samedi 26 décembre 2009

Pour une laicité rénovée et une politique migratoire humanisée




Chers camarades,

Le débat sur la laicité et les minarets, qui fait couler de "l'encre numérique" dans les colonnes de ce forum, doit être replacé dans le contexte de l'élection de Nicolas Sarkozy et de celui d'une crispation hexagonale. Cette dernière est liée à une série de craintes trouvant leur fondement dans la montée du communautarisme et l'islamisation supposée de la société, doublées d'une peur pour les valeurs fondatrices de la République.

Le candidat Sarkozy a pu parfaitement identifier et jouer de ces peurs collectives pour faire fructifier son message d'une droite "décomplexée"parlant d'immigration choisie et de politique chiffrée de reconduite à la frontière des étrangers ayant pu mettre en place le conseil du culte musulman et l'interdiction du voile à l'école lors des dernières années de gouvernement Chirac.

Vincent Tiberj dans "la crispation hexagonale"(Plon, fondation jean jaurès, consultable sur le site de la fondation http://www.jean-jaures.org/) évoque la Marseillaise sifflée lors des Match France Algérie, les polémiques autour des caricatures de Mahomet, la peur du terrorisme liée au 11 septembre, et le retour sur le passé colonial, comme les paramètres ayant pu fonder, de 2001 et 2007, cette crainte d'une atteinte irrémédiable aux valeurs de la République par une frange de la population.

Pourtant, le même auteur relativise cette crispation et évoque la "révolution silencieuse" en marche dans l'hexagone, liée au renouvellement des générations et à la hausse globale du niveau d'études des français, pour rappeler également qu'il y a une montée globale de l'acceptation des différences, une baisse de la xénophobie et de l'ethnocentrisme, sans que ces valeurs positives ne trouvent forcément de relais politique, notamment à gauche.

Le débat sur ce forum, s'il a une utilité, est de montrer par exemple la difficulté de parler d'immigration à gauche, sans aussitôt transformer la problématique de la régulation des flux de personnes à travers nos frontières en débat sur l'islam, et partant, sur la laicité.

C'est ce glissement sémantique tout comme la difficulté à traiter de politique migratoire sous un angle de gauche qui empèche l'apparition d'un discours alternatif à celui de l'immigration choisie sarkozysienne. il faut pourtant ici sur ce forum s'y exercer :

Pour une approche rénovée de la laicité et un rapport apaisé à l'islam :


L'historien Gérard Noiriel enseigne que l'islam est la deuxième religion de France depuis...189 ans ! et que l'islam a été, dans onze pays européens sur vingt sept, présent comme phénomène historique pendant plusieurs siècles et qu'il constitue donc un élément culturel de l'identité européenne des peuples qui composent notre communauté, un élément aussi d'une identité française plurielle.

La plupart des musulmans de France ont un rapport "privé", quasi laic, à la religion de Mahomet : Si le Ramadan est reconnu comme une pratique largement suivie par une majorité de musulmans de France, il l'est au titre d'une pratique culturelle plus que religieuse. La pratique du culte reste stable, autour de 30% de musulmans fréquentant avec assiduité les mosquées, alors que la majorité se contente d'un rapport plus distant avec leur héritage islamique, créant un lien plus culturel que religieux avec l'islam.

Les "musulmans militants" qui reconnaissent difficilement la distinction entre sphère publique et sphère religieuse ne sont qu'une minorité, réunis derrière une vision d'un islam salafiste ou wahhabite peu représenté en France.

Notre vigilance de républicains et notre ardent désir de défendre les valeurs laiques ne doivent donc pas nous tromper d'ennemis.

Le principal ennemi de la laicité, quand on parle d'islam et d'immigration, c'est l'ignorance et la peur.

J'encourage à titre personnel, et comme le souhaitait Régis Debray dans un rapport de 2002, un enseignement à l'école des religions comme faits culturels et de civilisations, pour faire reculer l'ignorance.

Je crois nécessaire également de mener un grand débat national sur la loi de séparation de l'église et de l'Etat de 1905 pour refonder cette loi fondamentale dans une laicité retrouvée et apaisée qui n'hésiterait pas à reconnaitre l'apport culturel des religions, sans rien céder sur la neutralité de l'espace public. Cela permettrait de faire reculer la peur d'une atteinte à notre modèle républicain.

Faire reculer cette crispation hexagonale, relève donc des missions de l'école de la République, du débat politique et certainement aussi du devoir des militants socialistes et républicains que nous sommes à changer de regard sur l'immigré. Quand un français sur trois possède aujourd'hui un grand parent d'origine étrangère, le slogan "nous sommes tous des enfants d'immigrés", entonné jadis dans les rangs des manifestations étudiantes auxquelles j'ai pu participer gaiement, prend un vrai sens politique, bien au delà de l'incantation.

une politique migratoire européenne liée au co développement :


Dégager, sans angélisme, une vision européenne partagée, pour une immigration plus humaine, dans le cadre d'une politique migratoire liée étroitement à la politique de co développement avec nos voisins, est surement un objectif politique de premier plan. le combat pour le 1% de co développement doit imprégné les esprits et montrer que les transferts de technologie, les politiques d'entre aide entre pays, les accords d'échanges commerciaux généreux, peuvent permettre une maitrise des flux migratoires beaucoup plus efficaces que tous les murs qu'une Europe citadelle voudrait mettre en place.

La lutte contre la droite gouvernementale pendant les deux ans qui viennent doit nous amener à rénover nos idées pour l'emporter en 2012. Mais il faudra vaincre d'abord nos propres peurs : rénover la laicité pour sortir d'une vision totémique et combattive héritée du 19ème, évoquer les politiques migratoires nécessaires sans pour autant renoncer à les humaniser.

Amitiés fraternelles

Boris Faure
Varsovie

Choisissons toujours la France plurielle à la France fermée...

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