jeudi 15 juillet 2010

réseau culturel : mort clinique annoncée ?

Le projet de loi sur l’action extérieure vient d’être voté en commission mixte paritaire et le texte quasi définitif qui en ressort suscite notre plus vive inquiétude pour sa partie sur l’action culturelle extérieure : j'ai donc produit un projet de communiqué pour le compte de Pouria Amirshahi, secrétaire national du PS sur les questions de coopération et de droits de l'homme.

http://droitsdelhomme.parti-socialiste.fr/2010/07/09/la-cooperation-culturelle-menacee-par-le-projet-de-loi-du-gouvernement/

Mon commentaire/analyse :
La mise en place d’une agence culturelle sous forme d’un établissement commercial (EPIC) va à l’encontre de la tradition du réseau culturel français conçu dès son origine comme un élément régalien de l’action de l’Etat à l’étranger.



Aujourd’hui, le gouvernement a souhaité passer en force, contre l’avis de très nombreux parlementaires qui réclamaient une réforme plus équilibrée autour d’une agence sous forme d’établissement public administratif sur le modèle de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). La totalité des organisations syndicales du Ministère des affaires étrangères et l’immense majorité des agents du ministère refusent la mise en place d’une agence culturelle à la « Britannique », qui, comme le British Council s’en remettra à la seule logique du marché pour lever des fonds et faire des profits sur le dos des usagers.



La situation du British Council aujourd’hui est trop préoccupante pour qu’il constitue un quelconque modèle à suivre : Tous les professionnels de la diplomatie culturelle s’accordent à trouver sa programmation culturelle étique, par manque de moyens, ses tarifs pratiqués pour la vente de cours prohibitifs, et ses bibliothèques relativement vides.



Le manque de moyens dans le réseau culturel français va donc aller s’accentuant dans cette nouvelle configuration institutionnelle, alors que sa situation est déjà périlleuse : ces dernières années la politique d’extrême austérité culturelle pratiquée par les divers gouvernements de droite qui se sont succédés depuis 2002, a abouti à la fermeture de dizaines d’instituts culturels dans le monde, à priver en cinq ans le réseau culturel d’un tiers de ses moyens, à la suppression d’une large portion des effectifs des professionnels de la coopération culturelle et éducative exerçant à l’étranger, et à l’harmonisation par le bas de la situation sociale des milliers d’agents de recrutement local travail dans ce réseau.



Le réseau culturel français est pourtant le réseau de la diversité culturelle contre les tendances Main Stream du marché, il est le réseau des cultures françaises et francophones sans hégémonie de l’une sur l’autre. C’est un outil qui permet aujourd’hui d’offrir un accès quasi gratuit aux livres et aux autres supports de diffusions culturelles numériques, à la diffusion de spectacles et d’évènements culturels pour tous, grâce aux subventions publiques de l’Etat mais aussi par l’entremise d’un mécénat d’entreprise bien réel. Il est enfin le réseau qui permet un apprentissage de la langue française, comme langue de partage et d’ouverture, contre toutes les tentatives d’uniformisation, à des tarifs abordables, avec une politique d’aide et de bourse ciblées pour permettre une grande ouverture vers des apprenants représentant les jeunes élites de demain des pays d’accueil.

Ce réseau va subir, en plus d’une réforme mal calibrée, un nouveau « tour de vis budgétaire » qui pourrait lui être fatal d’ici 2012 : dans le projet de budget triennal du gouvernement « le ministère des Affaires étrangères, y compris l’action culturelle extérieure perdrait 5% de ses crédits en 2011, puis 7,5% en 2012 et 10% en 2013, et les suppressions d’effectifs de fonctionnaires ( 3 sur 4 départs à la retraite) concerneront surtout les fonctionnaires détachés des autres ministères, c’est-à-dire ceux venus de l’Education nationale (143) qui animent actuellement le réseau culturel » Comme le rappelle opportunément notre amie sénatrice des français de l’étranger, Monique Cerisier Ben Guiga.

Il faut donc préparer dès 2012 avec l’alternance, une réforme mieux calibrée, autour d’un établissement public administratif qui permettra de garder dans le giron de la gestion publique l’action culturelle extérieure, avec une mise à niveau sociale des rémunérations des agents locaux, et un plan de relance équilibré en moyens financiers et humains, sur un mode de financement mixte (privé/public) pour sortir ce réseau de la mort clinique que vient de programmer ce gouvernement.

Une vision ambitieuse pour un Soft power à la française autour du réseau culturel extérieur, de ses instituts et de ses alliances françaises, comme mode d’influence majeur dans le monde d’aujourd’hui, est particulièrement nécessaire comme outil diplomatique moderne.

Boris

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