte, libérale et heureuse (et de Droite).

La grève générale en Guadeloupe opère une résurgence, celle de toute la complexité des ces mondes qui remonte à la surface. Chaque Ile, chaque collectivité d'outre mer est en soit un cas particulier. Un micro monde.

La Guadeloupe, même proche de la Martinique, n'a peut-être pas exactement la même lecture du passé colonial par exemple. Le travail de mémoire à la Martinique fait par Césaire et par les tenants de la négritude, n'a pas été aussi important en Guadeloupe, même s'il a eu une grande influence bien entendu. Le massacre de mai 67 en Guadeloupe n'a pas vraiment d'équivalent ailleurs. C'est une plaie ouverte que la métropole découvre.

Je crois donc que les évènements en Guadeloupe, c'est-à-dire, dans sa version optimiste, la tentative de réveil et d'union de tout un peuple pour accoucher d'une autre société, peuvent déboucher sur une prise de conscience en métropole de la diversité française issue de notre histoire.

Comme le dit Dominique Wolton dans "demain la francophonie" dans une formule lapidaire : "Etre français aujourd'hui ce n'est pas seulement être blanc".

Les collectivités d'outre mer sont donc une chance pour la France. Il est temps de s'y intéresser de plus prêt. Pour découvrir ou redécouvrir la francophonie. Et découvrir la richesse des mondes composant la France d'aujourd'hui.

Amitiés Fraternelles

Boris

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