jeudi 17 décembre 2009

Un parti d'inclus (suite) à propos du PS et des législatives à l'étranger




Chers tous,

La diversité sociale est un objectif politique possible, au nom d'un idéal égalitaire qui passe par des élus représentatifs du "pays réel" ; Les représentants de la nation doivent être le reflet le plus exact de la sociologie de cet te dernière. Le parti socialiste, école des cadres et de sélection des candidats PS aux élections, devrait être à cet égard une école de la diversité, ce qu’il n’est pas.


Pourquoi notre parti n'est il seulement qu’un "petit" parti , étroit dans ses effectifs, « bourgeois » dans sa sociologie, trop homogène dans sa composition ? Le nombre d'immigrés, de femmes, d'ouvriers et d'employés y est ridiculement faible.

Des raisons pratiques expliquent cela, comme par exemple, l’horaire des réunions de section, en fin de journée, qui exclue de fait une partie des militantes femmes dans un contexte de répartition inégale des taches ménagères. Le culte de la parole, la science de la rhétorique sont aussi des éléments d'exclusions pour celles et ceux qui n'en possèdent pas les codes.

Je citerai le livre de Rémi Lefebvre « la société des socialistes » qui analyse la sociologie du PS de manière plus globale :



« Fortement professionnalisé à la base comme au sommet, entièrement organisé autour de la préparation des échéances électorales, le parti socialiste connaît une rétraction de ses réseaux d’influence et semble incapable de renouveler ses cadres et ses orientations politiques. La société des socialistes apparaît ainsi comme une société de plus en plus fermée sur elle-même, où les enjeux liés à la préservation des positions de pouvoir apparaissent déterminants. Un certain cynisme y est de mise. Ses membres se rassurent en se représentant la société française non plus comme une société de classes, mais d’individus ou, à tout le moins, comme une somme d’intérêts catégoriels auxquels il s’agit de répondre au coup par coup. Le programme a remplacé le projet, tant au niveau local que national »


La professionnalisation fait donc des ravages : Elle commence par le peu d’effort fait en termes de formation auprès des militants (même si effectivement la FFE n’est pas forcément à la traine sur ce plan là et qu’on essaie de faire au mieux dans les sections).


La raison de fond, c’est que la formation se fait à l’extérieur du parti, et au préalable : L’institut d’études politiques de Paris et les Instituts d’études politiques de Province sont devenus les annexes universitaires de formation des futurs cadres du parti socialiste (je plaide coupable, je fais partie moi-même de cette secte). L’UNEF ou le MJS peuvent être des compléments de formation, mais sont également fortement professionnalisés, et, d’expérience, on y apprend plus la cuisine interne du Parti (notamment le subtil rôle des motions ou les logiques d’allégeance nécessaires auprès des ainés) qu’on y suit un réel apprentissage démocratique ou qu’on y apprend les vertus du débat d’idées.


Je crois que tout simplement, les « initiés », au fait des subtilités statutaires, et qui possèdent donc un avantage comparatif à l’égard des autres militants, ont peu d’intérêt à partager leur savoir dans une pure logique de concurrence ; Est-ce que j’apprends ici quelque chose à quelqu’un d’ailleurs ?

La rétractation des réseaux d’influence : un parti de masse et d’éducation populaire devrait donc disposer de nombreux relais vers la société civile ou le monde syndical ; Le parti serait alors un lieu possible d’imprégnation sociale, par diffusion des problématiques de la société civile vers le parti qui en serait le relais, et une matrice de sélection élargie pour les militants venus du milieu associatif ou syndical. Or, Rémi Lefebvre démontre très clairement que les structures de direction du PS sont devenues hyper homogènes sociologiquement depuis le divorce avec le monde syndical, notamment : l’origine s’en situe sous le premier septennat Mitterrand alors que la CFDT, base de recrutement dans l’après Epinay, n’a été considérée, au mieux, que comme une simple courroie de transmission par les gouvernements socialistes et n’a donc plus réussi à faire infuser des idées auprès du PS.


Historiquement, et c’est ce qui différence le PS des partis sociaux démocrates européens, la charte d’Amiens a introduit une distinction entre démocratie sociale et démocratie politique et fondé l’indépendance du monde syndical en France. Cela explique l’étanchéité des mondes syndicaux et politiques en partie, même si les processus de sélections internes au PS sont également en cause, puisque, statutairement, la double appartenance PS-syndicat est encouragée mais peu ou pas valorisée.


