mardi 26 mai 2009

Pierre Beregovoy et les chiens



A la suite de la diffusion sur France2 d'un hommage à Pierre Beregovoy, un texte contrasté sur le jugement politique rendu à un homme dévoré par son époque...


Cher Emmanuel, Chers camarades,

Je crois qu'il y a un paradoxe Beregovoy qui tient entre l'écart existant entre son itinéraire personnel et la politique qu'il a incarné :

A titre personnel, Beregovoy demeure comme le symbole incarné d'un socialisme républicain qui avait eu le mérite d'offrir une place dans l'ascenseur social à un ouvrier chaudronnier ayant gravi les différents niveaux de la politique pour devenir premier ministre à la force du poignet. Il incarne donc une sorte de socialisme pur et parfait à ce titre. Celui du socialisme du travail, de l'abnégation, du mérite. Un socialisme populaire.

A titre politique en revanche, Beregovoy est une figure bcp plus contestable, il incarne le socialisme de la rigueur, celui des privatisations et des premiers reniements de l'après 1983. Celui d'un parti qui s'est progressivement coupé de son électorat traditionnel ouvrier, un parti en voie de cartellisation avancée, et qui a laissé, au passage, le FN faire main basse sur une grande partie de l'électorat populaire.

Dans les années 90, Beregovoy a sombré dans les tourments d'une époque, celle de la fin de règne mitterrandienne franchement crépusculaire, où les socialistes étaient plus divisés que jamais, et où les règlements de compte étaient monnaie courante au sommet de l'Etat comme dans les plus hautes sphères du parti, où les "affaires" polluaient considérablement la vie politique de l'époque qui n'avait pas encore su régler le problème du financement transparent des partis politiques.

Bere' n'a jamais supporté par exemple qu'Edith Cresson soit nommé avant lui en 1992 au poste de premier ministre et a été un de ceux qui ont organisé une véritable cabale contre elle depuis le ministère des finances transformé en citadelle contre la politique du premier ministre. Un comble quand il aurait fallu tous ensemble s'attaquer de front à l'installation d'un chomage massif en France.

Nombreux sont les témoins de l'époque qui le décrivent comme cassant, boudeur et revanchard. Des "qualités" que l'on n'attend pas précisément d'un socialiste.

Son suicide n'est pas un geste politique pour restaurer "l'honneur d'un homme face aux chiens", une version elliptique mitterrandienne, qui m'a ému à l'époque du haut de mes 20 ans...mais qui était pathétiquement et singulièrement fausse...

Car qui étaient ces chiens qui auraient fait festin de l'honneur immaculé d'un martyr en socialisme ? Les journalistes acharnés à débusquer la vérité sur le prêt immobilier dont avait bénéficié Béré le pur ? je crois que c'est une version un peu courte de l'histoire. Les chiens c'étaient bien les socialistes eux-mêmes, la meute des "bons amis" qui à l'époque n'ont rien su faire pour protéger celui qui s'enfermait dans la dépression. Les chiens de l'Elysée, la meute des courtisans et des petits laquais du pouvoir.

Béré était donc tout à la fois victime de son époque et coupable à son échelle des dérives de notre parti, malheureusement et singulièrement. Lui qui n'avait pas su résister à la tentation de détruire ou d'affaiblir ses frères et sœurs en socialisme pour se hisser jusqu'au sommet de Matignon...était il une proie des chiens ou un membre de la meute ?

Son suicide n'était malheureusement qu'un geste de désespoir et d'une immense tristesse...Et non un geste de dénonciation du système politique de l'époque et de ses dérives.

Triste fin. Triste époque. Triste parti du congrès de Rennes...Une époque de chiens...

Je laisserai le mot de la fin à un de nos camarades de la FFE William Gueraiche, qui a écrit sur la disparition de Pierre Beregovoy un texte remarquable (intitulé Pauvre Pierre)

"On échappe pourtant à sa conscience de classe, certes mais on ne transgresse jamais impunément les frontières de classe. Pauvre Pierre. Il n’y a que le 1er mai 1993 que je me suis senti proche de toi"

Amitiés fraternelles

Boris

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