mardi 29 septembre 2009

j'ai (très) mal au travail




Chers tous,

Le suicide d’un 24ème salarié de France Télécom ce lundi est la dernière illustration tragique d’une dérive sociétale qui rend de plus en plus douloureux et anxiogène le rapport des travailleurs au travail.

Ce que propose la Droite, travailler plus pour gagner plus, peut s’entendre aujourd’hui comme une ode masochiste au travailler plus pour souffrir plus.

La gauche doit donc porter un discours alternatif, non seulement, et c’est son rôle traditionnel, sur la répartition du travail dans une optique quantitative (comment lutter contre le chômage en partageant le travail à travers des politiques publiques ou une législation incitative), ce qui relève des politiques publiques pour l’emploi correctives et régulatrices des imperfections d’un marché du tout libéral , mais également en développant un argumentaire et des mesures pour mieux vivre ensemble au travail.



Si le salariat a été le modèle dominant des 30 glorieuses, si le système de protection sociale dans l’Etat providence a été accolé au modèle salarial, force est de constater que nous avons aujourd’hui changé de paradigme sous les coups de boutoirs d’une contre révolution libérale qui, depuis les années 1980, s’est emparée du monde du travail en impulsant des changements de fonds dévastateurs pour l’équilibre des personnes :



La montée des temps partiels subis, la précarisation d’un nombre croissants d’emplois, l’individualisation des contrats de travail avec le développement des contrats à durée déterminée ou des contrats de prestations de service en lieu et place de contrats de salariés, ont provoqué la montée en puissance de ce « temps des incertitudes » qu’analyse avec justesse Robert Castel, directeur de l’EHESS. Des incertitudes qui minent le moral d’agents déboussolés par un changement de paradigme mondial.



Le développement d’un discours managérial sur la « qualité totale », l’insistance sur la notion d’évaluation permanente de la performance, « la chasse aux couts » effrénée, l’allongement du temps de travail, la perte d’influence des partenaires sociaux, sont autant de symptômes d’un même mal : « L’individualisation forcée » des rapports de travail dans une optique de contrôle de tous pare tous (dont parle longuement Christophe Desjours, psychatre du travail) qui isole « l’homo-économicus » dans son rapport à l’entreprise et aux autres agents économiques perçus comme autant de concurrents potentiels. Le Darwinisme social et économique qui en découle promeut la réussite de quelques uns comme l’illustration de la validité d’un système qui tend pourtant à laisser sur le bord de la route un grand nombre d’agents, sinon leur majorité. En grossissant le trait, c’est le modèle de la salle des marchés généralisé, où les bonus mirifiques du « top management » représentent 1000 fois le montant du salaire de la secrétaire qui enregistre les ordres de ventes et d’achats : Honte à la secrétaire qui n’a pu devenir trader. Vae Victis et malheurs aux perdants de la guerre économique.

Nous devons donc, urgemment, proposer un changement de paradigme sous peine de voir une machine économique devenue folle générer de plus en plus de dégâts humains autour d’elle.

Changer économiquement, pour aboutir à un système d’entreprise dans lequel les valeurs collectives de solidarité au travail seraient régénérées, un système qui pourrait faire la place aux logiques coopératives développées par des d’agents retrouvant le sens du travailler ensemble.

Changer socialement, en entrant dans un nouveau modèle de civilisation sachant prendre en considération pour mesurer la richesse d’un pays le bien être au travail ou la création de richesse hors du travail ( sur le temps « libéré » du travail au service de l’action associative, militante ou culturelle … au service des autres).


En terme de modèle d’administration publique, L’Etat social moderne que nous appelons de nos vœux devrait être en mesure de changer pour ne plus copier servilement les pires méthodes de direction des hommes issues de l’entreprise pour promouvoir notamment les valeurs de dialogue social pour impulser des changements, de responsabilisation collective des agents par le biais d’un modèle plus coopératif (en donnant par exemple force de loi aux accords sociaux négociés entre représentants des personnels et représentants de l’administration dans le domaine des conditions de travail)/ Un Etat moderne n’est plus aujourd’hui un Etat modeste, le besoin d’Etat révélé par la Crise est là pour le prouver


Il y à tant à faire. Voilà un terrain formidable d’expérimentation sociale pour une gauche qui cherche à se régénérer idéologiquement parlant en proposant un modèle de société alternatif au modèle dominant du tout libéral.

Un nombre énorme de citoyens nous attendent sur ce terrain politique. Tous ceux qui hurlent dans la noirceur du monde d’aujourd’hui « j’ai très mal au travail ». Mais également tous les autres. La masse importante de ceux qui prennent leur mal en patience en se disant que le travail n'est qu'un mal nécessaire. Pour nous tous donc.


Il y a là un impératif moral universel : Car Rien ne justifiera jamais qu'une entreprise, ou une administration publique, adoptent un modèle de développement régressif et violent qui fait du salarié " cet appendice de chair dans une machinerie d'acier ", selon les mots de Karl Marx


Boris

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