« Je n'ai, à ce jour, pas d'exemple en tête d'une section ayant entrepris d'établir des liens durables avec une association de quartier ZUP, avec une école de ZEP, avec un collectif de sans papiers, avec un syndicat d'une entreprise en voie de délocalisation, avec un foyer de sans-abri, etc » comme l'écrit un camarade de la fédération des français de l'étranger du PS.

je n’ai pas connaissance de ce type de liens, tout simplement parce qu’ils ne sont pas réellement encouragés, par ce qu’on ne veut surtout pas prendre le risque d’étendre de manière trop large la base électorale interne du parti (un parti avec un trop grand nombre d’électeurs devient un parti plus difficile contrôlable par l’appareil centralisé…voir la « complexité » qu’avait créé l’arrivée massive d’adhérents à 20 euros…), parce que le parti tient à demeurer une machine de préparation des échéances électorales avant tout. A quoi bon, dès lors s’embêter à former des sans abri ? à travailler avec un syndicat ?


La société de classe : La société française et le parti socialiste peuvent être analysés sous le prisme de l’analyse marxiste/ La notion de classe est sur déterminante pour moi, car un enfant de la classe ouvrière qui réussit par la promotion sociale à s’extraire de sa classe d’origine (économiquement parlant) restera toujours handicapé par son manque de capital culturel et social d’origine. Il n’y a bien sur aucun fatalisme social (il existe en effet des « Pierre Beregovoy »…on sait comme tout cela fini…), mais dans la course à la distinction dont parle Bourdieu comme élément moteur de la société (et donc de la société politique qu’est un parti), les chances de se distinguer ne sont pas les mêmes du fait de « l’habitus » qui est un élément surplombant.


Je n’apprendrai rien à personne en disant que l’école est reproductrice des inégalités, et donc que le parti socialiste, en tant qu’école des cadres ou du militantisme, ne fait pas exception.


Dans une société de classe, le parti socialiste devrait donc avoir une politique pro active de promotion des classes les plus dominées : exclus, sans papiers, chômeurs, ouvriers et employés. A défaut, il pourrait avoir une politique pro active de promotion des enfants d’exclus, de sans papiers, de chomeurs, d’ouvriers ou d’employés…et de formation pour devenir, enfin, ce que le parti socialiste n’a jamais réellement été (même aux heures glorieuses de l’après Epinay, le parti n’a jamais compté plus de 200 000 militants…c’est très peu au regard des autres partis de gauche européens) : un parti de masse.

Les moyens existent pourtant, j’en citerai quelques uns : imposer la double adhésion et le double militantisme pour tout militant souhaitant se porter candidat aux législatives ; favoriser les adhésions à tarifs réduits y compris sur le long terme et pas seulement la première année, revoir les modalités de financement des partis politiques pour favoriser les activités formation et d’éducation populaire mises en œuvre par les principaux partis politiques…

Dans un parti de masse, reflet de la société, nous n’aurions effectivement pas besoin de quotas, de femmes, ou pour les enfants d’immigrés…et les enfants du prolétariat.

J’aimerai conclure, par une formule un peu provocatrice… « Prolétaires de la FFE, faites vous connaître, organisez vous »…des élections se préparent…

Amitiés fraternelles


Boris

1 commentaire:

  1. Bravo Boris pour cette analyse à laquelle j'adhère complètement. D'ailleurs ce que du dis du PS vaut malheureusement pour tous les partis, y compris le NPA (à un moindre degré cependant...) L'exemple de Beregovoy est à mon avis symptomatique de tout cela : la reproduction des élites (et le mal-être des "parvenus"). Car lorsqu'on n'en fait pas parti (des élites) mais qu'on y aspire, on se brûle les ailles ! C'est le problème de tous les déclassés qui se retrouvent dans un univers qui n'est pas le leurs et qui en souffrent énormément. Mais pour le coup, c'est tout le système "démocratique" qu'il faudrait revoir parce qu'en l'état des choses, on en est encore à l'ancien régime où les élites se pérennisent sans jamais remettre en cause le système - et pour cause elles en profitent... Ce qui m'agace le plus c'est que ces élites pensent qu'elles doivent leur statut à leur mérite, c'est cela la vraie injustice. Merci donc de ta contribution à cette question. Espéront que les élites socialistes la liront.
    Régis

    RépondreSupprimer