jeudi 19 mars 2009

lettre ouverte à un militant PS qui nous quitte...ou les impasses du NPA, entre exil et entrisme...



Philippe Marlière, un camarade du parti socialiste, vient d'envoyer une lettre ouverte à Martine Aubry pour expliquer son choix de quitter le parti socialiste pour rejoindre le nouveau parti anti-capitaliste, le NPA du facteur Besancenot.


http://contretemps.eu/interventions/philippe-marliere-pourquoi-je-quitte-parti-socialiste

Je lui réponds pour brocarder les impasses de la ligne révolutionnaire du N.P.A. et stigmatiser les ambigüités internes portées par ce parti trotskyste.

Cher Philippe,

Je respecte les choix et les analyses qui te conduisent aujourd’hui à quitter notre parti. J’ai pris la peine, je suppose comme bon nombre d’entre nous, de lire ton texte pour comprendre tes arguments de départ.

Tu nous dis qu’il y a divorce entre la fonction politique du PS qui conduit, via la présidentialisation de la vie politique, à un excès de personnalisation des enjeux politiques sur fond de néolibéralisme de nos élites, et la nature sociale d’un parti encore perçu comme socialiste par une partie de la population, et dont la sincérité idéologiques des militants est le creuset.

Je partage parfaitement cette analyse.

Mais faut-il rendre les armes aux oligarques qui nous gouvernent ? Et dans ce combat, est-il plus utile d’être un résistant du dehors ou de l’intérieur ? Avons-nous seulement donc pour choix l’entrisme ou l’exil ? Quel exil au juste, partir pour aller où ?

A la gauche du PS, il y a malheureusement trop peu de choses tentantes : J’y vois plus d’impasse que de chemins d’avenir.

Bien entendu, comme un certain nombre d’entre nous, j’ai une estime certaine pour la démarche du PdG, son militantisme collectif assumé et son socle de valeur clair, mais ce qui me freine est la personnalité de Mélenchon. Que je ne crois pas suffisamment capable de rassembler. Bouillonnant certes. Mais brouillon avant tout. « Brouillonnant » voilà le néologisme qui le caractérise le mieux.

Tu fais aujourd’hui le choix de rejoindre le NPA. Je m’interroge donc, à ta manière, sur la fonction politique et la nature sociale de ce parti :


*Sa fonction politique : elle est clairement révolutionnaire…et potentiellement violente : Le NPA n’a, d’après moi, pas renoncé à l’utilisation de la violence comme moyen de lutte politique, et reste dans une optique révolutionnaire comme je le lis sur son site « Ce qui rend nécessaire une centralisation des activités du parti, c’est que le capitalisme dispose d’un cadre centralisé d’où s’organise sa domination : l’État, les puissances économiques et financières. L’enjeu est bien un changement de pouvoir et une rupture révolutionnaire avec l’ordre établi ». http://www.npa2009.org/content/statuts-provisoires-du-nouveau-parti-anticapitaliste-adopt%C3%A9s-par-le-congr%C3%A8s-du-npa

La centralisation démocratique du parti NPA devrait donc répondre au centralisme oppresseur de l’Etat.

MAIS

« Le centralisme démocratique », nous le connaissons bien. C’est celui qui conduit au goulag.

Le centralisme oppresseur de l’Etat, je regrette, je ne le connais pas. Dans notre système, certes imparfait, de séparation des pouvoirs républicains il y a potentiellement donc des garanties de contre pouvoir interne qui fondent l’organisation d’un Etat démocratique. Bien sur, l’Etat conserve le monopole de la violence légitime. Et nous devons donc, en permanence, lui opposer des gardes fous : l’indépendance de la justice, le renforcement des pouvoirs de contrôle du parlement, la défense de la liberté de la presse, le devoir de désobéissance civile face à des règles ou lois manifestement illégales, la lutte pour la préservation des libertés individuelles …cela ne passe donc pas par l’action révolutionnaire où la violence sociale répond à la violence étatique, mais bien par une action démocratique, déterminée et organisée dans le cadre des partis de gauche.

*la Nature sociale du NPA est très ambiguë : le NPA est le successeur de la ligue communiste révolutionnaire qui constitue un des principaux viviers de recrutement de ses militants. Ces militants souscrivent à l’idéal Trotskyste de « lutte pour une démocratie ouvrière, de mise en place du « pouvoir des travailleurs » sur l'économie. Cette société serait mise en place par la révolution socialiste ainsi que l'abolition du capitalisme » (article Wikipedia).

Malgré une arrivée de nouveaux militants sincères (et de certains Bobos des beaux quartiers parisiens qui n’auront jamais les mains sales…) il y a contradiction entre le pluralisme interne du parti NPA et le principe d’efficacité révolutionnaire :

Ceci est rappelé d’ailleurs implicitement par les statuts actuels du NPA :

« Un principe démocratique : des directions élues, représentatives, et qui rendent compte de leur mandat à la base et expliquent leurs décisions. Un principe d’efficacité : centraliser l’activité à l’échelle la plus adéquate »…

Cette dernière phrase me laisse très perplexe car elle justifie le choix possible d’orientations par une avant-garde auto proclamée et par un noyau dur oligarque…tout ce que tu condamnes donc dans notre parti socialiste devenu trop oligarchique à ton sens.

Je comprends donc difficilement ton choix de rejoindre le NPA.

J’imagine que tu tenteras, avec tes moyens, d’agir dans un cadre militant démocratique et ainsi tenteras tu aussi, à ton échelle, de faire changer l’ordre des choses en interne ; J’imagine donc que tu choisis, à la fois l’exil ET l’entrisme…

Reçois donc mes pensées amicales, affectueuses même, pour le militant et le penseur du socialisme que tu es et restera, même en dehors de notre maison. Pour ta démarche politique nouvelle, empreinte de courage.

Je suis convaincu que le socialisme vaut mieux que les errements de bon nombre de ses dirigeants. Et que ce sont les militants qui nous sauveront des excès de notre propre oligarchie. A condition de rester suffisamment nombreux et organisés pour gagner l’épreuve de force interne à Solférino…Et d’y imposer le renouvellement sociologique de nos élus, le mandat unique pour tous, la réflexion idéologique approfondie et décidée démocratiquement dans le cadre de conventions nationales régulières, des modes de désignation à chaque échelons plus clairs et selon un système restant démocratique tout en cessant d’être si alambiqué…Il me semble possible de croire encore en une rénovation profonde pour que nous redevenions un parti sinon de masse, au moins un parti qui pense collectivement et agit pour les masses selon une ligne politique clairement à gauche.

Cher Philippe, tu nous as prouvé, à de très nombreuses reprises, par tes analyses perspicaces et brillantes qu’il était possible de porter le fer de l’argumentation en choisissant la force de la critique. Puisses-tu continuer à exercer ta force critique au sein du NPA avec ardeur. Cette force, je crois possible que nous continuions collectivement à la rendre possible dans un parti socialiste qui cherche à se rénover. Même si on peut trouver le processus laborieux, il y a des signaux positifs

C’est parce que ces balises brillent encore puissamment dans la nuit que nous continuons notre route dans le navire socialiste.


« Fluctuat nec mergitur »

Amitiés fraternelles cher camarade
Boris

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