lundi 23 août 2010

réformer l'éducation nationale ? rythmes scolaires, affaire à suivre...


Chers amis,

Dans la presse quotidienne de ce matin nous trouvons l'écho de l'annonce expérimentale de nouveaux rythmes scolaires dans 123 établissements qui, à la rentrée, pourront explorer une nouvelle organisation des enseignements avec, pour faire simple, des cours le matin et du sport l'après midi.

Le contexte budgétaire du Ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, tronçonné par les coupes répétées de la RGPP qui ont notamment conduites à la suppression de milliers de postes d'enseignants, d'administratifs, ou de surveillants, fait évidemment profondément douter de la volonté réelle du ministre Chatel d'imposer sa réforme.

Les vieux routiers du ministère de l'éducation nationale, et ils sont nombreux dans nos rangs, se souviennent du nombre de réformes avortées, du manque de courage des ministres, connaissent les lourdeurs de l'appareil éducation nationale, et ne peuvent donc aujourd'hui se réjouir par avance que l'on touche ainsi, et même timidement et à dose homéopathique, aux rythmes scolaires...

Ancien intendant de collège de banlieue difficile, fils et petit fils d'enseignant (ce qui s'appelle une hérédité chargée :), je reste pourtant intiment convaincu que c'est dans la réforme du calendrier scolaire, dans la revalorisation et le changement de statut des enseignants, que se situent les bases d'une réforme d'ampleur de notre système scolaire, qui remettrait enfin, et au delà des formules incantatoires, "l'élève (réellement) au centre du système scolaire"et permettrait une lutte efficace contre l'échec scolaire, alors que plusieurs dizaines de milliers d'élèves quittent chaque année l'école sans diplome, et que notre système reste cruellement reproductif d'inégalités et castéiste dans ses résultats :

Aujourd'hui les choix des élèves restent grandement conditionnés par le poids de l'héritage éducatif et culturel d'origine, l'habitus chère à Bourdieu joue à plein, sans que ce gouvernement ne semble réellement s'en émouvoir :

Pour ne prendre qu'un seul exemple, celui des choix d'orientation, et devant les suppressions de postes de conseiller d'orientation psychologue, les fameux COP, décidées depuis plusieurs années par les gouvernements de droite successifs, constant également la multiplication et l'alourdissement des taches des enseignants, souvent donc démunis pour prendre le temps d'un traitement individuel de l'orientation sous forme de conseils aux élèves, on peut dire désormais que c'est sur les seules familles et donc sur leurs seules capacités à donner les clés de compréhension du système à leurs enfants, (ou de ne rien leur confier du tout en les laissant face au brouillard de l'orientation) que se fonde le choix des enfants d'aller vers telles disciplines, telles filières, de choisir une orientation vers le supérieur, ou une réorientation en cas de difficultés scolaires...autant de carrefours où il est si facile pour l'élève de sortir de la route...et de se retrouver sur le bord du chemin. Cassé par une machine scolaire parfois inhumaine...

Pour ne pas alourdir la lecture estivale de ce mel je me contenterai de dresser ici en guise de conclusion quelques pistes qui me semblent essentielle pour une réforme de notre système, je reprends d'ailleurs ici, sans originalité, les analyses de sociologues ou de syndicalistes qui ont pu s'exprimer sur la question :

- réforme des rythmes scolaires pour notamment rééquilibrer les trimestres entre eux, le premier trimestre étant notoirement trop lourd (car tout le monde apprécie les longues vacances d'été...), et laissant enseignants et élèves épuisés dès la fin du mois de novembre...le mois de décembre étant souvent un calvaire (multiplication des tensions dans l'établissement, effet de saturation dans l'apprentissage par les élèves), réaménagement des rythmes scolaires pour des après midi consacrés à la découverte des arts et au sport : pour une école où l'on se sente mieux, plus humaine dans son rythme, laissant plus de place à un accompagnement individualisé des élèves.

- réforme de la carte des enseignements, l'élève ayant du mal à se retrouver dans le maquis disciplinaire d'aujourd'hui, alors qu'il faudrait développer la bivalence chez les enseignants pour présenter un éventail de discipline resserré autour de quatre poles principaux(ex : les humanités et les arts, les langues, les sciences, le sport) : pour un système plus lisible et plus porteur de sens aux yeux des élèves

- réééquilibrage des moyens au profit du collège unique, ce "mal aimé"du système scolaire qui accueille pourtant la masse des élèves (mal aimé par les enseignants qui préfèrent enseigner au lycée devant un public généralement déja sélectionné, mal aimé budgétaire qui provoquent souvent un sous dimensionnement des équipes administratives et éducatives dans les collèges quand les lycées s'en tirent mieux)

- sanctuarisation du coeur des métiers éducatifs, afin de ne pas chercher de nouvelles étapes de décentralisation dans une République qui fait de l'unité des enseignements scolaires nationaux un des socles de la cohésion nationale

J'ai bien conscience que chaque point évoqué ci dessus pourrait provoquer en soit un débat...

En ces temps de torpeur estivale, et parce qu'être de gauche suppose de considérer l'éducation comme un de nos sujets prioritaires de débat et de réforme, je voulais donc vous donner ce modeste point de vue pour, je l'espère, susciter vos réactions et commentaires. Ce qui changera de l'obsession sécuritaire de ce gouvernement, et permettra de parler de l'école sans sytématiquement évoqué la question du voile ou de la burka ;)

Amitiés

Boris
depuis Bruxelles

4 commentaires:

  1. Les mots sont dis "sans élève pas d'enseignant". La reconnaissance de l'enseignement se fait par la réussite, par l'intégration des élèves dans la société. Bien que l'EPS soit indispensable nous pouvons nous demander si cette matière peut se développer au détriment d'autres savoirs.
    Cordialement

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  2. Je suis point par point d'accord avec vous.
    Surtout, sur ce que vous appelez la réforme de la carte des enseignements. Avez vous lu des articles ou des références sur ce thème ? Y-a-t'il un bébat sur ce sujet qui me semble très très tabou ?

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  3. un débat pardon ! Encore bravo pour votre article !

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  4. pardon de faire un peu de publicité "familiale" mais sur ce thème, le livre de mon père, Bernard Faure "on a oublié le principal" donne quelques clés de compréhension...
    sinon, sur la notion de bivalence, un article d'un attaché linguistique d'Ambassade avec une expérience pédagogie intéressante menée au Brésil http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ELA_121_0009

    la réforme de la carte des enseignements, est tout à fait un débat tabou, particulièrement à gauche où nous avons été traumatisé par la défection d'une partie de l'électorat enseignant en 2002, qui s'était mal remis de l'épisode "Allègre"...il y a depuis une sorte de paralysie intellectuelle sur cette question, la gauche ayant peur d'effaroucher les enseignants en leur proposant une réforme d'ampleur touchant à leur statut...Or, bien des enseignants se plaignent d'une système actuel, et sont tout sauf conservateur...il faut simplement leur proposer un changement acceptable...avec pédagogie :))

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